Chapitre 1:
L'été, de nuit
Le destin et le hasard. Ces termes si vastes et si précis à la fois. C’est ce qui pourrait définir le plus Typhon Samari. Amateur d’hasard et de destin.
S’il se savait assez hasardeux dans ses actes et sa façon de penser, Typhon n’en était pas moins certain de sa destiné : Il se savait fait pour faire couler le sang.
Depuis tout petit, il n’aspirait qu’à une chose : la tranquillité. Vivre avec une femme, des enfants, deux ou trois, être casé dans un petit village tranquille. Certes, il avait la femme : Solène était la plus belle fille qu’il avait jamais rencontrée. Jeune, jolie, amoureuse, elle respirait l’amour et la bonté. Là où son imbécile de frère jumeau s’était heurté à un râteau monumental il y a trois ans, lui a réussi à la charmé par son physique plus avantageux que Lumen. Aussi par son prénom, Typhon.
Par contre, le reste avait été un véritable carnage. De par son comportement impulsif et agressif, les Samari avaient été contrait de déménager. Du petit village de campagne, ils avaient opté pour un petit appartement cinq pièces au plein cœur de Céliston, une ville d’Île-de-France. Le style d’habitation pourri à l’extérieur mais cosy et chaleureux à l’intérieur, qui tremblait quand le métro passait juste au dessus. Car c’était là que se trouvait l’école la plus stricte et la plus bridée de toute la France en 2020.
Depuis leurs déménagement, il n’avait eu que des ennuis : bagarres, vols à l’étalage, dispute parentale et, surtout, fraternel, arrestations,… Bien sûr, Solène n’en avait jamais rien su pendant deux ans. Puis ce fut la rupture. Puis de nouveau la remise en couple, Typhon ayant effectué un mea culpa de trois semaines devant chez elle. Juste après, il avait dû s’enfermer dans sa chambre pendant deux jours. Il n’en dit rien à personne, mais cet isolement était nécessaire. Il détestait se pardonner.
Aujourd’hui, il faisait chaud, même la nuit. C’était un vendredi 13, Juillet pour être précis. Une nuit de pleine lune.
Typhon était en route pour l’extrême Ouest de la Bretagne, là ou vivait Solène. La jeune fille de 19 ans avait déménagé près de la mer pour la symbolique de la nuit à la belle étoile en amoureux. Typhon détestait amèrement tout ce qui avait trait au romantisme, mais il ne pouvait rien refuser à Solène. Il allait donc lui rendre visite tout les week-ends en Bretagne. Il avait pris le dernier train de justesse pour rallier Brest, avant de prendre l’autocar vers Irosie, le village ou elle habitait. Le village tranquille, il l’avait aussi.
Seulement voilà. Il ignorait totalement des évènements que Lumen était occupé de vivre. Il s’en fichait même. Bien qu’au fond de lui, un lien le reliait encore à son frère jumeau de 19 ans, il n’avait rien à faire de son frère. Typhon se considérait supérieur à lui, de part le fait qu’il était né le 31 Juillet à 23h59’20’’, et que Lumen était né le 31 Juillet à 23h59’40’’.
Typhon ne pensait plus qu’au bras chaleureux de Solène, à ses lèvres douces et duveteuse, à son odeur délicieuse de vanille et à ses cheveux roux cuivrés aussi soyeux que la soie.
Dans le train, il écoutait du Mickaël Jackson, qu’il poussait à fond dans son casque. Une jambe contre le siège, l’autre replié sur lui, avec une main posée sur son genoux, Typhon ignorait que dans quelques heures, les évènements qu’il avait vu au journal parlé hier soir allait se produire devant ses yeux.
Car hier soir, le présentateur du JT avait touché un mot sur de récents évènements étranges se déroulants dans divers endroits du monde : En Angleterre, des touristes de toutes nationalité étaient retrouvés morts, le cœur arraché ; En Egypte, des hommes recouverts de bandelettes, dans un état de putréfaction immonde, avaient été aperçu sur les rives du Nil, polluant pas moins de dix-milles foyers en eau potable. Et plus proche de lui, à Paris, des gens était retrouvés sans vie un peu partout, bras et jambes manquants. Mais ce que pointait le journaliste du doigt, c’était surtout l’inaction des différents groupes de polices des zones concernés, qui se contentaient de classer les affaires au profit de crimes facilement solubles par les technologies actuelles. Aussitôt Lumen s’était levé et avait crié :
-Vous voyez, même les autres pays étaient touchés par ces phénomènes étranges ! J’en étais sûr !
-Putain, Lumen, avait grogné Typhon, ce ne sont que des légendes ! Qui irait croire ce genre de choses ? Toi-même tu disais encore hier soir que c’était des sottises !
-Mais maintenant, j’en suis sûr ! J’peux te le prouver !
