Ouaw. Une pause de près de 2 mois. C'est très très long, vachement long. Révision et examen m'on tenus loin (trop loin !) d'Astre pendant un long moment, mais j'ai grâce à ça pu construire mûrement ce chapitre, qui est le plus long et un de ceux qui apporte le plus d'information sur le contexte géo-politique, historique et mythologique de l'univers que j'ai créé.
Vous trouverez aussi, à la fin du chapitre, une carte, le bonus promis lors du dernier chapitre, situant les villes déjà évoquée et quelques cours d'eau. Elle évoluera évidemment au fil de l'histoire et sera toujours marqué d'un repère permettant de situer l'action.
Petite nouveauté, qui n'en est pas vraiment une : je garde le système de numérotation des chapitres, mais indique, dans le titre, l'endroit où se déroulera l'action. Ainsi, cela évitera à certains de se retrouver au milieu du chapitre en se demandant encore où se déroule l'action ^^.
Enfin, je tiens à remercier particulièrement Enitu, qui à mis sa santé mentale en jeu pour me corriger ce chapitre ^^. Malgré ma lecture attentive, il restait encore pas mal de faute, merci à toi, Enitu, de m'aider à m'améliorer (car il faut savoir qu'Enitu ne corrige pas le texte sans explication, toutes les fautes sont expliquée. Un chic type ^^
Sur ce, voici le résumé :
Citation:
Suite à la tentative d'assassinat sur Aiden, l'orphelin enrôlé par Seln délivre toutes les informations concernant le Balafré, un sous-fifre de ce dernier chargé de veiller au bon déroulement de la mission depuis Étain. Profitant de cette source d'information, John Astre envoie Arkas, le commandant des murs extérieurs et ami, Aiden, son fils cadet et Jeyn, un combattant de talent, ainsi que plusieurs hommes de sa milice. Des hommes de la compagnie Aidu, compagnie de mercenaire la plus terrible et renommée au monde les accompagnes, avec pour objectif de cueillir le Balafré dans une taverne. Après une bagarre et un massacre, le Balafré est capturé.
Dans un même temps, John a envoyé son fils ainé, Lystre, vers le rocher de la Seconde Chance, en compagnie du maître d'arme Allister. A eux deux, ainsi qu'une poignée d'hommes, ils sont chargés d'amener au village montagneux les vivres et les nouveaux travailleurs condamnés pour leurs crimes à travailler au Rocher sous la houlette de Maynard Astre, frère du Comte John. Lystre, par la même occasion, est chargé de récupérer une lettre de son Oncle et de la rapporter directement à son Père.
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Chapitre 11 : Sur les Flancs de la Montagne Titan
La troupe longeait tranquillement le flanc de montagne, l’agréable bruit de sabots contre le sol rocailleux rythmant la journée ensoleillée. Lystre chevauchait en compagnie d’Allister, côte à côte au beau milieu de la formation serrée qui arpentait le chemin sans cesse montant. La route, assez large pour que cinq cavaliers passent de front, offrait une vue superbe sur la Colossade, vaste ponton de pierre se projetant dans la mer, que d’énormes monte-charges surplombaient. La montagne Titan se trouvait, en effet, aux bords de la mer Grimmaldur et offrait donc, pourvu qu’on veuille bien faire plusieurs lieux, une superbe vue sur la mer bordant le littoral. Et sur ce bord de mer : la Colossade. Immense structure entièrement faite de pierre, capable d’abriter plus d’une cinquantaine de galions des terribles tempêtes venant de Grimmaldur. Construit depuis des centaines d’années, ce ponton était gardé par les plus anciens Comtes de Fer, statues énormes disséminées de part et d’autre du port, immuables, telles des divinités protectrices. Personne, depuis son existence, n’avait osé s’attaquer à ce monument. Pénétrer sur la Colossade, c’était pénétrer sur le territoire des Astre : c’était oser se mettre sous le courroux de son Protecteur. Cette immense construction de pierres avait été construite pour une raison toute simple : commercer avec Port-Lumière. Atteindre la ville portuaire, par voix terrestre était une tâche des plus ingrate, des plus fatigante et pouvait aussi se révéler des plus dangereuse, tandis que la route par la mer était, elle, d’une simplicité enfantine, telle une route lumineuse dans une obscurité oppressante. Le seul obstacle, évitable pour tout marin chevronné, était de s’éloigner de la côte pour échapper aux récifs acérés et mortels. Seules les tempêtes les plus violentes tenaient éloignées de la mer les cargaisons de pierres précieuses et de métaux lourds. Elles pouvaient se révéler sur Grimmaldur aussi soudaines que violentes et brèves. Les dégâts, alors, étaient catastrophiques tant en vies humaines que en biens précieux. C’était aussi une des raisons pour lesquelles la guerre par bateau n’avait presque jamais lieu : à coup sûr, la mer aurait balayé les bateaux de violentes déferlantes, comme si la nature elle-même ne tolérait pas la violence sur les eaux. La Colossade, depuis son existence, n’avait jamais connu la guerre. Aucun sang versé par les armes ne s’était répandu sur ses pierres de granite mat.
