Oppenheimer (2023)
par Christopher Nolan
En 1942, convaincus que l'Allemagne nazie est en train de développer une arme nucléaire, les États-Unis initient, dans le plus grand secret, le Projet Manhattan destiné à mettre au point la première bombe atomique de l'histoire. Pour piloter ce dispositif, le gouvernement engage J.
Quelque peu surpris de n'y avoir vu de topic consacré (j'aurais du m'en douter, vu le calme East-Bluesien sur lequel flotte ce forum depuis une dizaine d'années), me voici à l'inaugurer. Avant d'entrer dans les explications, je vous présente mon avis en un mot : magistral. Je n'en avais aucune attente, n'ayant vu la bande-annonce. M'étant tenu à l'affiche qui surplombait les cinémas et envahissait le web aux côtés de Barbie, je ne le considérais de prime abord ni bon ni mauvais, mais j'en lu d'excellents retours suivant sa sortie. Cela ne me motiva pas pour autant de me déplacer de ma chaise pour aller le zyeuter sur un écran disons le...adapté à son esthétisme. Par ailleurs, mes connaissances sur le véritable Oppenheimer (car oui, j'ai omis de le préciser, il s'agit là d'un film biographique) étaient jusqu'à mon visionnage limitées : pour ainsi dire, j'appris tardivement qu'il fut considéré, de son vivant et dans sa mort comme le « père de la bombe atomique ». Rien que ça. C'est donc par la méthode bien moderne du streaming que j'eus regardée cette pellicule, et une fois la dernière scène terminée, je ne manquais pas d'afficher mentalement mon admiration pour ce film. Je peux le dire, j'en fus pantois.
Avis aux amateurs de films sur stimulants : je pense, sans trop m'avancer et exagérer, que vous pourriez y trouver votre compte. En effet, bien qu'il ne montre aucune grande scène d'action digne des plus grands Marvels sur vitaminée d'effets spéciaux numériques (on est chez Nolan, pas chez les frères Russo, bien que je n'ai rien contre eux, puisque j'apprécie aussi les Marvel, mais là n'est pas le sujet), tout finit par se jouer dans le rythme et dans la temporalité des événements, divisée en trois morceaux : l'ascension d'Oppenheimer de Cambridge à Los Alamos entre les années 1920 et 1940, son audition pour le maintien de son habilitation de sécurité en 1954 ainsi que l'audience de confirmation par le Sénat de Lewis Strauss au poste de secrétaire au Commerce — durant laquelle celui-ci est interrogé au sujet de la révocation de l'habilitation d'Oppenheimer — en 1959 (bon là je l'admets, j'ai juste copié/collé Wikipédia).
En bref, dans le casting, nous trouvons entre autres Cillian Murphy (dans le rôle de J.), Florence Pugh (Jean Tatlock), Emily Blunt (Kitty Oppenheimer), Robert Downey Jr. (
Tony Stark Lewis Strauss) et Ben Safdie (qui n'a, j'en conviens, un rôle aussi important que ses prédécesseurs et dont j'ai à la fois apprécié le jeu d'acteur - sa voix à consonance russe se marie bien avec son opinion sur le personnage principal et le projet sur lequel ils travaillent - et le personnage). Ah oui, j'oubliais Matt Damon, qui à mes yeux se cantonne au bon copain, même si d'autres peuvent mieux l'estimer que moi (je m'en vois navré, mais je ne l'ai pas trouvé plus convaincant que ça, j'ai surtout l'impression qu'il joue les messagers).
