Animé absolument génial, une claque du genre heroic fantasy que je viens de subir de mon plein gré mais il n'est jamais trop tard, n'est-ce pas ?
Les deux premières saisons ne se valent pas en termes d'intensité dramatique mais sont extrêmement solides niveau animation, et je tiens également à saluer les performances vocales qui m'ont littéralement bluffées tout du long - en particulier les acteurs jouant Gieve et Hilmes.
D'habitude j'ai du mal avec les histoires qui mettent en avant un personnage central frêle, hésitant et un peu à l'ouest 23h/24, mais ici j'ai tout de suite accroché à la naissance du leader Arslan qui, sur les champs de bataille, est d'abord contraint de se rencontrer avec lui-même, avant de porter sur ses épaules le poids de la filiation. Comment aller de l'avant et emporter dans son élan des hommes prêts à se sacrifier, quand on est soi-même dans le brouillard atteint d'une mélancolie chronique ? Ce qui m'a plu, c'est la place donnée à l'introspection dans les choix d'Arslan, qui navigue entre ses doutes et sa volonté de ne pas déshonorer des parents pourtant absents et indifférents. Sacré paradoxe que le petit prince va dépasser en apprenant à s'assumer aux côtés de ses Nakamas : on ne naît pas symbole de sa nation, on le devient. Et la constitution de cette troupe rapprochée au fil des épisodes est, je dois le dire, un des plaisirs exquis de cette série qui n'est pas sans rappeler l'esprit "aventure" de One piece. La configuration cependant m'a plutôt évoqué Kingdom avec une situation initiale identique (un prince en fuite qui survit grâce au jeu du hasard et à la fidélité de deux ou trois individus acquis à sa cause non pas par la force... mais par "intuition" dans une relative urgence). L'entourage d'Arslan est ainsi composé d'individus très différents qui apportent chacun une couleur à ce voyage. J'ai particulièrement aimé Gieve qui m'a fait rire tout du long. Gieve et Narsus m'apparaissaient cependant par moment trop "géniaux", trop "parfaits" dans leur rôle et j'aurais apprécié plus de défis personnels pour creuser ces personnages et leurs failles (Narvus vS Shagard étant un peu soft à mes yeux). Je regrette également que Dame Farangis ait souvent des airs de belle plante : disons qu'elle était là sans être là la plupart du temps, et ses motivations de départ assez obscures. Le mystère fait partie du personnage dans sa genèse et sa construction, toutefois mystère n'est pas synonyme de sous-développement. Au final, elle donnait surtout la bonne réplique à Gieve. À l'opposé, on a Alfreed qui intervient tardivement mais s'est immédiatement imposée dans le clan, un peu comme un running-gag au début certes : cela a permis de remuer Elam dans le bon sens du terme. Concernant Daryun qui lui est surexposé du début à la fin, on assiste au fondement d'un mythe (le guerrier berserk assez classique et attendu) mais avant tout à la consolidation d'une amitié sincère et touchante entre lui et Arslan. Alors qu'il marchait d'abord à ses côtés sous l'influence de Valphreze, il finit par se battre de son propre chef et c'est très bien amené. D'une certaine manière, il joue aussi le rôle de substitut des parents d'Arslan, par la protection qu'il prodigue et qui peut parfois devenir excessive comme une maman trop aimante, et sa dureté bienveillante.
Pour moi, l'histoire s'apprécie dans la saison 1 comme une progression très linéaire qui n'est cependant jamais ennuyeuse, avec le grossissement des troupes armées et la chasse aux hypocrites et aux traîtres. L'énorme choc qui a fait une rupture nette et sèche dans cette progression, c'est le retour du Père. Quelle violence : alors qu'on s'imaginait Arslan sur le trône avec ses bonnes intentions redorées par le peuple, voilà que son père détruit tout. En particulier l'espoir d'un monde meilleur. Je trouve ce rebooting dans l'histoire complètement dingue et excitant, parce qu'il met enfin Arslan face à son plus grand ennemi : la famille en interne, comprenant son père bien-sûr et Hilmes. C'est un renversement total : preuve étant que les Lusitaniens initialement persécuteurs finissent par être des victimes (..appelant à l'aide, coucou Etoile l'effrontée). Ce renversement m'a rappelé une saillie d'un prof de philo au lycée qui me disait qu'un dilemme est d'autant plus fort et intéressant quand il oppose passions entre elles, ou raisons entre elles, que le combat passion contre raison comme on se l'imagine traditionnellement. Et c'est exactement ce qui est arrivé à Arslan : alors que l'échiquier semblait parfaitement clair et évident pour tout le monde au début, la fuite improbable du père a tout réarrangé. Maintenant, l'ennemi, c'est papa. Arslan est donc contraint de passer de la crise adolescente à l'âge adulte.
Ce saut de maturité qui s'exprime par une sorte de fugue marque surtout une révolte dans les idées et la façon de faire. Il apparaît clair désormais qu'entre tous les prétendants du pouvoir de Parse, la question centrale n'est plus celle de la légitimité. Elle est rapidement devenue absurde entre les mensonges et les secrets de famille, puis l'épée censée faire acte d'autorité mais qui dans les faits n'est jamais qu'un objet de consolation pour les losers (on a vite fait de perdre la tête). La question centrale, pour moi, est devenue celle de l'idéologie, la manière d'exercer son pouvoir qui est illustrée par le problème de l'esclavage. On voit bien qu'on ne refait pas le monde avec des bonnes intentions mais on voit aussi qu'on le détruit à petit feu avec le cynisme morbide des rois qui se succèdent.
Heureusement, le récit n'est pas aussi lourd que je le décris et les touches de fantasy allègent considérablement le voyage sans être un point d'intérêt majeur. La victoire doit être "rationnelle" avant tout.
J'ai vraiment hâte de voir la suite. Finalement moins pour connaître le dénouement de cette Épopée que pour retrouver les OST et l'impression de voyager dans un monde où tout est à reconquérir !
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