Sanae marchait péniblement, suivant la lente procession sur le chemin grimpant. Les poignets liés par une corde rattachée au pommeau de la selle du Maître d’Arme Allister, l’orphelin marchait péniblement, sa main droite l’élançant terriblement. La douleur, lors de ces moments de plus en plus longs, l’agrippait, tel un homme à l’agonie et le traversait de part en part, remontant le long de sa main mutilée pour cogner dans la poitrine de l’homme, telle une cloche en pleine tempête. Plusieurs fois, sous la douleur, Sanae avait trébuché, manquant de s’étaler dans les déjections du cheval qui le précédait. Seule sa détermination à ne pas paraître plus misérable qu’il ne l’était déjà lui avait permis de ne pas tomber. Poings liés, le garçon s’était fait conduire chez Seln, poings liés également il allait rencontrer son nouveau foyer, là où une vie de travail et de douleur l’attendait. Il contemplait, le cœur aux bords des lèvres, son semblant de main. Le cadet des Astre ne l’avait décidément pas raté, alors que les moignons sanglants de ses défunts doigts continuaient de saigner malgré le bandage de fortune entourant sa main et ce, dès qu’ils rencontraient le moindre contact : la croûte tardait à se former, laissant la chair et les moignons d’os à vif. Sa blessure incarnait pour lui tous ses malheurs, toute sa faiblesse et sa lâcheté d’avoir accepté une telle mission.
Le voyage en compagnie du Balafré et de sa petite troupe lui avait permis d’apprendre, rapidement, à quel point le pouvoir en place à Colosse était aimé de tous. La famille Astre incarnait, dans la plaine d’Argile, l’immuabilité, l’honneur et la fidélité, là où la plupart des dirigeants des Joyaux se comportaient en véritables despotes. Les habitants des Joyaux entourant Colosse aspiraient à avoir un tel monarque, juste et compatissant. La montagne Titan s’élevait pour eux au loin : inaccessible vie de paix. Une paix plutôt troublée, avec la mort d’Allen, la femme de John Astre. Sanae s’était vite rendu compte à quel point la mort de la comtesse avait étonné et ému les foules. Cette femme, apparemment la bonté incarnée avait subit le sort que lui-même s’apprêtait à infliger à l'un de ses fils. Longtemps avant de passer à l’acte, ses nuits furent brèves, entrecoupées de sombres cauchemars accablants de culpabilité. De longues coulées de sueurs froides avaient rythmé le décompte des jours précédant le moment critique. Chaque jour, Sanae guettait la moindre possibilité d’échapper à sa funeste mission : mais rien n’avait été laissé au hasard par ce monstre de Seln et jusqu’au tout dernier moment, un sous-fifre du Balafré l’avait accompagné. L’homme, connu uniquement sous le nom de Barbu avait guetté ses moindres faits et gestes de son regard perçant et pervers. Sa barbe, broussailleuse et mal entretenue mangeait une bonne partie de visage, couvrant ses joues trop rondes et ses hautes pommettes. Même maintenant, l’orphelin ne pouvait se rappeler que de ses yeux, annonciateurs de mort, et de sa barbe, monstrueuse. Le cœur du captif se serra : qu’un tel homme l’ai accompagné dans ses derniers pas d’homme valide était pour lui un supplice. Peut-être même avait-il regardé Aiden Astre lui infliger cette mutilation. Peut-être avait-il vu le fils du Comte se jeter sur lui, prêt à lui planter son épée en plein crâne. Mais personne n’était intervenu, excepté le cousin Dahey, à qui il devait la vie. A ce moment précis, Sanae aurait préféré voir sa vie de misère et de déception se terminer là, dans la ruelle déserte, à l’abri des regards indiscrets, de la pitié des gens et de la colère de Titan.
