Dans Dragon Ball, le début est marqué par quelques "gueules", parce qu'on est encore dans une filiation avec Dr. Slump et un registre gag manga, dans lequel les gueules sont un code normal. A partir du moment où la série passe complètement à du shonen d'action, les gueules s'effacent au profit d'antagonistes plutôt classes, même si Toriyama, dont Oda est un fils spirituel bien sûr, joue beaucoup des écarts. Mais graphiquement, à partir du moment où on a les saiyens, je trouve que ça se normalise vers le classe. Et même si le fait d'avoir des adversaires à plusieurs formes permet de changer de registre, c'est ça qui caractérise la vraie menace, la vraie puissance: Freeza, Cell, Bou, tous les 3 sont hyper classieux en dernière forme.
Quand je parle de gueule, je ne parle pas de bouffon, mais de codes graphiques: une gueule c'est une déformation des traits et une exagération des proportions. C'est du baroque, face aux personnages classes qui sont proportionnés, réguliers (classiques en termes d'esthétique, donc).
Actuellement, dans le Jump (et dans les standards du shonen), Bleach est une sorte de paroxysme pour moi du "Classique", avec ses personnages graphiquement classes, aux poses et mises en scène qui mettent cela en relief. Kubo a délaissé son versant baroque qu'il avait pu avoir au début, avec le comique. Même le Hueco Mundo, qui aurait pu/dû constituer un lieu pour retrouver des déformations a eu un traitement très classique (au sens esthétique, encore une fois) dans son graphisme.
Là, on a introduits des personnages dont une majorité semble relever, pour le moment, on verra très prochainement, de codes graphiques opposés. Kubo l'a déjà fait lui-même, ce n'est pas une nouveauté. Mais on a là une concentration de ce type de personnages, pour des "postes" de puissance clairement dit au somment. Là, c'est nouveau. Il suffit de voir le haut de hiérarchie de la Soul Society jusque-là, du Hueco Mundo (les 4 premiers...), les shinigamis renégats, les leaders Fullbringer ou encore Bach et ses seconds pour remarquer le contraste. C'est un signal, dont j'attends de voir ce qu'il signifiera réellement chez Kubo.
Et donc, dans le paysage actuel du Jump, il y a deux auteurs qui se permettent cela de manière massive, et qui sont en train d'en faire non seulement leur marque de fabrique, une part de leur esthétique, mais aussi, si l'on regarde bien, une des raisons de leur immense succès: Togashi et Oda, le deuxième de manière plus marquée encore selon moi que le premier (le rythme de publication peut-être aussi induit cette impression). De là à penser que Kubo qui cherche à reconquérir son lectorat jette un oeil à ce qui marche auprès des lecteurs de son magazine... il y a un pas que je suis très tenté d'effectuer!
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