Asura's Wrath est assurément un jeu propice aux polémiques : depuis la sortie de sa démonstration sur les consoles HD au début de l'année 2012, le titre de CyberConnect2 et de Capcom a manifestement divisé la communauté des joueurs. Fallait-il oui ou non s'enthousiasmer pour un jeu où 90% du contenu semblait être dédié aux cinématiques ou aux
Quick Time Event ? Fallait-il louer ou non cet univers original qui semblait foncièrement singulier de par sa démesure prononcée ? Est-ce que ce jeu allait carrément marquer une nouvelle étape vers la mort du jeu-vidéo tel qu'on le connait en le transformant en un simple long-métrage pseudo-interactif ? Les réponses, ou du moins des pistes, dans les lignes qui suivent pour comprendre cet OVNI qu'est
Asura's Wrath !
Pour résumer simplement le jeu, vous incarnez un gars, un demi-dieu plutôt, qui a les nerfs : Asura. Après avoir apporté la paix sur une Terre aux accents futuristes et bouddhistes en repoussant l'être maléfique ultime au cœur des ténèbres, Asura est trahi par ses collègues généraux célestes qui veulent monter de galon et devenir des dieux à la place des dieux. Durant l'opération, sa femme est assassinée, sa fille sert de batterie à énergie ultime pour les méchants et lui est soumis facilement par le pouvoir du leader des rebelles : Asura a des raisons d'avoir les nerfs pour se venger, surtout qu'il est emprisonné durant près de 12 000 ans dans le Naraka, un non-domaine entre le monde des vivants et celui des ténèbres. Ayant repris ses esprits grâce à un mystérieux tiers, Asura va utiliser son pouvoir ultime pour revenir dans le monde des vivants et apprendre à ses anciens collègues à mieux se tenir : la colère.
Cette colère, pôle incontournable du
gameplay et du scénario, se traduit à l'écran par une succession quasi-ininterrompue de cinématiques et de
QTE. Ces derniers sont d'ailleurs plus des excuses pour faire en sorte que le joueur conserve sa manette dans les mains qu'autre chose car, contrairement aux autres jeux qui les emploient, vous n'êtes pas sanctionné si vous ratez un
QTE, tout au plus vous recevez une mauvaise notation pour les fans de
scoring. Toutefois, même si ces
QTE n'ont pas d'incidence réelle sur la poursuite du jeu, ils ont quand même le don de mettre du rythme : fréquents sont les passages où l'on s'acharne à écraser ses touches de manière effrénée pour ressentir l'effort fourni par Asura dans ses combats et où l'émotion passe.
À succession ininterrompue de cinématiques et de
QTE intervient fatalement un problème pour le joueur : la durée de vie. De mon expérience, je dirai que celle-ci tourne autour des 6-8 heures. Ce qui est très peu d'ordinaire est juste dramatique ici : comme le temps de jeu que compte
Asura's Wrath est celui certainement que des phases
beat'em all, vous pouvez torcher une
Sutra (la division en chapitre du jeu) en moins d'une minute de temps de jeu ! Ces
Sutra sont pensées comme des épisodes d'un
anime : une introduction avec une large proportion de
spoil (qui peut être zappée si on veut garder la surprise), deux parties distinctes séparées comme il se doit par deux
Eyecatch et un tableau de fin. Si les plus longues
Sutra de la fin du jeu peuvent atteindre facilement la demi-heure de jeu, n'espérez pas dépasser la dizaine de minutes avec les premières ; ce qui est parfois très rageant car on espère pouvoir jouer davantage.
Mis à part les
QTE, les séquences de
gameplay s'articulent autour de phases de
beat'em all traditionnels ou bien de
shoot'em up type
Space Harrier. Les phases de
beat'em all sont à mon sens répétitives au possible : tout au long de l'aventure, vous aurez à votre disposition les mêmes combos et les mêmes aptitudes, seules les prises contextuelles changeront en fonction de l'adversaire. CyberConnect2 a pour ces phases repris le
gameplay de sa série de jeu de combat
Naruto Ninja Storm : le problème, c'est qu'ils n'ont laissé que le combo de base (AKA « Je martèle six fois le bouton d'attaque et ça sort tout seul ») et n'ont pas mis les variantes grâce aux directions ; rageant. Toutefois, même si ces phases sont répétitives, elles sont tout de même agréables à jouer la plupart du temps et elles deviennent vite passionnantes dans les
boss fight qui donnent pour le coup l'impression de réellement nous laisser jouer au jeu. Mis à part les
boss fight, c'est certainement grâce aux phases de
shoot'em up que je me suis le plus amusé, car plus techniques et plus époustouflantes dans leur présentation. Toutefois, l'ensemble est bien trop facile, même dans la difficulté extrême : pour l'exemple, moi qui ne suis pas un joueur très habile pour défaire les niveaux de difficulté les plus corsés, je n'ai eu aucun mal avec ce jeu à le faire (même si, heureusement, les
Game Over ont augmenté artificiellement la durée de mon expérience avec ce jeu).