Mais Lumière en avait décidé autrement : son agonie devait continuer, jusqu’à ce que Maynard Astre, l’Oncle, comme l’appelait l’homme qui chevauchait en compagnie d’Allister, décide que son calvaire avait assez duré. Sanae ne se faisait pas d’illusions : il s’attendait à rester enfermé au Rocher de la Seconde Chance pendant de nombreuses longues années. Un prisonnier, poings liés mais dépourvu d’attache à un cavalier, s’avança à sa hauteur, un sourire sous les lèvres :
- Alors c’est toi le fameux assassin ? T’es qu’un mioche !
- …
- Ho, tu préfères ne pas parler ? C’est ton choix. Belle blessure en tout cas. Tu souffres ?
- Beaucoup.
- Imagines ce que ce sera au Rocher alors ! Vont pas te faire de quartier là-haut, surtout Maynard Astre. T'as voulu tuer son neveu quand même. C’était pas très malin de ta part… dit l’homme d’âge moyen en dévoilant tous ses chicots dans un sourire moqueur.
- Je te rappelle que tu es dans la même position que moi : les poings liés en route vers le Rocher.
- Bonne réponse camarade ! Mais moi, j’ai toujours mes deux mimines et je suis prêt à m’en servir. De deux, même si nous nous trouvons dans la même position toi et moi, une chose nous sépare.
- Laquelle ? Mis à part l’odeur ?
- Elle est toute simple mon gars. J’ai tenté de tuer l’homme qui a agressé mon vieux père dans une ruelle sombre et qui lui à foutu une telle frousse que son vieux cœur a lâché. Ce type était lâche, cruel et un sale type, il méritait ce qui lui est arrivé. Mais toi….toi pauvre fou, tu t’es attaqué à la famille la plus juste et la plus aimée de Colosse. Au ciment même de notre ville. Tu n’es qu’un misérable vermisseau qui a tenté de tuer les étoiles de ce monde. Tu n’es qu’une merde !
Deux larmes perlèrent aux coins des yeux de l’orphelin. Certes, tout ce que l’homme lui disait, il le savait, au centuple, il en était convaincu au plus profond de lui-même. La réalité de sa lâcheté et de son manque d’honneur l’agrippait à la gorge, le faisait même suffoquer par moment. Le savoir était une chose, mais l’entendre lui plantait un couteau de plus dans son cœur meurtri. La tête basse, Sanae contempla une nouvelle fois son moignon, d’où le sang affluait et tâchait la loque faisant office de bandage. Il avait l’impression que ce qu’il avait tenté de faire, même sous la contrainte, le condamnait à l’impureté éternelle, que rien, plus rien ne pourrait être beau sans être tâché par ses actes passés. La voix de l’homme, une nouvelle fois, le sortit de ses tristes pensées :
- Une dernière chose qui nous différencie toi et moi : j’ai réussi. J’ sais tuer. Ne l’oublies pas, au Rocher. Moi j’ t’oublierai pas.
Le soleil disparaissait au loin, de l’autre coté du versant de la montagne Titan, lorsque Lystre et Allister décidèrent de mettre le pied à terre et d’installer le campement de nuit. Avancer sur la voie grimpant au Rocher de la Seconde Chance de nuit aurait été dangereux, malgré le chemin en assez bon état. Rien ne les pressait et ni Lystre ni Allister ne voulait risquer qu’un cheval ne se blesse sur une pierre traitresse. Une grotte peu profonde constituait leur abri de fortune, leurs garantissant un paravent naturel. L’exigüité de la grotte leur permettait d’allumer un feu et de profiter de sa chaleur, sans que celle-ci ne s’évapore au gré des vents. Enfin, cette grotte, répondant au nom de Grotte du Goth, selon Allister, permettait de se défendre en cas d’attaque de manière pratique, avec peu d’hommes. Les prisonniers furent maintenus au sol, liés aux chariots de provisions eux même stationnés contre le flanc de la grotte. Les soldats Colossiens, eux, interdits d’alcool, se réchauffaient tant bien que mal, prenant la garde auprès des prisonniers par deux, à tour de rôle. Lystre et Allister, quand à eux, avait décidé de prendre le premier quart de surveillance à l’entrée de la grotte. Les événements des derniers mois et la perte tragique d’Allen avait resserré les liens entre le maître et l’élève. Allister n’avait plus jamais quitté l’aîné des Astre, tant pour sa protection à lui, que pour le souci que le vieux maître d’arme se faisait lorsque son protégé n’était pas en vue. Des deux garçons Astre, c’était Lystre qu’affectionnait le plus le vieil homme : tout au contraire d’Aiden, le cadet des Astre avait en lui cette flamme qui faisait de lui un homme profondément bon et compatissant. C’était d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle Allister veillait sur lui presque chaque instant. Plus que tout, il redoutait que le jeune homme ne doive faire face à une expérience de la vie peu agréable de par sa trop grande gentillesse.