-On te croit, on te croit…
-Ah mais c’est vrai… ! Suis-je donc bête, ce genre de conneries sont trop compliqués pour ton cerveau ramolli par ta musique de fous !
-Quoi ?! Répète-ça, pour voir si t’es un homme !
Et ainsi avait continué la discussion posé et calme avec son frère, qu’il tenait parfois jusqu’à minuit.
Il regardait par la vitre et souriait encore, quand il pensait aux victoires écrasantes qu’il faisait subir à Lumen depuis longtemps. Mais il n’eut plus le loisir d’y penser : Le train ralentissait, pour finalement s’arrêter complètement.
Typhon descendit du train, joua des coudes pour passer premier et quitta la gare. Il s’avança dans l’allée sombre, à peine éclairée par la lumière de la lune, et prit l’autocar de minuit en direction d’Irosie. Enfin, il appelait cela le « Taxi de Minuit », car à cette heure, seul lui et le chauffeur étaient assez fous pour voyager sur les routes de France.
Mais soudain, un choc à l’avant fit stopper net le bus dans sa course. Typhon fut projeté sur le sol, s’écorchant doigts et lèvres contre le métal rouillé du véhicule. Énervé, le jeune homme hurla :
-Putain, chauffeur du dimanche, t’a pas les yeux en face des trous ou quoi ?!
-Mais ce n’est pas m… !
Il n’eut pas le loisir de terminer sa phrase. Un puissant craquement retentit, suivit d’une coulée d’hémoglobine. Typhon écarquilla les yeux en voyant le sang devant lui et releva la tête. Pour la baisser juste après. Une ombre venait de gober la moitié du corps du chauffeur.
Une odeur putride s’était répandue dans le bus. Comme si un amas de chaire putréfiée s’était mis à se déplacer de son cercueil. Comme si… la mort elle-même avait redonné vie à un cadavre.
Rien que d’imaginer un zombie en face de lui, Typhon n’eut qu’une idée en tête.
Il sauta par la fenêtre et atterrit sur le bitume chauffé par les roues de voitures. Il observa les environs autour de lui, et vit avec horreur des dizaines de pairs d’yeux qui l’observaient dans le noir.
Non pas qu’il n’avait pas la force de les écraser, mais plutôt qu’il n’avait pas envie de mettre les mains dans de la pourriture.
-Oh putain… Qu’es-ce que c’est que ce bordel… ?
Sur sa droite, une femme-zombie s’approcha de lui, l’air hagard et le regard vitreux. Une seconde avant, elle était telle qu’on aurait qu’elle allait tomber. Mais la seconde après, c’était comme si une gymnaste athlétique avait bondi sur lui. La femme morte-vivante possédait une force incroyable, à tel point qu’elle avait envoyé le frère Samari au sol. Il fallut trois coups de pieds à Typhon pour la déloger, elle et sa bouche remplie de vers.
-Putain, mais quel cauchemar !
Il se mit à détaler en direction d’Irosie, qu’il savait à trois cent mètre de sa position. Derrière lui, il entendait les râles des zombies qui couraient à toute vitesse derrière lui, sans doute pour se repaître de sa chaire. Ce qui l’effraya davantage.
Le petit village d’Irosie était un petit village côtier, survivant encore grâce à la pêche et à la culture des champs. En cela, c’était un village paisible. Mais la nuit allait bientôt devenir agitée.
Typhon couru à travers la grand-rue du village, jusqu’à atteindre la colline qui le surplombaient. Au sommet se trouvait la maison de Solène, sa bien-aimée. Dès qu’il fut sur le perron, il martela la porte jusqu’à ce que la jeune fille lui ouvre.
C’était une magnifique jeune femme, habillé d’un gros pull gris à capuche, presque trop grande pour elle. Elle s’était maquillée, et son visage exprimait un bonheur immense de voir Typhon devant sa porte.
Mais celui-ci avait trop peur pour exprimer le moindre signe de bonheur. Il entra comme une tornade chez sa bien-aimée sans prendre la peine de l’embrasser.
-M’enfin, Typhon, que se passe-t-il ? Demanda-t-elle d’un air angoissée.
-Surtout, ne sort plus, murmura-t-il, de la sueur perlant de son front. Tu ne me croiras pas, si je te dis ce qui s’y passe…
Elle voulu l’embrasser pour le calmer et il ne résista pas. Il resta immobile, jusqu’à ce qu’un cri affreux vienne les déranger.
-Va préparer tes affaires, souffla-t-il à son oreille. Va. Moi, je m’occupe de préparer la voiture.
Elle acquiesça d’un signe de tête et revint un instant plus tard, un sac à main immense pendu à son bras, dans le garage de sa maison. Elle s’installa sur le siège passager, et fit un signe de tête à Typhon. Celui-ci mit le contact, et la belle Porche rugit au quart de tour. A l’aide d’une petite télécommande, il ouvrit la porte du garage. À la grande surprise de Solène, elle vit une horde de cadavre en décomposition forcer le passage du garage. Typhon écrasa l’accélérateur, et la voiture défonça les zombies, répandant des restes pourris sur le pare-brise.
