Mon ordinateur est réparé et voilà le vingtième chapitre! Déjà, mais je vous préviens qu'il y a des scènes qui pourraient choquer quelques âmes sensibles.
Quelques années auparavant, à Rosarlino, un mois après la psychose d’Edward…
Sous un doux soleil de midi de la fin du printemps, Owen fixait, en pleurant silencieusement, la tombe de sa mère adorée, qui reposait aux côtés de ceux de Caleb, de sa grand-tante Marilyn et de son beau-père Lawrence sur une prairie parsemée de pissenlits multicolores. Ce dernier avait beaucoup grandi tout en gardant une physionomie svelte, et était une cible par excellence des demoiselles. Ses longs cheveux noirs ondulaient au zéphyr qui mettait en valeur ses yeux verts brillants tels des étoiles en supernova. Il arborait des boucles d’oreilles en anneau, des sandales en paille, un t-shirt blanc et des jeans bleu délavé. À sa droite, son alligator, un mâle nommé Pollux, de compagnie montrait, en guise de solidarité, sa tristesse. Compagnon du futur Sir Crocodile, il lui appartenait depuis quinze ans et partageait sa vie comme meilleur ami. Les deux inséparables couchaient, mangeaient et jouaient ensemble.
Une semaine après le drame familial, Scarlett s’était pendue dans un accès de folie, et Newgate avait été mis, avec son demi-frère Dylan, sous la tutelle d’Allan, l’autre frère de Caleb. Cet homme quinquagénaire était austère, sévère et strict envers les deux adolescents. Contre leur propre gré, Allan leur planifia, pour l’automne prochain, des études universitaires à Luvneel pour forger leur caractère et représenter avec honneur la lignée des Campbell, bafouée par l’incursion de pirates dans cette famille. Bref, Owen haïssait son tuteur et désirait avant tout mener une vie de pirate comme ses parents biologiques.
Avant de rentrer chez lui, il cueillit un bouquet de pissenlits et le déposa sur la sépulture. Autrefois, celui-ci en offrait très souvent à Berenson qui en prenait un grand soin dans des vases remplis d’eau. Le domaine de feu Cliffford avait été reconstruit dans les plus brefs délais pour lui redonner son style d’antan. C’était un samedi et les domestiques avaient congé jusqu’à lundi, mais Allan avait une réunion très importante avec des partenaires commerciaux de l’entreprise paternelle de fruits et légumes. Le chef de la maison ne devait que retourner chez lui qu’en toute fin d’après-midi. Toutefois, il conduisit Pollux dans son étang, l’ancien emplacement de la maison du vieux Basil, décédé le lendemain de sa journée de naissance. L’eau turquoise entretenait une symbiose avec les saules pleureurs en pleine croissance, les bébés nénuphars, les chants des criquets, les croassements des grenouilles et un autel en bois noir. Comme il avait un peu faim, Owen se dirigea vers la salle à manger où il retrouva son demi-frère, en caleçon, qui mangeait une pomme. Légèrement plus bronzé, musclé et petit que le fils d’Edward, il possédait des cheveux gris courts en bataille, des yeux bruns, un visage rond et un nez charnu. Le jeune Newgate contempla, la verge durcie, son copain s’approcher sensuellement de lui et enlever son chandail, montrant alors des pectoraux et des abdominaux bien découpés. Dylan lécha avec douceur ses mamelons, embrassa la bosse, puis retira les vêtements restants ainsi que les siens. Passionné, Owen bombarda son cou de baisers chauds. Pendant de longues minutes, les deux amants restèrent collés sur le tapis et s’enlaçaient tendrement. Soudain, une femme arriva à l’improviste dans la salle, surprenant les deux hommes nus.
-Par l’amour du ciel!