En plus de cela, Allister, de par sa nature de maître pour Lystre, se projetait, de plus en plus, dans un avenir à jamais inaccessible, où le fils qu’il aurait pu avoir ressemblait à Lystre d’une saisissante façon. L’homme d’âge mûr n’avait jamais véritablement cicatrisé de la perte de sa femme et de son fils le même jour, lors de l’accouchement. L’enfant était né, mort. Alors qu’Allister serrait tout contre lui l’enfant qui jamais ne pourrait être le fils vigoureux dont il avait toujours rêvé et le digne héritier de son courage et de sa force, sa femme, les yeux larmoyants, avait serré une dernière fois la main de son mari, avant de lui murmurer dans un dernier souffle les mots tant chéris, qu’il avait entendu maintes et maintes fois et qui pourtant, continuaient de faire battre son cœur plus vite, plus fort. Dans un hurlement de détresse, John avait retrouvé le maître d’arme seul dans la chambre, son fils dans un bras, contre son torse, sa femme, endormie dans la mort dans son autre bras, la tête posée sur son épaule. L’homme avait alors regardé John, le regard empli d’une détresse palpable et implorante. « Tuez-moi » avait été ses premiers mots d’homme veuf au Comte, d’une voix suppliante et brisée sous la douleur. Le Comte de Fer avait alors giflé l’homme, avant de saisir l’enfant dans ses bras avec une douceur incroyable. D’une voix ferme, il avait alors dit « C’est terminé Allister. Fais-lui tes adieux. Qu’elle parte en Annean avec tout ton amour. Je m’occupe de l’enfant ». Le Comte s’était détourné de lui et avec l’aide d’Allen, s’était occupé de l’enfant mort-né, le lavant et l’enveloppant d’une étoffe de soie parée de l’emblème des Astre. Ils avaient ensuite veillé toute la nuit sur Allister. John, pour l’empêcher de faire une bêtise, Allen pour partager sa peine et pleurer avec lui. De cette nuit, tragique et synonyme d’horreur, le chevalier et maître d’arme retenait toute la compassion et l’amitié que son Seigneur et Maître lui avait témoigné.
Assis tout deux sur de grosses pierres, l’homme aux cheveux poivre et sel aiguisait la lame de son épée à l’aide d’une pierre à aiguiser, plongé dans ses souvenirs échus d’un passé douloureux. Lystre, quand à lui, les yeux perdus dans l’immensité de Grimmaldur, rompît le monotone bruit d’acier provenant du frottement de la pierre contre le tranchant de l’épée :
- Que va-t-il lui arriver Allister ?
- A qui, jeune Maitre ?
- A Sanae.
- Qui est-ce ?
- L’assassin. Enfin, je ne sais pas si on peut l’appeler comme ça, vu qu’il n’a tué personne au final.
- Je ne savais même pas qu’il s’appelait ainsi. Il travaillera comme les autres. Il doit payer pour ses fautes et ce qu’il a tenté de commettre.
- Mais il lui manque une main ! Il ne saura pas travailler !
- Ho, croyez-moi, on trouvera le moyen de le faire travailler là-bas. J’ai vu votre Oncle faire travailler des gars plus amochés que ce môme.
- Comment ça ?
- Je ne pense pas que ça vous plaira d’entendre ça, jeune Maître. Ce n’était pas joli à voir et je ne voudrai pas que vous jugiez votre Oncle négativement. Ce qu’il fait, il le fait pour votre Père, fidèlement en plus !
- Dis-moi Allister. Je ne tiens pas à être étonné en arrivant là-bas.