Son intensité repose en partie sur la dualité opposant J. et Strauss, ce dernier souhaitant le décrédibiliser publiquement. Ce qui fait la force de ce long-métrage, pour moi, est cette fameuse opposition, représentée par ce que je schématise comme la construction d'un puzzle tout le long, protagoniste et antagoniste ayant leur opinion bien divergente et tranchante sur le fameux champignon nucléaire, l'un simplement motivé par l'exploration de la science et la découverte d'un monde atomique méconnu, l'autre préférant se maintenir aux manettes du pouvoir et en obtenir de plus en plus (donc on a là un travailleur dans l'âme - le scientifique - et un bureaucrate (cette forme politique contraignant J. à ne pas pouvoir continuer ses recherches) - avec des airs d'aristocrate dans son attitude - obnubilé par son image et la chute de son adversaire, bien que s'introduisant lui-même comme self-made). Le problème pour notre cher Strauss étant que son machiavélique plan méticuleusement préparé et soigné au millimètre près s'effondrera tel un château de cartes en raison d'une sur interprétation d'une discussion qu'il a semble-t-il trop pris à cœur bien que d'un certain angle, elle ne le concernait pas. Car franchement, si il avait distinctement entendu leur conversation (je ne dirais pas le nom du second personnage ciblé par peur de divulgâcher, même si c'est trop tard, du moins si vous me lisez présentement), sa présence aurait été caduque dans une bonne partie du film. Personnellement, leur contraste me fait songer qu'Oppie est L (sans parvenir à savoir qui est son ennemi à l'avance) et Kira est Lewis Strauss.
Sans entrer trop profondément dans les détails, j'estime le jeu d'acteur de Cililan exceptionnel (en plus de sa remarquable ressemblance physique avec l'originel), tout comme celui de la plupart des autres têtes de gondole (bien qu'ayant un temps d'écran réduit).
Honnêtement, en dehors de sa production Batman (qui est une expérience bien différente de celle-ci), je n'ai aucun souvenir d'un métrage de Christopher (honte à moi, je ne suis pas un
vrai cinéaste, je préfère en être un faux), même si Interstellar m'a été énormément recommandé. Donc scénaristiquement, je le juge réussi, visuellement aussi (notamment le passage du rêve de Robert, alors encore universitaire). Toutefois, les deux éléments les plus beaux selon moi sont la bande son (les musiques sont excellentissimes, je vous conseille vivement d'écouter « Can You Hear The Music », qui nous envoie dans un voyage mélodique fascinant et idyllique) et les séquences en noirs et blancs. Oui, je ne l'ai pas non plus évoqué jusque-là (histoire de vous tenir aliéné et de vous offrir une raison de plus de le zyeuter - j'espère que ça a fonctionné), cette œuvre comprend plusieurs scènes non colorisées, et c'est bien évidemment volontaire, parce que ça fait partie de sa direction artistique et complète merveilleusement bien son charme.
L'absence de son à certains moments est là aussi voulu (si vous tendez l'oreille à la fin de la musique suggérée plus haut, vous comprendrez pourquoi seulement après avoir vu le film), et contribue à son large succès.
Vous l'avez saisi, son enjeu est géopolitique. Il interroge à la fois sur la course à l'armement nucléaire (qui des russes et des états-uniens appuieront sur le gros bouton rouge en premier ?), la dangerosité d'une telle arme (car mine de rien, Hiroshima et Nagasaki sont de bons exemples de l'inhumanité de l'Homme en matière de conflits) et la confiance que l'on donne à notre propre pays (Oppenheimer a accepté la proposition de Groves ; plus tard, il eu des remords sur ce que sa « création » - car il n'était pas tout seul pour tout faire - peut engendrer dans un avenir proche et lointain) et la manière dont il nous la confie en retour (comme quoi, tu as beau aimer ta patrie, n'importe qui peut te trahir à n'importe quel moment, la vigilance est donc de mise).
Une belle surprise avec une alliance visuelle et auditive uniques, sous couche d'un contexte historique fort, que je regrette (sans aprioris) de n'être allé le voir en salles.
Ce texte n'a pas été rédigé par ChatGPT (je le précise, de nos jours, surtout sur les réseaux sociaux, un texte à minima construit est passible d'accusations de prompt par intelligence artificielle).