pré-scriptum : Quand je parle de "nous", c'est un nous général. A minima comme un "je". Mais il me semble qu'il y a tendance et que cela m'était permis.
Il est intéressant de parler de déclin dans la mesure où one piece est en train d'arriver à son terme. Au sens littéral, un déclin peut décrire la fin d'une course, le fait pour quelque chose de se terminer. Parler de déclin m'est avis, ne peut se faire sans considérer et l'évolution de l'œuvre et celle de celui qui la contemple. Et plus encore, sans penser la relation de l'un à l'autre. Car avant même de laisser transparaître l'idée d'affaiblissement, de perte d'éclat, le terme décrit un mouvement. Et c'est cette relation entre les deux je pense (le manga et soi/nous) qui est au cœur de nos échanges.
Je me fais la réflexion que le spectre de la fin étant présent, nous sommes enclin à être plus critique. A lire d'un œil plus exigeant un manga que nous avons suivi des années durant, car tout ce que nous lisons nous rapproche précisément d'une fin plus ou moins redoutée. C'est ce déclin-là que nous craignons, celui qui à l'inverse des astres n'est pas accompagné par la promesse d'une renaissance. La mort comme la décrépitude provoquent une certaine angoisse par leur irréversibilité. Aussi jugeons-nous peut-être précieux ce qui nous a été raconté, et plus encore ce qui va l'être.
Parallèlement, et dans la continuité, je partage l'analyse sur l'évolution de notre appréhension au regard du temps qui passe. Nous avons changé en grandissant, en faisant de nouvelles expériences et nous n'avons plus tout à fait les mêmes attentes ni les mêmes centres d'intérêt. Nous sommes aussi bien plus au fait des procédés narratifs et ceux de Oda en particulier, créant un recul qui n'existait peut-être pas auparavant. Ce qui se transcrit par une moindre propension à la surprise, une capacité d'émerveillement plus laborieuse, du désintérêt, de la frustration et de la déception parfois, entre les attentes générées et les résultats. En substance : nous avons acquis, bon gré mal gré, les codes. Ce qui n'est pas sans me rappeler qu'une histoire est plus que ce qui est raconté, que la façon dont on s'en saisit, dont on s'y projette et avec laquelle par conséquent on l'incorpore participe autant à cette dernière que ce qui est textuellement écrit. S'en éloigner ou objectiver le récit, créent alors de nouveaux rapports, altère la perception en venant se greffer à des modes de lectures déjà présents. Il n'y a pas là un état, mais un processus. Le rapport que nous avons à one piece est dynamique, complexe par les diverses interprétations que nous en avons, et avec lesquelles nous co-construisons (individuellement et collectivement) l'œuvre. Sous cet angle
*, poser la question du déclin se comprend davantage comme une détérioration de notre relation au manga qu'une perte objective de qualité.
Autrement. Je me suis fait la remarque que nous avions grand mal à saisir le moment de l'histoire dans laquelle nous nous trouvons. Nous pressentons la fin et pourtant, nous analysons l'œuvre sous la lunette d'une période passée (le voyage initiatique des héros est terminé). Il persiste malgré les années une perte de repère. Comme si nous n'avions pas acté la rupture vers une nouvelle phase du récit. Ce qui provoque un décalage, et donc un trouble. De mon impression, j'ai l'impression que Oda s'est émancipé après l'ellipse (
*et d'après ce que j'ai lu, Sugita lui a laissé les coudées franches). Et je rejoins l'avis de Emissamdeus : on est passé à un stade du récit se concentrant sur des enjeux globaux où les héros, s'ils sont toujours un vecteur privilégiés de l'histoire, ne sont plus seuls (supernovaes, empereurs, fourreaux rouges). Et je doute qu'on retourne au modèle antérieur, même après la fin de l'intrigue relative à Kaido. Il y aura alors d'autres protagonistes moteurs contestant la centralité à nos héros. Mais je ne saurai l'affirmer, Oda peut faire prendre des chemins différents pour raconter son histoire.
le-colombien a écrit:
Tout dépend bien sûr du sens qu'Oda veut donner à son histoire et c'est à nous de récolter les indices disséminer dans son œuvre pour le determiner. C'est le jeu, le déclin ou non de la série pourra être juger comme tel qu'au regards de cet élément déterminant ; l'intention.
[Edité]Je suis d'accord. J'aurai tendance à faire primer le travail de l'auteur et le sens qu'il veut donner à son œuvre. Je ne me vois pas tabler une hausse ou une baisse de qualité à titre individuel. Je peux en revanche faire part de mes critiques sur la façon de raconter l'histoire et donner mon ressenti. En soi, le Nouveau monde est différent, et c'est à moi de le prendre pour ce qu'il est et essayer de m'accorder à ce que l'auteur a voulu transmettre. Sans quoi, il y a le risque de construire et d'attendre une histoire qui se trouvera en porte-à-faux du récit avec son lot de sentiments négatifs. Et c'est ce dernier point qui pose problème. D'un autre côté, on peut tout aussi bien se dire que c'est l'auteur qui n'a pas réussi à raconter son histoire (problème de transmission). Pour l'instant, je lui donne la primeur. Si jamais le manga me déplaisait, j'arrêterai la lecture (comme Turbobuse en son temps), temporairement ou définitivement. Non sans une explication, dans le dernier cas.
A titre personnel, j'ai eu du mal à cerner comme d'autres ce qui était à l'œuvre sur l'aspect récit au début même si j'avais calculé qu'il y avait bien un changement. Mais un changement vers quoi ? C'était toute la question.
En vrac sur les différents points abordés :
DR est trop long et complexe je trouve et aurait mérité d'être raccourci. Moins d'intrigues pour ma part aurait été bienvenue (je suis passé à côté de Rebecca, le flash-back la concernant elle et son père m'a laissé indifférent). Beaucoup aimé Zou et la première partie de WCI (pas la seconde, qui tourne en rond et s'empêtre), ainsi que la Rêverie (j'aurai aimé en voir davantage avec un vrai arc). Plus mitigé sur Wa, j'ai du mal avec la découpe en acte et le style de narration. Ça me donne l'impression de patauger dans des sous-intrigues mitraillés d'ellipses et de finir à l'arrache lors de la phase d'accélération. Je ne suis pas habitué. Cependant, j'aime beaucoup le fond politique comme sur Totland. De chouettes moments de tension aussi.
Côté profusion de persos et relativisation des mugis, c'est acquis. Mais j'aimerai qu'Oda assume son choix en se dispersant moins sur des personnages inutiles au récit. Quel intérêt d'avoir un focus sur les mugis s'ils restent spectateurs par exemple ? Qu'ils apparaissent en toile de fond ou en tant que groupe et puis basta ! Ou alors ils n'apparaissent pas.
Primes : pas de soucis. C'est juste un outil narratif dans la veine des indicateurs de puissance. A ceci près qu'il mesure la dangerosité selon le GM et pas la puissance. Petite originalité. Après, on a atteint de telles proportions que les primes n'ont plus de sens. Un peu plus ou un peu moins... Elles deviennent de plus en plus inconsistantes, à l'inverse du début où la hauteur de la prime valorisait les personnages.
Pouvoirs : RAS. Le fruit de Monet permet à Zoro de tester ses capacités sur un logia, et ça donne des visuels sympas.
A noter que le format hebdomadaire n'aide pas. Et je lisais en volumes reliés avant l'ellipse.
*Edit : j'ai rajouté deux-trois trucs et remanié un paragraphe.