Facilement reconnaissable par ses grosses lunettes de soleil, Sharon avait des cheveux blonds en queue de cheval, que couvrait un chapeau en paille. Costaude et de peau brûlée par le soleil, la dame s’habillait d’un chemisier beige moulant et de shorts kaki dignes d’une travailleuse de safari. Ses courbes imposantes séduisaient les hommes mûrs. Diplômée en botanique, en génie forestier et en géographie de l’université royale de Luvneel, elle passait tout son été à Rosarlino et sur les territoires du Nord afin de fabriquer des potions médicinales grâce à des plantes indigènes en plus d’essayer des mélanges. La fille de Caleb avait maintenant 29 ans et sa fête, située en août, s’approchait à très grands pas. Hélas, comme Allan était encore responsable, conformément à la loi, de son autonomie, l’oncle donna sa nièce en mariage à un vieux colonel veuf afin de sceller une alliance avec la Marine. Ces noces seraient fêtées au début de septembre. Owen alla à sa rencontre et se fit réprimander.
-Si Allan découvre cela, tu te feras fouetter! Je suis venu prendre mon déjeuner.
Téméraire, son cousin ricana.
-Je n’ai pas peur de ce vieux schnock au bide tout mou! En passant, Sharon, tu dois être nerveuse pour cette foutue union avec ce colonel à la noix.
La belle blonde retira ses lunettes et son couvre-chef, dévoilant alors des yeux rieurs et bleus au teint pourpre, un visage rond et des joues bouffies. Dylan le rejoignit et ajouta.
-On ne peut rien faire contre le destin, mais il faut profiter à fond de la vie. Sinon, on sera malheureux comme des damnés.
Hésistante, Sharon risqua une réponse.
-Et comment selon vous, les tourtereaux!
Crocodile lui déboutonna la chemise et ôta le soutien-gorge. Des seins massifs rebondirent et des mamelons, ressemblant aux raisins rouges prêts à cueillir, brillèrent à la lueur du jour. Pendant que le propriétaire du logia du sable jouait avec ces melons, Dylan retira le bas du costume tout en regardant ce délicieux sexe féminin et mit sa main droite sur cette touffe chaude et réconfortante.
-Qui te dépucellera, ma belle? Pas ce vieux nourri au viagra, j’espère.
Ils s’abandonnèrent aux plaisirs d’Aphrodite durant de longues heures, faisant retentir des gémissements incessants. Toutefois, ceux-ci n’étaient pas conscients du drame qui devait arriver un jour.
En effet, Allan avait terminé sa réunion plus tôt que prévu et était arrivé chez lui. Il n’avait pas beaucoup changé à part ses cheveux blancs, son visage ridé, son oeil gauche absent, ses dents jaunâtres et un habit traditionnel de ville avec une cravate aux carreaux rouges. Après avoir entendu des bruits bizarres, Campbell marcha à quatre pattes et put observer le triangle amoureux à partir d’une fenêtre. Des pensées sinistres s’infiltraient de plus en plus dans son cerveau et un rictus haineux.
-Vous venez de commettre l’irréparable, lascars.
Il disparut.
Autour de cinq heures de l’après-midi, ils étaient fatigués et décidèrent, très satisfaits, de s’arrêter. Sharon s’exclama tout avant de s’habiller.
-Je me rappellerai de ce moment toute ma vie.
Soudain, une bombe cachée explosa, détruisant presque toute la cuisine et le salon. Le plafond lézarda, puis s’écroula en tuiles successives avec l’étage supérieur. Sous le choc, Dylan et Sharon prirent leurs jambes au cou jusqu’à la sortie alors qu’Owen s’inquiétait pour Pollux. Il commit une des pires gaffes de sa vie : il brava le feu et se rendit dans la cour où des soldats de la Marine l’attendaient à côté du cadavre de l’alligator. Complètement assommé par la mort de son meilleur ami, Crocodile ne vit pas un officier surgir de derrière et lui donner un coup de massue sur la tête. Ce fut le noir.
