Un lynchage? j'accours, et j'amène la corde, pas la peine, le noeud est déjà prêt.
Petite paranthèse donc, hors sujet, sur le graphisme en général, et sur celui de jojo's en particulier.
Je vais pas m'apesantir dans de trop longues considérations esthétiques sur l'évolution des formes et autres en art, mais bon, on peut quand même distinguer deux choses:
1) le rapport consumériste à une oeuvre: on juge si quelque chose nous plait, ou pas. On consomme en fonction. C'est une forme de jugement de goût, fondée sur la culture, les habitudes, et toute une série de critères plus ou moins personnels, plus ou moins culturels, plus ou moins sociétaux. Brefs sur une série de codes.
2) le rapport esthétique à une oeuvre. Ca concerne un ensemble, et c'est assez prétentieux de le distinguer du premier niveau, et personne ne peut s'arroger le droit de prétendre s'y positionner et reléguer les autres dans le premier niveau, certes. Mais quand même, généralement, il y a certaines choses qui se mettent alors en mouvementen nous et qui sortent du simple registre des habitudes. Quelque chose de l'ordre de la sensation, esthétique ou autre, appelez ça comme vous voulez. Quelque chose qui fait que vous vous dites tiens, là, il se passe quelque chose, ou plutôt, c'est là que ça se passe. Et vous creusez, et vous vous apercevez que décidemement, tout ça, l'oeuvre que vous considérez, et ben elle est super bien fichue. Bref, une série de codes, mais d'un autre registre, des codes que l'on cherche, que l'on construit, plutôt que l'on reconnait.
Pour en revenir à Jojo's, le style peut déplaire. Mais ça me paraît assez logique. Il est tout sauf classique. Tout l'inverse du trait d'Obata, parfait, mais effroyablement lisse. J'aime beaucoup Obata, mais c'est plat, sans aspérité. C'est un forme de classicisme, d'épure de codes épuisés. Pour moi c'est de l'art mort, et comme tout art mort, c'est l'idéal d'un moment pour la consommation. Et c'est parfait pour Death Note je dois dire, oeuvre qui m'a bien plu. On peut défendre ça, s'opposer autour de cet enjeu. C'est bien comme l'a dit TTC, in fine, une affaire de goût, et on ne pourra pas trancher. Personnellement, pour moi, il n'y a pas photo d'un point de vue esthétique: Araki c'est puissamment vivant tandis que Obata c'est superbement mort.
Ne pas être dans les codes du moment, c'est souvent qu'on est précisément en train de les modifier, qu'on est train de faire évoluer l'expression artistique dans laquelle on se situe. C'est très visible en art plastique en général, je vous passe les détails de l'impressionnisme, des fauves, du cubisme et globalement de l'abstraction pour les exemples les plus connus.
Alors pour en venir à Araki, et pourquoi c'est vivant. Tout d'abord, j'y suis sensible alors que je ne suis pas super regardant sur le dessin. Je vais pas développer, mais bon, une bd en général, je l'envisage comme un tout, et le style graphique n'est pas pour moi en soi déterminant. C'est son rapport à l'oeuvre, particulière que je lis, ou à celle générale d'un auteur qui m'importe. Pourtant, Araki, son style m'a scotché dès le départ. Ce qui m'a sidéré, c'est qu'il en revient presque aux techniques expressionnistes européenne et américaine des années 1920-1930, et qui concernaient dessin, cinéma et animation. Tout ce qui faisait dire à Eisenstein qu'il enviait Disney de pouvoir donner la forme et la pose qu'il voulait à ses comédiens à l'intérieur du cadre. Et ben le style d'Araki me fait le même effet. Ses planches sont parmi les plus vivantes et les plus animées à mes yeux. Tout parle pour moi dans la façon dont les personnages se tiennent, se considèrent, et dont l'espace est aménagé entre eux. Bref pour moi, graphiquement, il y a un art de la composition et de la mise en scène extrêmement éprouvé. Et toute façon la narration de Jojo's est en grande partie fondée dessus: sans ces dessins, honnetement, je sais pas comment Araki raconterait ses histoires dont franchement on n'a pas grand chose à faire, et dont tout l'intérêt réside dans la manière dont des pouvoirs invisibles vont trouver une expression visible.
Je vais faire mon gros prétentieux puant, attention: Paul Klee définissait l'art comme la capacité à rendre visible l'invisible précisément, et ça m'a frappé de voir comment Araki pousuivait un objet si proche de la définition d'un des pères de l'abstraction du XXème siècle. Les stands d'une part, l'expressionisme des corps d'autre part: c'est exactement ce projet esthétique dans l'univers commercial des manga.
Ah, et pour finir dans la défense de Jojo's, ange bleu l'avait signalé il y a quelques temps: Araki est le seul mangaka a avoir eu ses planches exposées dans une galerie d'art à Paris. Pas rien pour un type dont le trait est censé ne pas être appréciable. Et toujours dans le même esprit, Araki produit non seulement des couvertures de livres à succès au Japon (Alex Ryder), mais aussi récemment une couverture pour un grand magazine de science américain. Bref, quand on apprécie le style d'Araki, on n'est pas spécialement underground, j'ai même plutôt l'impression qu'on est dans le flot qui reconnaît le talent, y compris et manifestement graphique, du bonhomme.
Ne te décourage pas Josuke! La banane vaincra un jour.
(sinon, pour le côte ringard, à voir mes élèves en ce moment et l'évolution de leur coiffure, je ne jurerai pas que ça ne va pas redevenir à la mode d'ici quelques mois...)
EDIT: bon ben ange bleu a déjà rappelé l'histoire de la galerie...
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Dernière édition par seleniel le Mar 6 Nov 2007 11:59, édité 1 fois.
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