Ben merci Azaelia! Suite à ton sujet, j'ai acquis le dernier Morvan/Munuera, ainsi que autre continuation de la série dont je parle plus loin et que j'avais pas vu sortir.
Alors d'abord sur la série. Je vous passe le créateur du personnage (Rob-Vel), ou même celui qui l'a utilisé par la suite (Jigé). Suis pas vraiment fan du Spirou du Journal. La série commence vraiment avec Franquin, qui crée une véritable mythologie: Champignac (Pacôme Hégéssipe Adélard Ladislas, comte de Champignac), Zantafio, le Marsupilami, Zorglub (d'ailleurs vous pronocez le U comment? "ü", "ou", ou "eu" comme dans "club"?), Seccotine, Le Maire… Je relis Spirou de manière cyclique depuis des années (ma rotation à la campagne: tout Tintin-Astérix-Lucky Luke-Spirou-Gaston Lagaffe-Génie des Alpages-Adèle Blansec), et ce début de Spirou me plaît toujours autant. QRN est bien l'une des plus grandes réussites (les scène de torture dans la forteresse sont géniales), avec Les Héritiers, La Corne du Rhinocéros, La Mauvaise Tête et Z comme Zorglub.
La suite par Fournier m'emballe franchement aussi. Tout ce qui tourne autour du Triangle m'a plu, le côté parodique assumé, et des personnages secondaires comme Itoh Kata. L'Ankou est assez génial. Le reproche que je ferai est un discours professer de manière parfois insistante à travers l'intrigue (cf des haricots partout alors que jusqu'au dénouement le double épisode qu'il forme avec Kodo le Tyran est magistral).
La reprise par Nick et Cauvin est tout bonnement insignifiante. Leur triptique avec les savants et la boîte noire m'ennuie quasiment à chaque fois que je les lis. Et le style graphique me déplait assez.
Avec Tome et Janry, c'est vrai que ça reprend un nouveau souffle. Surtout au début selon moi. Virus, Cyanure, New-York sont de vraies réussites. Mais les derniers sont catastrophiques je trouve: à partir de Moscou je n'ai plus suivi qu'épisodiquement (le Rayon noir, quel ratage!!)
Lorsque la série a été reprise par Morvan et Munuera, j'ai acheté le premier, Paris sous Seine, et ai été assez déçu. Ca renoue avec de l'aventure, mais ça cherche avant tout un impact visuel, et l'action doit être spectaculaire. Mais à côté de ça, narration et intrigue assez faiblarde, et je parle pas de la composition des planches. Je viens donc de lire celui à Tokyo, et finalement j'ai été agréablement surpris. C'est pas si mal. Le public visé est jeune, voilà tout, et je ne me retrouve plus dans ces héros. Le côté manga, au-delà du phénomène de mode, peut être intéressant comme manière de revivifier le mythe (je vous renvoie au pavillon de la BD: expérience de
Japonqui fait se rencontrer auteur franco-belge et auteurs nippons). Mais ça passe quand même par le recours aux clichés, avec l'affirmation d'une distance par rapport à eux tellement insistante qu'on y croit pas vraiment (le jeu avec la voix du narrateur est vraiment mauvais et lourd, quand la narration était fine chez Fournier principalement). Ca fait un peu grande soupe pour plaire et mettre en scène de l'action et des personnages toujours sympathiques. Guère d'identité là-dedans pour l'instant selon moi. Mais j'ai été charmé par deux trois détails: les enfants psy d'Akira (construction de robots avec les objets éparpillés), les magiciens de Fournier (Itoh Kata en tête, mais dommage que leur présence ne soit qu'une pure référence: aucun impact sur la trame), et des effets visuels cinématographiques (un même case répétée avec l'effet propre au filmage via caméra: premier plan flou au profit de l'arrière plan, puis point fait sur l'objet au premier plan rendant flou l'arrière plan). Amusantes aussi les cases sur les lectures du Yakusa. Par ailleurs je suis assez curieux de voir ce que cela donnera du côté nippon, comment les personnages et le background seront repris dans la refonte "manga" de Spirou.
Ce qui nous amène à ce qui m’a le plus plu dans la nébuleuse Spirou et Fantasio qui s'active en ce moment. Dans le sujet sur Lapinot, j’avais déjà mentionné le traitement du motif qu’en avait fait Trondheim dans son numériquement dernier tome de
Lapinot, L'Accélérateur atomique (cf sujet sur la Volonté, un peu plus bas dans le Chantier Naval, ou dans le Pavillon si vous y êtes allé pour Japon). Le mythe Spirou était réactivé et devenait matériau pour une refonte. Dans la foulée, mais peut-être n’est-ce qu’une coïncidence, Dupuis a lancé un projet d’appropriation de l’univers par des auteurs différents, à la manière des Donjons Monsters, de Sfar et Trondheim. Un auteur, ou deux (dessin/scénario) se voient confié l’univers pour en donner leur vision, sur un seul tome. Leur style graphique est conservé, ainsi que leur narration. Doit subsister je pense l’esprit, la lecture du mythe par les auteurs. Cette idée que Spirou appartient désormais à tous, sorte de culture collective ou de domaine public de la création bd me plaît bien, et a des chances de renouveller en profondeur la série. Ainsi le premier tome de cette collection est fait par Yoann (qui a fait un Donjon Monster justement, bien poilant : Du Ramdam chez les brasseurs) et Vehlmann (connais pas), et s’intitule Les Géants pétrifiés. On y retrouve de l’aventure, des découvertes, de l’action, des innocents et des profiteurs, tout ce qui fait le fond habituel. Mais des écarts savoureux se produisent, et le modèle est comme écorné, subtilement et intelligemment. Spirou et Fantasio vivent l’aventure séparément, le comique est réactualisé nettement, et surtout, surtout, il y a des femmes. Pas des filles. Des femmes. Spirou et Fantasio sont séxués, et ça se voit enfin. Même si la dernière case fait pirouette, et si Spirou préfère faire mumuse avec ses copains plutôt que de suivre la belle. (j’ai évité le jeu de mots vulgaire). Peut-être un dernier pied de nez à cette absence de féminin habituellement dans cette bd (on pourrait lancer le débat sur la bd franco-belge, mais on va rester dans l’idée du public visé au départ : jeune garçons. (Comment ? Spirou serait un Shônen ?! incroyable…)).
Voilà : je suis très en attente des deux autres tomes annoncés dans cette collection : Le Tombeau des Champignac (Fabrice Tarrin et Yann) et Les Marais du Temps (Franck Le Gall, qui a collaboré avec Trondheim sur un Lapinot).