Le lendemain matin, le fils de Barbe Blanche se réveilla dans les cales d’un navire de la Marine. Il était assis sur un coussin de foin et enchaîné par des menottes en granit marin. Presque vide, la salle était assez étroite avec des murs en bois et quelques tonneaux vides. Après avoir retrouvé ses esprits, l’adolescent sentit un certain poids sur ses genoux. En fait, la tête d’Allan, exprimant une souffrance macabre, gisait dans un sac de plastique. À côté reposait une cage où des braises ardentes dégagaient une très grande chaleur. Plus loin, un vieillard, qui mesurait environ six mètres avait pris place sur sa chaise. Ayant des cheveux blancs marqués par une calvitie avancée, l’inconnu avait des yeux bruns vifs, des dents pourries formant un sourire sardonique, ainsi qu’une peau mince et pendante aux taches de vieillesse. Il arborait son uniforme de la Marine et s’appuyait sur une canne en métal. D’une voix rauque, il se présenta.
-Allan a failli à ses devoirs. Il mérite son châtiment. En effet, je suis son chef, le colonel Donxiquote Cyrus.
Étonné, Owen montra toute son insolence.
-Tiens, c’est le bonhomme qui voulait épouser ma cousine!
Tout de suite, Cyrus montra la tête de Sharon, affreusement mutilée. De la peau avait été écorchée pour laisser voir les os. Les dents et la langue avaient été arrachées avant que la lèvre soit cousue. Le nez coupé saignait encore et les yeux étaient crevés. Horrifié, Owen sanglota à chaudes larmes alors que son bourreau poussait un rire sadique.
-Par contre, on n’a pas trouvé Dylan. Les soldats sont à sa recherche.
Le jeune Newgate explosa de colère.
-POURQUOI CES ATROCITÉS?
Donxiquote répondit avec dédain.
-J’ai une dent envers ton grand-père Joseph Newgate.
Edward lui avait très peu parlé de son père, mais beaucoup du vice-amiral qui lui avait ruiné son enfance.
-Y a-t-il un rapport avec Cathbad?
Surpris, Cyrus hocha la tête et sourit.
-Je suis son frère aîné. Il était le plus puissant vice-amiral à l’époque. Tu connais cette histoire qui s’est déroulée, il y a environ quarante ans.
Crocodile la savait par coeur et l’insulter. -Tu es pas mal lucide pour un petit vieux. Pas d’Alzheimer! Je suis déçu!
Ce fut au tour du frère de Cathbad de s’emporter.
-Petit morveux, tu oses me manquer de respect! Nous appartenons à une des branches des Don. Peu avant le siècle oublié, nous étions des cousins des véritables porteurs du D et formions plusieurs maisons princières qui avaient dirigé les révoltes contre les grands empires antédiluviens, dont celui des Cimmériens. Partout où nous allions, nous imposions la loi. Hélas, durant ces cent ans sombres, cette autre dynastie nous avait presque complètement éliminés à part quelques bastions. Cette tendance s’inversa par la suite et les Don reprirent le pouvoir grâce aux Sphnix. Plusieurs de leurs représentants fondèrent le Gouvernement mondial et le corps des Dragons célestes.
Comme Owen détestait l’histoire, il ignora presque toute cette leçon et bâilla. Le vieux redoubla sa colère.
-Espèce de déficient! Faut-il que je bourre cela dans ton crâne? Quand Joseph s’est battu contre Cathbad, il a commis un des pires crimes sur cette planète : celui de s’attaquer à l’ordre des Don et du Gouvernement mondial. Ton grand-oncle Clifford a essayé de colmater, sans succès, l’affaire en essayant de se débarrasser de Joseph et d’Edward.
Il fit une pause, puis poursuivit.
-C’est l’heure de la torture. Je te présente mes deux vieilles soeurs. Allecto et Mégère. Je ne pense pas qu’on se reverra, mais si tu survis à cette épreuve, je te garantis que tu auras la vie sauve.