En revenant sur le thème de la présentation, il faut bien écrire qu'il y a une grande différence entre l'univers et sa représentation graphique. L'univers proposé est original certes, mais avant tout bien pensé et relativement beau. En revanche, les graphismes dans l'ensemble ne suivent pas : CyberConnect2 a eu recours à l'Unreal Engine en lieu et place du MT Framework de Capcom et le résultat n'est pas du tout concluant... Si la modélisation des personnages passe, celle des environnements et des textures non. Le jeu est donc dominé par cette contradiction entre des personnages soignés et des décors pas très réjouissants. Malgré tout, il y a des passages qui sont d'une réelle beauté graphique et où on en prend réellement plein la vue. Si jamais vous cherchez la prouesse technique, ce n'est pas forcément vers
Asura's Wrath qu'il faudra se tourner en ce moment.
La grande force de
Asura's Wrath réside dans sa mise en scène et dans ses personnages, qui servent à merveille le dessein de démesure du titre. Les personnages sont en effet pour la plupart charismatiques et attachants à suivre. Pour résumer, chaque personnage principal, ou presque, est affilié à un péché capital. Asura représente la colère, Kalrow la paresse, Deus l'orgueil et ainsi de suite : chacun des personnages est donc assez exubérant dans sa manière d'être et d'évoluer. Les confrontations entre Asura et ces figures fortes sont donc très explosives et c'est principalement ces dernières que l'on retient une fois que l'on a terminé le jeu. Malheureusement, si jamais vous avez terminé la démonstration du jeu disponible sur les services de téléchargement, vous avez déjà épuisé au bas mot un tiers de ces confrontations épiques et remarquables... Les personnages ne sont pas que confrontation et ils parviennent aussi parfois à tirer leur épingle du jeu dès qu'il s'agit de tirer sur une corde plus sentimentale, je veux ainsi pour preuve l'amour filial entre Mithra et Asura ou l'étrange rencontre entre la jeune fille qui rejette l'influence néfaste des dieux et Asura. Personnellement, j'ai notamment apprécié les personnages d'Asura, de Yasha et d'Augus ; principalement pour les
spots saisissants qui leur sont offerts dans le scénario.
Comme évoqué précédemment, l'autre force de
Asura's Wrath est sa mise en scène, très spectaculaire et très fortement influencée par l'animation japonaise. Cette mise en scène met en valeur une histoire plutôt convenue, mais intéressante tout de même. Cette mise en scène fait très fort pour représenter la démesure des situations (des combattants qui prennent la taille de planètes voire de galaxies) et on ressent fréquemment un leitmotiv de montée en puissance qui évoque celles du réalisateur Hiroyuki Imaishi dans
Gurren Lagann par exemple. La mise en scène reprend donc de très nombreuses
gimmicks des
animes, des situations aux clins d'œil (les amateurs du domaine ne seront pas étonnés de retrouver un épisode aux sources chaudes à la moitié du jeu...) en passant par des références plus ou moins assumées (à ce niveau, le studio CyberConnect2 réalisant de nombreux jeu sur la licence
Naruto, on ressent l'influence de cette dernière à de très nombreux passages). À ce tableau réussi on peut ajouter une bande-son agréable, que ce soit le
thème principal ou bien ceux des confrontations entre Asura et les nouvelles divinités (
classique ou
singulier, la gamme proposée est appréciable).
En conclusion, autant de manière objective le jeu a des critères pour être considéré comme moyen (répétitif, faible durée de vie, peu de séquences où l'on joue réellement dans certaines parties du jeu), autant subjectivement je l'ai trouvé au final bon, grâce à son univers, ses personnages, sa démesure affichée à l'écran et surtout ses
boss fight vraiment dantesques pour la plupart. Mon conseil concernant
Asura's Wrath serait de le trouver en occasion dans les prochains mois, rien ne sert de le récupérer à 55€, surtout quand on sait désormais que Capcom va sortir de nombreuses
Sutra en DLC, notamment trois qui se déroulent après la véritable fin du jeu... Quoi qu'il en soit,
Asura's Wrath reste tout de même une expérience à tenter, notamment pour découvrir sa tentative de rapprocher le plus possible la narration du
gameplay.