Namiline a écrit:
Est-ce vraiment l'attitude qu'on attend d'un personnage comme Sanji ?
Il y a un moment donné où il faut rester intègre au personnage. Sanji est un émotif, un rêveur, un naif... mais je ne crois pas l'avoir vu une seule fois être un dégonflé et un ingrat. Un personnage doit évoluer dans le bon sens. Au pire il stagne, mais il ne régresse pas dans une attitude inhabituelle sauf cas particulier bien expliqué (Casca dans Berserk, Théon dans GOT etc)...
Sur ce point je suis d'accord avec Enitu. Le "bon sens" n'est pas toujours synonyme d'évolution positive du personnage. Je pense qu'on peut suivre la déchéance d'un personnage du point de vue physique et psychologique et prendre son pied.
Concernant son manga, Oda allait même jusqu'à dire en 2014 (GHIBLI Magazine) : "I don't necessarily think a story must be written coherently." -> La fameuse citation qui inhibe toutes les critiques d'incohérence à la source.
Au fond, je pense que la question de la cohérence est une question délicate car il faut d'abord trouver un consensus sur les critères décisifs qui déterminent si un personnage reste fidèle à lui-même ou s'il devient "autre". Pourtant, ça nous semble tellement logique de comparer le Sanji actuel avec un condensé du meilleur Sanji pré-ellipse et d'y voir une entorse à toutes les valeurs positives qui faisaient vivre ce personnage.
Le problème n'est peut-être pas tant l'incohérence du développement de Sanji mais le fait qu'Oda ne nous ait jamais habitué à une telle régression de ses personnages phares et n'y va pas à fond. Je m'explique.
1) La règle du Shõnen veut que les héros franchissent les paliers de leurs aventures d'une manière assez linéaire. Oda a généralement respecté cette règle sauf dans des circonstances exceptionnelles qui justifient une soudaine démotivation (ex : Luffy juste après Marineford) ou, autre exception notable, la place accordée aux gimmicks malgré leur évidente démesure (ex : Usopp post-ellipse et sa frousse, Sanji post-ellipse et son pronostic vital engagé dès qu'il aperçoit un généreux tour de poitrine...).
En gros, si un personnage stagne ou régresse, c'est : soit pour respecter un dénouement tragique après avoir donné son meilleur, soit pour respecter un effet comique récurrent.
=> La situation de Sanji fait mouche parce qu'il n'a jamais donné son meilleur devant l'adversité des événements. De plus il n'y a bien-sûr aucun comique de situation qui justifieraient son état actuel. On pourrait même dire que Sanji est en grande partie responsable de sa situation parce qu'il a constitué son propre piège au moment il a trouvé judicieux de prêter sa confiance à une Empereur détraquée plutôt qu'à ses amis. C'est comme une trahison, tu as raison !
2) Oda laisse un Sanji en demi-teinte. Présenté comme le "bon élève", le "garçonnet naïf", trompé par sa galanterie et ses beaux sentiments. Toute la mise en scène y participe. Oda préfère nous montrer un Sanji romantique perdu par son sens du prochain au lieu d'assumer complètement qu'il a merdé, qu'il a été lâche, qu'il a mis en danger tous ses nakamas pour sauver ses intérêts personnels.
=> On ne peut pas commencer la rédemption de quelque chose qu'on continue de nier. Or, pour l'instant, aucune trace de culpabilité, aucune volonté de se racheter. Juste de l'abattement. Comme s'il accusait le mauvais sort !
Enfin, un dernier point, concernant Casca :
Oui, la régression de Casca est entièrement justifiée par l'horreur de l'Eclipse, mais ça n'empêche pas que c'est le personnage le plus moqué dans la fandom de Berserk... Ce n'est pas parce qu'il y a eu ce facteur déclenchant bien identifiable que la pilule est mieux passée. Et puis beaucoup de gens continuent de remettre en question l'hyper-violence de ce passage sans en saisir l'intérêt. Je pense que le personnage a été délibérément mis en stand-by pour servir l'évolution de Guts. Sa volonté de protéger Casca est aussi importante que son désir de vengeance dans l'aventure. Donc, oui, la régression de Casca est justifiée dans le récit, c'est humainement compréhensible, mais c'est quand même un peu triste d'en faire une bricole narrative.