Deux petites religieuses encapuchonnées, au visage caché et sinistre, s’avancèrent pendant que leur frère quittait le lieu. Facilement reconnaissables par leur très longue robe noire, leurs mains osseuses et leurs grands colliers argentés en croix. Elles plaquèrent leur victime, les bras et les jambes écartés, sur le mur. Allecto s’empara du fouet alors que Mégère trempait une tige d’acier dans le brasier. Une minute plus tard, ces dernières se déchaînèrent sur Owen pendant cinq heures, tout en ignorant ses cris terrifiants et ses pleurs à déchirer les tympans. Après, elles le ligotèrent sur la partie la plus basse de la poupe où le conjuré encaissa le choc des vagues. Traînant des ecchymoses rouges, la bouche ensanglantée, le ventre balafré, les jambes brûlées et les côtes fracturées, Crocodile était à moitié inconscient et survivait toujours. Au coucher du soleil, Allecto abandonna son projet.
-Il est encore vivant, Mégère. Respectons la volonté de Cyrus. Il trouvera la suite moins drôle.
Postées sur un canot de sauvetage, elles le délivrèrent et le ramenèrent dans les cales où il tomba dans les bras de Morphée.
Le lendemain, le fils de Scarlett se réveilla et ne sentit plus vraiment la douleur des blessures infligées la veille.
-Tu es salement amoché, mon beau Owen. J’ai peur que tu fasses une infection. C’est un grand jour aujourd’hui.
En devant de l’adolescent, une religieuse terminait de lui soigner. Elle portait la même tenue que les deux vieilles, mais son visage de jeune adulte était bien plus joli. Ses cheveux de jais, retenus en chignon et laissant quelques mèches rebelles sur le front, s’harmonisaient avec ses yeux verts et son visage pointu. Et ses canines étaient très pointues, ce qui montrait son portrait de vampire. Confus, Owen voulut la connaître.
-Qui es-tu?
Elle répondit tout en lui appliquant une lotion sur son cou écorché.
-Donxiquote Théodora, je suis l’arrière-arrière-petite-fille de Cyrus.
Méfiant, le descendant de Kull répliqua.
-Que Cyrus compte faire de moi?
Elle cligna des yeux et ricana.
-Tu seras un esclave de Harald IX, le roi de Luvneel et allié à la Marine.
Consterné, le prisonnier se rappela de drôles de rumeurs entourant cette cour royale dysfonctionnelle. Comprenant ses émotions, Théodora enleva son costume, montrant un corps athlétique, des seins pointus aux deux mamelons liés par une chaînette, ainsi qu’un pagne brun descendant jusqu’aux genoux. Ensuite, elle se plaça, les jambes écartées et les pieds posés sur le foin.
-Je te donne l’immense privilège d’ôter ce voile, ce que personne n’avait fait auparavant.
Sans réfléchir, Crocodile obéit et découvrit un assez gros appareil reproducteur masculin dans toute sa splendeur avec des anneaux en bronze insérés. La transsexuelle entraîna la main droite de son captif à masser ce phallus. Sous le choc, le futur maître des sables murmura.
-Tu es tellement belle. Je pensais que c’était un mythe. Même Jared n’en parle pas dans ses romans. C’était un pur hétérosexuel, pas un bisexuel.
Elle poussa un petit rire.
-Détrompe-toi, ils sont bien répandus dans ce monde grâce à la reine Ivankov, la bienfaitrice des miracles. À partir de maintenant, je suis ta maîtresse.
Ils s’embrassèrent et s’abandonnèrent à l’amour.