- Si vous y tenez. Il y a de ça quelques années, un gars de la Basse-Ville de Colosse avait tenté de tuer un aubergiste pour lui voler sa caisse. Selon les témoins, l’homme était complètement soûl quand il s’est attaqué à l’aubergiste. Pas de chance pour lui, la milice de la ville est arrivé trop tard, l’aubergiste avec déjà eu le temps de le mettre K.O. et de lui broyer les mains et les bras avec un énorme marteau. Si les soldats n’étaient pas intervenus, certainement qu’on aurait trouvé le crâne du pauvre gars totalement éclaté. Ses bras sont devenus totalement inutilisables pour le coup, et pourtant, votre Père l’a quand même condamné au Rocher. C’est moi qui l’ait conduit jusqu’au Rocher et moi aussi je me posais la question : comment ce gars va-t-il s’en sortir ?
- Et alors ? Mon Oncle lui a donné quoi comme tâche ?
- Transports. Dans les mines de Titan, il y a ceux qui piochent et cassent la pierre, ceux qui déblayent en remplissant de gros seaux de bois, et ceux qui transportent ces seaux à la fouille. Il faisait partie des transporteurs.
- Sans bras ?
- Votre Oncle n’a pas mis longtemps à trouver une solution : s’il ne pouvait pas porter les seaux à la main, il allait devoir les porter à la force de ses dents. Les palanches étaient interdites depuis que plusieurs bagarres avaient éclatées et qu’un garde avait perdu son œil. Et tirer les seaux par une corde attachée à sa taille était impossible : le dénivelé de la mine était trop fort. Il ne restait plus que cette solution. Ça n’a pas mis longtemps pour que ses dents se brisent. Finalement, le gars a préféré se laisser mourir en arrêtant de manger. Tu penses bien que ton Oncle n’a pas pris la peine de le nourrir avec des aliments liquide. L’homme à vite dépéris…
- Puisse-t-il trouver le repos en Annean ! Comment mon Oncle a-t-il pu faire ça ?
- Ne blâmez pas votre Oncle, jeune Maitre…il ne fait qu’obéir à la justice qui existe au plus profond de ses tripes et de ceux de tous les membres de votre famille. Il fait ça pour Colosse. Pour nous tous.
- Mais…je trouve ça profondément injuste une telle inhumanité ! A quoi sert la justice si elle n’est pas teintée de tolérance et d’humanité ?
- Ho vous savez…toutes ces questions à la limite de la philosophie m’ont toujours largement dépassées. Mais ce que l’expérience de ma vieille carcasse m’a appris, c’est que l’homme dont la justice est nuancé d’humanité et de bonté, fini toujours avec un poignard entre les omoplates. Parce qu’une justice nuancée d’humanité est une justice laxiste ! Et le laxisme est la porte ouverte à toutes les dérives !
- Mais pourtant, je considère la justice de Père comme humaine ! Il aurait pu condamner à mort Sanae ! Pourtant il est encore en vie !
- Pour moi, maitre Lystre, il n’y a que les hommes qui peuvent être humain ou inhumain. C’est le paradoxe de tout homme. Chacun d’entre nous peut basculer dans le bien ou le mal à chaque instant. Je pourrai très bien égorger l’orphelin dans son sommeil tout comme je peux suivre la justice de votre Père. Seul l’être humain à la capacité de l’être ou non. La justice n’est qu’un concept abstrait ! La justice du Comte de Fer n’est pas humaine : c’est la justice des Astre. Votre famille, Lystre !
- Je n’avais jamais vu les choses sous cette forme…pour quelqu’un qui est dépassé par la philosophie, tu t’en sors bien !
- La philosophie est pour les hommes de paroles, retranchés derrière leur forteresse, à l’abri des souffrances, de la douleur, du sang. De la mort, même. Je ne suis pas philosophe, j’apprends juste de la vie : la moindre chose qu’elle peut m’apprendre, je le saisis. Retenez ça jeune Lystre : ce que l’on n’apprend pas de la vie de la manière douce, les autres se chargeront de nous l’apprendre de la manière forte !
- Je sais déjà ce que tu vas me dire : ouvres les yeux bien grand, analyse et agis. Tu me répètes ça depuis mes cinq ans !
- Et je suis heureux de voir que ça vous a gardé en vie jusqu’ici. Cette maxime est applicable n’importe quand et dans n’importe quelle situation : en politique, sur le champ de bataille, dans un combat au corps à corps. Ainsi qu’avec les dames !