Typhon fonça dans la forêt qui se situait juste en dessous de la colline. Il se souvenait d’une grotte, caché dans une lézarde du sol, où il pourrait y cacher sa fiancée, le temps qu’il trouve une solution.
La voiture soubresautait au fur et à mesure que la forêt remplaçait la ville. Typhon alluma les phares, et remarqua enfin la lézarde, après une demi-heure de route. Durant ce laps de temps, il avait su raconter à Solène son aventure. D’abord effrayée, elle affichait maintenant de grands yeux que Typhon interpréta comme étant terrifiée. Mais il n’y pouvait rien y faire pour le moment.
Il gara la voiture derrière un pin et accompagna Solène dans une petite grotte à ciel ouvert, que lui appelait « lézarde » car la fissure du sol de la forêt ressemblait à un éclair. Un petit ruisseau coulait au fond de la grotte, mais ce n’était rien de plus à présent qu’un mince filet d’eau. La grotte partait en pyramide vers la fracture. Au fond de la grotte se trouvait une arche, faite avec des pierres blanches qu’on ne trouvait pas dans la région. D’étranges symboles, en forme de spirale, ornaient cette arche qui semblait avoir toujours été là. Une étrange lumière en émanait. Bizarrement, lui et Solène furent attirés par elle, comme s’ils avaient toujours su qu’elle était là, à les attendre, mais qu’ils n’en avaient jamais pris conscience…
Et soudain, ils se retrouvèrent dans une plaine sombre, déchirée par les volcans et les flammes. Une terre inhospitalière, vallonné, peuplée d’arbres couleurs charbon et d’ombres flottant dans un vide si oppressant, si renfermé, que Typhon et Solène se sentirent comme écrasé par une force invisible.
-On est où, ici… ? Murmura Solène, presque effrayée.
-Je ne sais pas… En tout cas, je ne suis jamais venu dans cette endroit… Répondit le jeune Samari, presque aussi effrayé qu’elle.
Au loin, plusieurs montagnes bouchaient la vue, mais Typhon remarquait très bien une porte gigantesque, faite de pierre en fusion et de flammes. Par contre, le jeune homme espérait se tromper en voyant que la porte portait un dessin de sourire grossier.
L’endroit avait tout pour plaire à Typhon.
Mais soudain, Solène lui tira la manche, et pointa quelque chose au loin : Un coin vert, sur une haute colline, bercée par de grandes flammes rougeoyante. Un arbre était planté sur cette colline, un bel arbre blanc aux feuilles aussi verte que l’herbe sur laquelle se tenait un jeune homme, pourchassé par une créature humanoïde, mais ayant les traits d’un loup. Un Loup-Garou. Elle ajouta :
-Ce ne serait pas ton frère, là bas ?
Typhon fronça les sourcils, mais tout ce qu’il vit se résuma à un point noir dans la nuit. Et justement, ce fut la nuit qui perturba le plus Typhon. Celui-ci avait l’habitude de se retrouver au clair de lune avec Solène, sur une colline. Mais jamais, au grand jamais, il n’avait eu à subir le lourd regard de deux lunes opposées dans la couleur. La Lune Blanche dardait sur lui un regard apaisant. Mais la Lune Rouge donnait un sentiment de malaise au jeune homme : elle était signe de mauvais présages et de mort certaine. C’est ainsi qu’il l’interpréta.
Il descendit de la colline sur laquelle ils avaient atterrit, Solène et lui. Mais au moment où il posa son pied sur le sol rocailleux, un cri sourd se fit entendre au loin. Le rugissement d’une bête, long et puissant, qui semait la mort sur son passage. Presque au même instant, une horde de cavaliers en armure blanche se détacha de la pénombre ambiante. C’était de fiers soldats, armés d’épées et de lances, chevauchant fièrement vers eux. Quand ils ne furent plus qu’à quelques mètres, le chef de la horde – du moins, c’est ce qu’il semblait – ordonna à trois de ces soldats d’aller aider le deuxième frère Samari, agressé par un Loup-Garou. Le reste se plaça en éventail autour de Typhon et Solène, comme pour les protéger d’un danger. Le chef de la horde leur demanda :
-Êtes-vous blessé, jeune gens et gentes dames ?
-Non, répondit Solène.
-Non plus, répondit Typhon. Mais vous allez me dire qui vous êtes. Sinon on risque d’avoir un problème.
L’homme en armure se retourna sur sa selle et se présenta :
-Je suis Percedal de Von Gotha, Chef des Chevaliers Blancs. Et vous, cher ami, vous êtes notre prisonnier.