Dans l’après-midi, ils se trouvaient, après s’être fait escorter par quelques officiers, au seuil du portail gigantesque du palais royal qui embellissait les jardins. Massés autour d’un chemin en gravier, des sapins, des chênes, des pins, des frênes, des oliviers et des érables assuraient une verdure hors de commun. Théodora, qui avait revêtu ses vêtements de nonne, cogna à la porte. Magnifique avec son teint saphir, les artistes y avaient peint des chars tirés par des capricornes. Au sommet, trois femmes hermaphrodites brandissaient respectivement trois objets symboliques : la lune; le soleil; l’épée de la victoire. Construite six cents ans auparavant, la bâtisse, aux arcades et aux piliers mégalomanes, s’élevait à une cinquantaine de mètres de hauteur et s’imposait par son style classique et illuminé avec une couleur dorée. Sur un des pinacles, des artisans avaient gravé, dans du bronze, une statue féminine allaitant un bébé, ce qui représentait la première reine de Luvneel, Olga, en train de nourrir le futur Harald Ier. De très grands eunuques rasés et de peau noire ouvrirent la porte. Chacun exposait un corps dénudé d’adonis, qui sentait le pur printemps, avec des muscles de culturiste. Le hall était uniquement composé de miroirs, afin de s’observer et s’admirer. Sur ce, les soldats quittèrent les lieux tout en fermant l’entrée, ce qui permit à la descendante de Cyrus de se déshabiller à nouveau et de conduire le nouveau venu à travers les pièces. Donnant accès à plusieurs couloirs pour les chambres et les salles à manger, le vestibule offrait un plafond monumental et orné d’un chandelier brillant de ses mille feux. Des cadres illustrant des scènes érotiques décoraient les murs. Sur le sol, les pieds jouissaient du tapis au bleu chatoyant. Plus loin, un très long escalier menait à la salle du harem et du trône . Après l’avoir gravi, Crocodile se retrouva dans la plus belle salle des lieux. En effet, lors d’une rénovation, l’ancien roi Harald VII décida de dégager une bonne partie du toit pour y aménager une cour extérieure utilisable lors de l’été et des beaux temps ensoleillés. De multiples bassins d’eau avaient été creusés pour des ablutions et d’innombrables matelas rouges, avec des tables sur lesquels reposaient les bols de nourriture et les récipients à liquide, pouvaient assurer le confort des employés et des invités. Au fond, un lit pourpre surdimensionné était caché par des rideaux noirs. Autour du périmètre rectangulaire, d’autres eunuques de toutes races tenaient des encens odorants qui traduisaient un mélange de cannelle, de la fleur d’oranger, de lavande et de thé macéré. Dans l’eau, huit vierges, toutes âgées d’entre seize à vingt ans, avaient été sélectionnées par leur grande beauté et s’occupaient du bien-être des amis du roi. Divines telles les nymphes, ces dernières abandonnaient leurs vêtements dès leur arrivée et après quatre ans de service, Harald IX les affranchissait en les nommant à des postes-clés de Luvneel. Pour cacher ce triangle du désir, une fleur blanche et artificielle était collée sur le pubis et des cordelettes voilaient la vulve. Dans le cas des eunuques, ils devaient trois ans de fidélité avant de s’enrôler dans l’armée ou dans des emplois visant au fonctionnement du palais comme cuisiner, bourreau, concierge, etc. Bref, les femmes étaient supérieures aux hommes dans cette société. Ces serveuses prirent soin d’Owen, qui reçut tous les soins possibles d’une hygiène rigoureuse. Lavé à l’eau tiède, oint d’huile, massé par ces seins fermes, les cheveux coupés et le poil rasé, l’adolescent se sentit revigoré et au chaud. Le soleil venait de se coucher alors que deux hommes ouvrirent les rideaux. À l’intérieur se trouvait un énorme vieillard transsexuel, qui souffrait d’une obésité morbide à cause de la malbouffe qu’il consommait sans arrêt. Cette graisse pendante le rendait extrêmement laid et son visage joufflu, avec des yeux verts vitreux, affichait une très mauvaise santé, cachée par la poudre blanche, du rouge à lèvres et du mascara. Marqués par l’impétigo, des plaques rouges et du pus parsemaient son crâne chauve. Son petit sourire laissait entrevoir quelques dents restantes et en piteux état avec de la pourriture. Né, il y a un peu plus de soixante-dix ans, Harald IX était le fils aîné, le seul à avoir survécu à l’âge adulte, de Harald VIII, un roi handicapé qui régna avec l’aide de sa soeur Brunehault. Lorsque Harald IX, dans la vingtaine à l’époque, perdit son père, il monta sur le trône en dépit des révoltes populaires à cause de son image de bisexualité et d’ouverture envers les travestis. Il réussit à faire venir Ivankov à sa cour afin qu’il change de sexe. Théodora lui présenta son nouveau protégé.