- Je n’ai pas eu vraiment l’occasion d’essayer ça avec une femme. Elles se font trop rares dans la citadelle et je n’ai pas assez l’occasion de côtoyer d’autres jeunes dans les villes voisines.
- La nouvelle ambassadrice de Cyréastre est en route, selon les rumeurs. Une jeune femme merveilleuse, tant physiquement qu’intellectuellement. Vous pourrez vous exercer sur elle.
- La vieille Ada s’en va ?
- Ses problèmes de rhumatismes s’aggravent. Elle part pour Port-Lumière, plus au Sud. Là-bas, le bon temps devrait apaiser quelque peu ses douleurs. Elle part dans deux jours, d’après ce que j’ai entendu !
- Nuage soit loué de débarrasser Colosse de cette femme !
Céphidie Ada était la plus ancienne et la plus respectée des ambassadrices de Cyréastre. Occupant ce poste depuis ses vingt ans, la jeune et jolie femme s’était peu à peu muée, au fil des saisons, des ans, des générations, en une femme acariâtre et sèche comme une branche d’arbre. Sur plus de quatre-vingts années de métier, Céphidie avait finalement passé que peu de temps dans sa ville natale : mais force était de constater que le temps passé loin de chez elle n’avait en rien altéré les qualités inhérentes à la ville dont elle était issue : charisme incroyable, volonté d’acier et intransigeance sur certains points. Céphidie avait toujours été, aux yeux de la Déesse-Impératrice la meilleur ambassadrice de la ville matriarcale : on ne faisait appel à la vieille femme que pour des situations critiques, où la plus grande délicatesse s’imposait envers les ôtes, tout en gardant une poigne de fer pour défendre les intérêts de Cyréastre. Sa tâche avait été des plus importantes au sortir de la Guerre de la Déchirure. C’était notamment grâce à elle que le Comte de Fer avait accepté d’arrêter la poursuite et l’exécution systématique des Cyréens présents sur le territoire des Astre sans laissez-passer. C’était encore elle qui, forte d’une expérience unique, avait convaincu par courrier, des mois plus tôt, Lothar et la Compagnie Aidu d’accepter le contrat offert par la Déesse-Impératrice. Personne ne pensait cette tâche possible et pourtant, Céphidie, elle, l’avait fait. La jeune femme inspirait à Lystre des souvenirs pour le moins écœurant : forcé dès son plus jeune âge, à baiser la main de cette vieille dame à la peau asséchée. Ecouter, non sans efforts, l’explication des us et coutumes à Cyréastre. Chaque ambassadeur à Colosse se devait de transmettre aux enfants du Comte les connaissances élémentaires de leur ville respective. Mais c’était bel et bien avec la vieille Ada que Lystre avait le plus peiné : il n’avait retenu de Cyréastre que l’horreur de femmes fortes de caractère au pouvoir, sous le joug de la Déesse-Impératrice. Les hommes, reproducteurs, presque cantonnés à de l’élevage. Et les terribles Amazones, d’une efficacité et d’une violence détonante. Non, décidément, de Céphidie Ada, aucun bon souvenir ne lui restait et c’était d’un très bon œil qu’il voyait le départ de la vieille femme en une demeure plus chaude, au Sud.
- Du sang neuf ne pourra faire que du bien aux relations entre nos villes !
Allister partit dans un rire compulsif qu’il ne put réprimer et qui provoqua, au bout de quelques instants, l’hilarité chez son élève et ami :
- Je pense plus tôt, Maître Lystre, que le sang neuf fera du bien à votre vue !
- Et à vos vieux yeux aussi !
Les deux hommes repartirent dans un rire communicatif, heureux de la présence l’un de l’autre. Jamais Lystre n’oublierait que c’était grâce à l’enseignement du maître d’arme qu’il était encore en vie aujourd’hui. Seuls ses enseignements ressurgis au moment propice lui avait permis d’éviter la tentative de meurtre. Le jeune homme en restait conscient, plus que tout.
La nuit noire s’était étendue de tout son long sur Titan, comme une couverture recouvrant le corps trop froid d’un bambin La clarté de la Lune Ensanglantée se répercutait sur les eaux lisses de Grimmaldur, tandis que les étoiles, scintillantes dans le ciel noir, éclairaient le visage malicieux et buriné d’Allister :
- Savez-vous pourquoi on appelle cette grotte la « Grotte du Goth » ?
