Je réponds vite fait parce que sur Shyamalan, je pars au quart de tour.
Mais juste avant sur Burton, c'est certainement parce que enfant et ado je l'ai franchement idolatré, et que depuis en gros la Sleepy Hollow, c'est la grosse déception, avec des films de qualité à mes yeux très inégale. Si le plantage de La Planète est apparemment dû aux conditions de productions, j'ai trouvé que Sweeney Todd souffrait de problèmes de rythme terribles, et avait trop peu de moments de grâce, et que les Noces funèbres laissaient peu leur empreinte (un peu erzatz de Jack). Mais bon, j'ai adoré Big Fish, et franchement bien aimé Charlie.
Sur Shyamalan, donc. Pour moi, c'est clairement un réalisateur qui progresse. Sixième sens est gentil, l'a fait connaître, a révélé sa maitrise technique, ses donc de narration, mais c'est tout. Après, on a une succession de film absolument géniaux. Incassable, j'avais été déçu au premier visionnage, parce que je n'avais rien compris. Du coup, je n'avais pas été voir Signes. Quelle erreur! Quand j'ai été voir Le Village, j'ai été sidéré. Ca a été une grosse claque. J'ai dû allé le voir 3 fois au ciné, ce qui est très rare pour moi. Et du coup j'ai revu les deux précédents, et là je me suis dit que ce réalisateur était un génie. (J'ai appris depuis que Dépléchin considérait Incassable comme un des plus grands films de toute l'histoire du cinéma).
Shyamalan, c'est un cinéaste qui raconte des histoires, avec cette dimension de fable très forte soulignée par ange bleu. Mais c'est aussi un cinéaste qui ne fait que réfléchir sur son art, c'est-à-dire sur la manière de raconter. Son cinéma marche de moins en moins parce qu'il est de plus en plus ouvertement réflexif. Icassable, c'est un film sur l'image cinématographique, sur la surface. Signes, c'est un film sur la narration elle-même. Toutes les répliques presque portent la marque de la double énonciation, et revoir le film, c'est découvrir que les personnages ne font que nous parler en même temps qu'ils se parlent. Ce n'est pas un film sur Dieu, c'est un film sur ce qu'est un réalisateur (d'ailleurs, il a coupé une scène où c'est explicité). Et je parle pas de comment il réinvestit son travail antérieur sur l'image avec les apparitions de l'alien toujours médiatisées par des écrans. Le Village, c'est un retour sur l'idée de frontière, qui hantaient les précédents films. Et là, il modifie complètement son usage du twist. On passe d'un twist qui mène de la réalité à la fiction, à un twist qui mène de la fiction à la réalité. Avec toujours une portée réflexive hyper marquée, ne serait-ce que par le violent regard caméra du père de l'héroïne dans la remise abandonnée, lorsqu'il lui révèle que tout n'est qu'une farce.
La jeune fille de l'eau, c'est pour moi encore un très grand film. Mais là, clairement, Shyamalan a quitté le grand public, même si lui-même ne l'a pas compris peut-être. Là encore, c'est un film qui s'interroge sur ce que c'est que raconter une histoire, ce que c'est que l'imaginaire dans nos vies. Mais comme tout est prétexte à comment raconter, on peut décrocher du ce qui est raconté. Le jeu des ellipses temporelles, et globalement du montage est très déroutant. Mais là, on retrouve très clairement la question de la frontière, verticale cette fois, clairement mentale.
Ce qui est intéressant en plus dans cette oeuvre, c'est que chaque film donne à revoir le précédent, et même toute l'oeuvre. La jeune fille de l'eau, on passe d'une frontière horizontale à une frontière verticale, , on concrétise la séparation entre construction imaginaire et réalité, et on réalise qu'il n'est question au fond que de fonctionnement de la psyché (qu'est-ce qu'on fantasme? comment on en appréhende les limites?). Le Village reprend l'idée de Création divine devenue humaine et construit un lien avec Signes. La communauté, c'est finalement un eden qui va pourrir, et qui interroge son rapport à l'extérieur (les Monstres=les Aliens). Signes, reprend et explore l"idée des indices laissés par le réel et le fictionnel dans le monde qu'on voit dans Incassable (homme de verre, comics). Incassable, c'est une réponse à la question du corps posée par Sixième sens: Ne pas avoir de corps, avoir un corps dont on en peut se défaire.
Bref, c'est une pensée à l'oeuvre pour moi que tout ce que fait Shayamalan. Je n'ai pas vu Phénomènes, mais j'en ai très envie. Pour l'instant, ce réalisateur est pour moi le cinéaste majeur américain, post gros monstre tels que De Palma (ou Spielberg qui s'est quand même lui-même directement mis en concurrence avec sa Guerre des Mondes).
Je suis peut-être un poil confus, désolé, parce que je m'emballe pas mal sur ce réalisateur!!
_________________

|