-Mon roi, mon ami Cyrus t’a trouvé un courtisan comme tu le voulais.
D’un ton snob, Sa Majesté se tourna vers le fils de Scarlett.
-Qui es-tu et d’où viens-tu?
Empli de peur, Owen répondit en tremblant.
-Owen Newgate. Je suis né à Rosarlino.
Étonné, le monarque passa près de s’étouffer et s’exclama.
-Ça alors, le fils unique d’Edward Newgate. Ce bonhomme est pire que le diable. Il paraît que les hommes sont vraiment séduisants sur ton île. Peut-être que tu es le plus beau parmi eux. Montre ce que tu es capable. Je veux jouir pour de vrai. Les autres me font l’amour comme des lottes.
Sachant qu’il n’avait aucun autre choix et ne savait presque pas se défendre, Crocodile dut aller s’exécuter sur cet éléphant.
Cinq ans plus tard, le futur chef de Baroque Works était devenu le plus important membre du harem et le majordome du palais. Son suzerain le chérissait et le surnommait « petit trésor » à cause de ses performances érotiques qui le faisaient hurler de plaisir comme jamais. Ces gémissements se faisaient entendre dans tout le royaume. Aussi, Harald IX lui avait accordé le privilège d’enlever la virginité à ces jeunes nymphes ou de s’accoupler avec les eunuques, mais il restait focalisé sur sa belle Théodora. Bref, Newgate vivait richement et avait repris un certain bonheur. Celui-ci se parait de très nombreux bijoux : bracelets en or aux poignets et aux chevilles; colliers de perles, grosses boucles d’oreilles en diamant; drap en soie recouvrant sa bourse; une bague argentée serrant sa verge atteinte de semi-priapisme; un diadème en cuivre surmontant ses cheveux bouclés. De plus, il avait commencé à s’entraîner et levait de gros poids. Grâce à ces efforts, ses muscles, sans tomber dans les dimensions folles du culturiste, étaient fort bien tracés. Pour couronner le tout, le souverain lui avait nommé comme premier héritier.
Lors d’un beau dimanche matin alors qu’Owen profitait une journée de congé et que Donxiquote était partie rencontrer Cyrus, un eunuque les remplaça parce que le roi devait très bientôt recevoir son fils cadet, le comte Thierry II. Ses autres frères et soeurs étaient partis dans la Marine, mais lui, non à cause de son bras droit amputé très tôt. Trapu, les cheveux gris moyennement longs, la moustache bien soignée, la barbe blanche et fourchue, les yeux bruns et le nez aplati, ce noble, aux moeurs rigides contrairement à son père, était dans le début de la cinquantaine. Adulé par le peuple, Thierry avait fait carrière dans l’armée pendant une dizaine d’années pour la construction des armes à feu avant de se lancer dans le commerce des fourrures de castor, un rongeur qui vivait en abondance sur North Blue. Arborant un riche manteau pourpre, une paire de pantalons blancs, très moulants, un tricorne noir aux bords dorés, des pantoufles transparentes et un bâton en bois servant de canne. À ses côtés, sa femme, bien bâtie et aux longs cheveux roux avec des mèches blanches, revêtait une robe bleue. Sa face était voilée par un masque de panthère noire à l’expression féroce. Lorsque Thierry fut accueilli, son épouse lui laissa à l’intérieur. Dix minutes plus tard, le noble retrouva son père, coincé dans son lit, qui lui souhaita la bienvenue.
-Il était temps que tu viennes, mon fils. Assieds-toi.
L’homme d’affaires s’exécuta.
-Bonjour père. C’est à propos de ta succession, n’est-ce pas?
Harald IX répliqua.
-Ma santé s’est beaucoup détériorée. Me voilà, depuis deux ans, aux prises du diabète, d’un cancer d’estomac et de gros problèmes cardiaques.
D’un ton enflammé, le comte l’amadoua.
