On retrouve encore un kaiju, divinité qu'il faudrait apaiser en réparant la faute commise. Le hic : la divinité a mangé l'être aimé. Normalement, ça devrait être pris comme l'expression du châtiment. Et les protagonistes une fois le dieu de la montagne calmé, devraient se repentir, tirer les leçons de l'incident pour en sortir grandi. Or, ils choisissent de refuser le courroux de la divinité, pourtant aveugle, se contentant de passer les obstacles jusqu'à son enfant. Et ce faisant, ils affrontent puis tuent le kaiju. Quelle lecture peut-on en tirer ?
La première chose à laquelle je pense, tient à Oden lui-même. De par sa caractérisation : il est hors-norme. Une déviance qui va jusqu'à disputer une divinité, réduite par sa punchline à son aspect mortel et vulnérable (rapport de domination chasseur/proie). Ce faisant, on voit plus encore l'aspiration qui habite le personnage en quête de liberté. Un autre élément le concernant, est qu'il endosse la responsabilité alors qu'elle incombe à d'autres. A la petite bande du chapitre dernier, à Kinemon ensuite. Tous attirés par l'appât du gain, pour s'enrichir ou rembourser une dette afin d'obtenir une reconnaissance/ascension sociale. On pourrait alors s'attendre à ce qu'il y ait des conséquences. On ne tue pas une divinité sans s'exposer à un retour de bâton. Et je suis d'avis qu'on en voit déjà les prémisses à ce chapitre au travers d'Orochi. Les deux ne sont sans doute pas liés directement, mais le futur shogun peut être à sa manière un écho de ce crime originel : celui qui amènera les
calamités sur Wa. De la même façon que Oden semblait déjà cultiver malgré lui la projection de sa propre fin au dernier chapitre au travers de la crémation — et on retrouve encore l'aspect de la nourriture sous la forme binaire de manger ou être mangé (ce qui n'est pas sans rappeler Toriko). C'est un peu comme si Oden par sa quête de liberté, collectionnait les affronts et les transgressions, et que ces dernières, dès lors où il renoncerait à une partie de sa liberté (gouvernant Wa, fondant une famille), viendraient se rappeler à lui. D'autant plus qu'il sera une figure sacrificielle (tué par celui qui sera considéré comme un dieu, Kaido). Y aura-t-il une forme d'expiation de péchés endossés ou dont il est directement responsable ? Une forme d'abnégation ? A voir tout ça. En tout cas, pour le moment, il a obtenu ce qu'il voulait : il a su se rendre ingérable, et être exclu. Encore un peu et il pourra être chassé de Wa malgré la politique isolationniste.
Pour ce qui concerne Kinemon, ce dernier a tout de même eu une forme de repentance. D'une part il découvre peu à peu la teneur de sa faute (via Denjiro, le voleur survivant), d'autre part il prend sur lui de reconnaître et d'assumer sa seule responsabilité. Ce que Oden empêchera, certainement par l'estime qu'il a développé pour lui lors de son affrontement contre le dieu de la montagne. Suite à quoi, il dévoue son existence pour celui qui deviendra son seigneur. Est-ce ce qu'il cherchait avec la réparation de sa dette ? De trouver une place ? Un sens à sa vie ? (cf cases de flash-back sur l'évocation de sa mort) Ou bien ses phrases sans cesse coupées sont-elles tournées à chaque fois vers Tsuru ? Manière de boucler la boucle en revenant à celle avec qui le flash-back commence et pour laquelle il se bat.
Dernier élément, et qui m'a frappé : l'interrogation sur la nature de la divinité. Il y a l'incompréhension du châtiment, d'autant plus cruel que sa bien-aimée fait partie des victimes. Kinemon remet en cause le caractère divin du monstre qu'il affronte, apparaissant alors comme n'étant plus qu'une bête. Sa nature change, et c'est à ce moment-là que Oden intervient. Comme si profitant du changement de nature de celui qui devient dès lors leur adversaire, il se permettait de changer d'attitude : car au début, Oden voulait récupérer le marcassin. Mais pour revenir à ce que j'évoquais plus haut, cela en change-t-il la nature divine pour autant ? Est-ce une affaire seulement de croyance, où cessant de croire en quelque chose l'autorité ou la nature supérieure de celle-ci disparaît ? Le dieu de la montagne n'avait-il pas un rôle insoupçonné ? Gardien de Wa (ou du moins de sa ou ses montagnes), élément irremplaçable de l'écologie du pays, et qui sait quelle autre fonction secrète... Qui dès lors, justifierait son caractère sacré ainsi que sa nature divine ? On repense à
Nola, mais le chemin semble tout tracé pour évoquer Zunisha, les rois des mers... Tous ces êtres considérés comme divinité ou des simili-divinités qui nourrissent la mythologie de one piece.