Ce que dit VanAuger est tentant car c’est un raisonnement logique, mais ce raisonnement a malheureusement des limites qui vont le rendre – dans le fond – obsolète. Peut-être que sur la forme il aura finalement raison, et peut-être que tout va effectivement se dérouler selon ses prévisions et qu’Oda va répondre à ses « souhaits ». Pour autant, rien ne semble en porter caution.
Il faut remarquer que depuis le début, Luffy suit une trajectoire plutôt rectiligne, sa progression s’effectuant par paliers successifs. Dans les faits, Luffy se charge tout d’abord de « petits » pirates, lesquels pirates sont également des nuisances pour la Marine et par extension au moins un tant soit peu pour le Gouvernement Mondial (même si les Crow, Creek etc. sont loin de constituer un réel danger). Vient ensuite Wapol, qui, sur le papier, dispose des droits nécessaires pour gouverner son royaume comme il l’entend étant donné qu’il en est le souverain légitime. Quelque part, il bénéficie d’une certaine protection due à son rang. Son éviction du trône passe inaperçue aux yeux de tous car Luffy l’a envoyé valdinguer par-delà l’horizon, et au final l’affaire n’aura presque pas de répercussion à l’échelle mondiale. Puis, Crocodile pointe le bout de son nez. Et à partir de là, les choses deviennent plus intéressantes et sérieuses. Il faut dire que le cas est loin d’être anodin, puisque s’il va de soi que les actes du corsaire vont à l’opposé totale de ce qui lui est autorisé par principe, le Gouvernement Mondial commence à s’inquiéter des retombées néfastes qui pourraient se déduire de la chute d’un important personnage qui, par ailleurs, bénéficiait jusque là de son « soutien ». Par peur de perdre sa crédibilité, le GM décide donc d’étouffer les événements réels, bien que mettant à prix deux têtes parmi l’équipage de Luffy.
Ener et tout ce qui s’ensuit de l’aventure céleste reste une branche satellite à l’intrigue principale dite du GM. Par conséquent, il n’est pas nécessairement pertinent d’en faire une analyse complète (il parait évident que l’utilité de ce voyage est surtout de mettre les parcours de Roger et de Luffy en corrélation, d’amener à la découverte d’une nouvelle stèle en ce qui concerne les Ponéglyphes, et d’introduire tout ce qui gravite autour des rêves – un des thèmes centraux de One Piece).
Nous arrivons alors, doucement mais sûrement, à l’incident Enies Lobby. Ici, le schéma qui s’était produit pour Crocodile quant à l’urgence pour le GM de camoufler l’affaire au su de tous est, dans l’esprit, réitéré. La puissance de Luffy et de son groupe ne cesse de grandir et son aura a, à chaque instant, un peu plus d’emprise sur les plans du GM qui commence à voir en ces pirates une menace tangible. Toutefois, ce que ces joyeux lurons vont accomplir est un peu trop gros pour tout noyer dans un feu de paille ; c’est la raison pour laquelle l’augmentation des primes s’est imposée d’elle-même et le nom du chapeau de paille n’a pas tardé à retentir à travers l’ensemble du globe. Dès lors, le GM ne peut plus rester indifférent devant les insanités de ces insouciants. C’est ce qui conduit précisément à la conclusion de l’arc Moria : le Gouvernement Mondial ne peut franchement plus se permettre de se ridiculiser toujours davantage face à ces forbans décidément bien pénibles. Kuma, d’ailleurs, recevra l’ordre de tous les exterminer ; mais on connait tous comment tout ça va se terminer. Aussi, une fois n’est pas coutume, le GM se voit dans l’obligation de brouiller les cartes pour ne pas déstabiliser les forces en présence, induites par les trois groupes majeurs de Grandline.
C’est donc dans ce contexte vraiment trouble et mouvementé que prend racine cette histoire d’Amiral de la Marine, de Supernovas etc etc. Si on pousse, ne serait-ce qu’un tout petit peu, la logique des faits, on se retrouve rapidement confrontés à une situation sans précédent où il semble incontestable que le Gouvernement Mondial n’a plus aucune marge de manœuvre par rapport à la nocivité provoquée par Luffy et ses compagnons, spécialement quand on retient de plus la guerre prochaine que les corsaires et la Marine préparent contre Barbe Blanche. Tout ça nous entraine forcément vers une évidence quasiment indispensable : pour le moment, il est impossible que Luffy puisse à nouveau mettre le GM à genoux en détruisant Kisaru. Parce qu’auquel cas, le GM serait alors entièrement discrédité à l’aube d’un tournant essentiel pour le devenir du monde, ce qui est textuellement improbable. Surtout que pour les futurs rookies du Nouveau Monde, ils ne sont, tout bien considéré, qu’aux portes de leurs aventures respectives. Sans compter de surcroit que le manga entre dans une phase qui se veut bien plus noire qu’à l’accoutumé, avec notamment une exécution (et non des moindres) annoncée pour un désastre d’ores et déjà consumé, et ce, quel que soit l’aboutissement de tout ceci. Ce changement d’atmosphère générale implique sans doute également une difficulté renouvelée pour nos héros, tant sur le plan psychologique que physique… Ainsi, battre seul ou à plusieurs l’une des figures les plus emblématiques de l’autorité mondiale relèverait, en mettant tout raisonnement plus ou moins logique de côté, tout simplement d’une monumentale erreur de cohérence scénaristique. Et pour le coup, je reste persuadé que ça, c’est typiquement le genre de piège dans lequel ne tombera jamais Oda…
(A la limite, s'il devait fatalement y avoir un quelconque changement au niveau des prérogatives offertes aux Nobles, je suis absolument convaincu que ça ne passera en aucune manière par une défaite de Kisaru.)
Note : Mortel d'écrire un texte pareil quand on est à moitié endormi...
xoxo
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