-Je vous comprends. Je vous garantis que sous mon règne, le peuple sera heureux et prospère grâce à mes compétences. Et…
Sèchement, le monarque lui coupa la parole.
-Tu seras intendant des finances, Thierry. Crois-moi, c’est mieux ainsi. Je te connais bien. Celui qui montera sur mon trône n’est autre qu’Owen Newgate.
Indigné, le fils cadet se releva et s’emporta.
-Vous choisissez cet incapable, le démon de Luvneel. Il descend du fameux Edward Newgate qui a commis des crimes atroces. Il est fourbe et profite de vos richesses. Le peuple ne l’acceptera jamais! Je propose plutôt mon demi-frère, le vice-amiral Arnaud III, je lui ferai sortir de la Marine.
Sortant de sa torpeur, le vieillard frappa sur le mur et cria.
-Pas lui! Nous en avions déjà discuté. Il perturberait la paix intérieure avec sa mégalomanie!
Son enfant réfuta.
-Nous avons besoin d’un roi fort, capable d’exterminer tout ce qui s’oppose à lui et d’élever son peuple à son zénith. Rappelez-vous d’Harald VII, votre défunt grand-père. Pendant qu’il exerçait son pouvoir, Luvneel était la ville la plus riche de la planète et contrôlait des îles sur des centaines de kilomètres.
De plus en plus irrité, le suzerain grinça des dents.
-Arnaud est lié à plusieurs officiers et je connais bien leur cruauté, surtout cet incapable de Cyrus. Tu m’as jadis forcé de m’allier avec lui. Mon monde de rêves s’effondrerait. Ces derniers abuseront mes sujets et beaucoup d’argent sera détourné au profit du Gouvernement. Serais-tu devenu un chien de la Marine?
Étonné, Thierry s’approcha du meuble et lui tendit un manuscrit en rouleau.
-Non, pas du tout. C’est Arnaud qui me l’a contraint.
Il fit une pause, puis passa sur le ton de la confidence.
-Arnaud vise à restaurer la gloire de Luvneel en renversant la marine locale, et il m’a employé comme son meilleur espion. Après quelques années de travail sous son compte, j’ai réussi à compiler toutes les données socio-politiques qui pouvaient exister sur North Blue. Comme notre royaume est un lieu phare, plusieurs le désirent en faire une base. D’abord, les hordes squax vous guettent, des clans de mercenaires razzient les champs et beaucoup des administrateurs meurent assassinés par des tueurs à gages. Puis, la Marine est très irritée du comportement de votre administration. Enfin, il y a votre petit trésor.
Harald empoigna brutalement le bras restant de son fils et le menaça.
-Dis encore une insulte de plus à mon protégé et je te fais bouillir pour le souper. Owen s’est dévoué d’une manière remarquable.
Très nerveux et suant à grosses gouttes, son interlocuteur murmura.
-Edward Newgate est son père, donc, les deux descendent de George Newgate et de son fils Kurt, les défunts chefs d’Akegata…
Le travesti tonna.
-Je le sais! Arrête de t’en soucier! Ces extrémistes sont disparus depuis fort longtemps!
Il commença à l’étrangler de toutes ses forces. En dépit du manque d’air, Thierry parvint à répondre.
-Ce mouvement ne s’est pas éteint. Les révolutionnaires ont repris le flambeau, ici, à North Blue. Leur base est située sous les rues de la basse-ville de Luvneel.
Sentant que son coeur allait défaillir, le petit-fils d’Harald VII relâcha son emprise et eut des difficultés à parler.
-As…..as…tu…. une…une…. pr..e…uve?
Décidé, le comte passa à une autre étape.
-Rappellez-vous de l’arrestation par la Marine de votre neveu, le frère Barthélémy IV, dit le tyran ou si vous préférez, Barthomolew Kuma. Un vrai fou, comme vous disiez à l’époque. Il prêchait une doctrine fanatique dans les chapelles; pratiquait la pédophilie; incitait aux pauvres, en promesse du paradis à la mort, à commettre des meurtres odieux ou des sacrifices par kamikaze. Il était même jusqu’allé à enlever la vie à votre vieille mère et celle de frère Arnaud II. Sa secte a regroupé les futurs révolutionnaires. Après son départ forcé, un de ses proches l’a remplacé et vous la connaissez bien.