- Non, je n’en ai aucune idée !
- Cette histoire est toute simple et vraiment belle. Elle est connue de pas mal de gens à Colosse, mais elle l’était aussi à Entenebrae.
- Mais, c’est loin de plusieurs milliers de lieux !
- C’est parce que cette histoire concerne directement l’un de ses habitants, quand Entenebrae était encore habitée. Le Goth vivait là-bas, il était Bourreau. C’était une belle position là-bas, une très belle position. Les Bourreaux n’étaient pas le terme correspondant à notre bourreau traditionnel. C’était un Ordre, une branche de la milice d’Entenebrae, chargé de traquer, débusquer et exécuter les criminels ou chaque personne dont le Roi Sectra Tenebrae voulait voir la tête au bout d’une pique. Un jour, le Goth fut envoyé au village de Gris-sels, abattre une famille complète de gens pris sur le fait en train de voler pour survivre. Et là, il a fait son travaille minutieusement, comme toujours. Ce n’était pas un méchant type, il faisait juste ce qu’on lui ordonnait. Il a donc décapité le père, la mère, le frère, tchac ! tchac ! tchac ! Et puis…
- Et puis quoi ?
- Et puis, il a posé son regard qui en avait vu des horreurs, sur la dernière survivante de la famille, sa prochaine victime : c’était la plus jolie femme qu’il avait pût voir de sa vie, mais surtout, ses yeux, jeune Lystre, ses yeux, l’ont subjugué dès le premier regard. Un regard pur mais digne et malgré la crasse, le Goth a tout de suite pu voir en elle la noblesse de son sang. Pas forcément de son nom, mais vous savez fort bien que la noblesse ne provient pas forcément du nom que l’on porte, le plus glorieux soit-il. Bref, je poursuis. Le Goth n’a pas pu exécuter cette jeune femme, il en était incapable, le simple fait de la regarder avait suffit pour qu’il juge, dans son cœur, que cette femme était innocente et qu’il se promette, sur sa vie, de la protéger quitte à y laisser sa vie. Et alors qu’il levait sa hache en l’air alors que la tête de la pauvre était appuyée sur une énorme souche de bois, il lui a posé une simple question : veux-tu vivre ?
- Elle a dit oui ?
- La jeune femme l’a regardé, plusieurs longues secondes qui ont dû paraître au Goth une éternité : et elle a dit oui.
- Qu’a fait le Goth alors ?
- Il a abattu sa hache mais pas sur le cou de la jeune fille : sur le garde du village le plus proche de lui. D’après l’histoire, il l'a coupé en deux d’un seul coup. Puis, le temps que le garde qui maintenait la jeune femme contre la souche dégaine son épée, sa tête se retrouva séparée du corps. Alors le Goth lui a pris la main, a volé deux chevaux à l’écurie la plus proche et s’est enfuit avec elle.
- C’est incroyable ! On les a poursuivis ?
- Evidemment, sinon cette grotte dans votre dos n’aurait jamais porté le nom qu’elle porte aujourd’hui. Quand l’ordre des Bourreaux l’a su, ils n’ont pas hésité à lancer à leurs trousses plus d’une vingtaine de Bourreaux. La garde de Gris-Sels aussi, a presque déserté le village pour les poursuivre. Plusieurs fois, Le Goth et la femme ont failli être rattrapés. Plusieurs fois le Goth à du prendre des vies pour sauver celle qui l’avait subjugué en un seul regard. Le temps passé à fuir et à partager des moments si intenses les ont rapprochés. L’histoire raconte que leur première nuit d’amour se passa au beau milieu du carnage que le Goth venait de commettre, quelques instant auparavant, et que ses lèvres étaient encore tintées du sang de ses ennemis lorsqu’ils échangèrent leur premier baiser.