Il prit une pause, puis poursuivit.
-Elle n’est autre que la sainte Ivankov, qui a déménagé, comme vous le saviez, à Kédatav. Elle vient de déclarer la guerre au Gouvernement. Au fait, aviez-vous déjà entendu parler de la légende populaire du fameux Ivan Newgate?
La connaissant par coeur, le roi la résuma du mieux qu’il pouvait.
-Autour du dixième siècle, Luvneel fut bâtie par les descendants des Cimmériens, mais les pauvres citadins étaient sans cesse harcelés par les anciens Squax. La sorcière noldor du royaume, mieux connue cous le nom de Doga, venait de perdre son époux, le beau Nérée. Un beau jour, elle rencontra Hydurch Llew le brillant, un brave paysan exilé d’Avalaon, âgé de quinze ans de son cadet, et tomba amoureuse de lui. De leur union, trois garçons naquirent : Harry, Boris et Ivan. Une fois devenus adultes, ils étaient les guerriers les plus puissants de leur temps, et réussirent à repousser, après une bataille victorieuse en mer, les Squax. Auréolés de gloire et couverts d’or, ils régnèrent sur Luvneel pendant environ cinq ans. Hélas, un usurpateur utilisa son intelligence afin de les faire brouiller. Harry démissionna et se consacra à sa grande famille sur ses terres rurales. Il prit le nom de Newgate. Boris fut décapité. Ivan dut se réfugier, tour à tour, sur plusieurs îles voisines. Il était un homosexuel endurci et possédait le fruit de démon des hormones. Il aimait beaucoup changer temporairement de sexe et de corps lors des orgies. À lui seul, il aurait transformé des centaines d’hommes politiques et d’officiers en femmes. On n’a plus jamais retrouvé sa trace depuis des siècles. Par contre, à l’époque de l’Akegata, un des lieutenants de George s’habillait en travesti.
Satisfait, Thierry soupira.
-Ivan Newgate n’est pas mort. En fait, ce fruit lui a conféré l’immortalité en termes de vieillesse, mais on pourrait le tuer en combat. Il a pris de nom d’Ivankov. Elle sait très bien qu’Owen est le descendant de son frère, et elle prépare depuis fort longtemps une vengeance sordide contre votre royaume. Comme George l’a fait auparavant, elle a installé beaucoup d’agents doubles.
Intrigué, son père l’interrogea.
-Quoi?
Déterminé, il termina son explication.
-Votre royaume est gangréné par des espions qui ne tarderont plus à se manifester devant vous pour vous tuer. Je vous conseille fortement de me faire confiance.
Plus tard, au début de la soirée, Crocodile se sentait en chaleur et profitait de la quiétude dans la salle du trône laissée libre par Harald. Il prélassait, entièrement nu et parfumé d’un mélange de menthe et de lavande, sur un divan rose tout en lisant. Le livre était rédigé par le regretté Jared Macleod et les pages ouvertes concernaient la fameuse ode aux seins. Soudain, une femme, celle du comte, surgit et pointa l’oeuvre du doigt.
-Moi aussi, je connais ces livres par coeur. Je vais te montrer mon passage préféré.
Devant les yeux étonnés d’Owen, l’inconnue tourna les feuilles et arriva au texte intitulé : « Une nuit avec la soeur de mon capitaine ».
-C’est fou! Ces descriptions semblent plus passionnées que les autres. En passant, Sa Majesté a une très bonne nouvelle à t’annoncer. Elle est contenue dans ce manuscrit.
Elle lui le donna. En effet, le roi avait décidé de l’affranchir après des années de loyaux services. Consterné, le fils d’Edward regarda droit dans les yeux de la beauté.
-Tante Julia, c’est toi?
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