- Pas des plus romantique…
- Je vous l’accorde. Finalement, la fuite les a menés dans les dédales rocailleux de la montagne Titan. C’est là que l’Ordre des Bourreaux les a rattrapés. Imagines, vingt personnes que tu sais aussi forte que toi, te poursuivre en imaginant si fortement ta mort qu’elle résonne sur les parois de la montagne. C'est ici que tout allait se jouer. Là, le Goth cacha sa femme dans la grotte jute derrière nous, et s’est assis, paisiblement sur l'une des pierres sur laquelle nous somme actuellement. Il a attendu patiemment ses poursuivants qui n’ont pas mis longtemps à arriver. Alors, le Goth s’est planté au beau milieu de l’entrée, décidément pas large du tout : juste de quoi pour lui manœuvrer son arme et empêcher ses assaillants de le submerger par leur nombre. Et il a attendu qu’ils viennent à lui, un par un. Il les a tous affrontés, chacun d’entre eux, réussissant l’exploit de les abattre les uns après les autres. Non sans mal. Le dernier Bourreau qu’il abattit eu juste le temps de planter sa dague dans sa cage thoracique, la défense du Goth étant à la fin presque inexistante, à bout de force. Et alors que son dernier ennemi expirait dans un dernier râle, le Goth n’a eu la force que de se traîner jusqu’au plus profond de la grotte, où était caché sa femme pour qui tant de sang avait été versé. Il mourut dans ses bras, après un dernier baiser tinté de sang mais aussi d’un amour profond.
- Quelle histoire ! C’est incroyable ! Dommage que la fin soit si triste. On sait c’est qu’est devenu la femme ?
- Elle est à l’origine directe de la légende portant sur la fin d’Entenebrae. D’après la légende, à laquelle je vous avoue ne pas croire, le Goth, lors de leur première nuit d’amour, la mit enceinte. Mais la tristesse de la perte de son Goth et la haine qu’elle éprouvait envers Entenebrae engendra un fléau, un monstre immatériel qui ravagea la ville pour venger son défunt père : contamination des puits, mort subite des nourrissons, incendie ravageur. Tout ce qui a mené subitement Entenebrae à sa fin.
- Quelle histoire encore une fois ! Je ne m’étais jamais douté que la grotte portait une telle histoire sur ses épaules.
- Et pourtant…les hommes sont capables des plus grands exploits pour sauver ceux qu’ils aiment.
Une ombre passa sur le visage d’Allister qui sursauta, l’espace d’un instant, non de peur mais de surprise : venant du chemin menant au Rocher, huit hommes descendaient la montagne, une torche dans la main, une arme dans l’autre. D’un bond, les deux amis se levèrent, la main sur la garde de leurs épées. Un des hommes leur lança, d’une voix grasse, tout en s’approchant :
- Qui êtes-vous, les gueux ?
Allister, d’un mouvement dégaina, tout en répondant :
- A genou, mortel, si tu ne veux pas que je te passe au fil de mon épée. Tu as devant toi le fils du Seigneur de ses Montagnes et du Protecteur de Fer. L’ainée de la famille Astre.
- Hoho, les gars, on a trouvé du joli monde de haute naissance, dommage qu’on a oublié les cadeaux ! dit l’homme, déclenchant le rire de ses compagnons.
- Hommes ! Passez votre chemin et nous passerons sur votre oubli, dit Lystre d’une voix forte et ferme, saisissant la blague de l’homme pour apaiser la tension, tout en leurs intimant de partir. Mon ami et maître d’Arme Allister est grognon quand on oublie la politesse.
- Nous sommes désolés, petit Seigneur. Je crois bien que le cadeau, nous l’avons trouvé : et c’est vous messieurs. Votre tête réjouira grandement le Rocher de la Seconde chance !
- Le Rocher ?
Un sourire se dessina sur le visage de l’homme, alors que le groupe d’hommes resserra leurs rangs, de terribles rictus animant leurs faces d’une saleté repoussante. Ces hommes savaient apparemment quelque chose sur le Rocher : il allait devoir le découvrir, peu importe les moyens. L’épée cingla l’air, reflétant la lumière des torches ennemies, rougeoyantes sous la Lune Ensanglantée, triste rappel d’un jour où des centaines d’années plutôt, le sang avait coulé. La nuit ne faisait que commencer.
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Bonus :
[* Colosse][*Port-Lumière][*Les Joyaux]
[*Cyréastre][*Atome][*Entenebrae et Gris-Sels]X Action du Chapitre
Merci de l'attention que vous avez porté à ce chapitre...l'univers s'étoffe de plus en plus, alors si vous avez la moindre quesion, n'hésitez pas. N'hésitez pas !! Commentaire/avis/critique/questions/suggestions, je suis ouvert ;)
A bientôt pour deux prochain One Shot et un nouveau chapitre d'Astre.