Auteur à succès, Antoine Brisebard est victime d’un mystérieux maître chanteur, Jo, qui menace de compromettre sa réputation en révélant le passé de sa femme Sylvie. décide de faire disparaitre un maitre chanteur menaçant. Mais voilà, comment commettre un crime parfait ? Alors que ce dernier doit passer le soir même pour prendre possession de la somme d’argent exigée, Brisebard le tue accidentellement. Comment se débarrasser de ce corps encombrant ...?Après avoir tourné deux fois avec Serge Korber dans
L’Homme orchestre et
Sur un arbre perché, deux de ses films les plus anecdotiques, Louis de Funès revient donc en grande forme dans «
Jo », comédie à l’humour noir proche de la dérision anglo-saxonne.
[1] «
Jo » est un réjouissant cocktail d’humour noir. Véritable compilation de situations burlesques à la fois coquasses et macabres (cf le terme "
slapstick"), ce film est vraiment une excellente comédie. Le cadavre d’un maître chanteur devient vite encombrant et tout le film - basé sur un scénario fort bien ficelé - repose sur les moyens mis en œuvre par le personnage principal pour le cacher à défaut de pouvoir s’en débarrasser le plus vite possible.
Admirateur de Molière et habitué des planches, Louis de Funès aime le comique de situation (on peut citer comme exemples dans ce film :
le pantalon roidi dans la scène des boissons ou encore,
le gag du chapeau lorsque le cadavre est sous le canapé). Dans ce film, malgré il est vrai quelques effets qui datent (par ex : la lampe clignotante, les apparitions de la bonne, les larmes de Tonelotti et son fameux trou), on observe un sorte " d'effet cyclone " comme dans les plus grands films de Buster Keaton : Louis de Funès en est l’œil et tout s'éparpille autour de lui, à cause de lui et même malgré lui (la bonne, l’entrepreneur Tonelotti, l’inspecteur ...). Bref, une pagaille monstre règne dans sa vie et dans sa maison !
Du coup, Louis de Funès court, saute, crie, remonte par exemple une rampe d’escalier sous le regard complètement abasourdi d’un commissaire dubitatif, débite ses dialogues à 100 à l’heure dans cette comédie menée tambour battant où même la caméra de Jean Girault a parfois du mal à rester focalisée sur lui qui passe d’un coin à l’autre du cadre. Par ce système, il aide ainsi la mise en scène de Jean Girault à aérer la pièce d’origine qui enferme les personnages dans un décor unique.
Cependant, malgré le fait que ce soit une comédie (certes d'humour noir, mais une comédie ^^), il faut tout de même bien reconnaître que «
Jo » demeure à part dans la filmographie de Louis de Funès. D’une part parce que le comédien y prémédite un meurtre de sang-froid, d’autre part parce-que l’humour noir et le
slapstick sont omniprésents. On peut rajouter le fait que c'est l'un de ses rôles les plus comiques mais aussi, les moins grimaciers !! Étonnant, non ?
En parlant de rôle, ce qui est vraiment irrésistible dans ce film et ce que l’on savoure à chaque instant, ce sont les différents face-à-face entre Louis De Funès et Bernard Blier, de véritables affrontements tout simplement immanquables (
cf les extraits ci-dessous) ! Dans le costume de la victime devenue coupable, le premier enchaîne sans faiblir mimiques, grimaces et bons mots dans un registre plus noir qu’à son habitude. En inspecteur de police sûr de son affaire, le second lui donne magistralement la réplique lors d’un duel de répliques assassines. Les deux comédiens apportent une dimension hautement jouissive à cette comédie injustement méconnue.
En plus de se délecter des légendaires facéties de l’unique et regretté Louis De Funès, «
Jo » est également porté par d’indispensables seconds rôles. C'est ainsi l’occasion de revoir les visages de
Claude Gensac, Paul Préboist, Michel Galabru ou encore Paul Préboist et Ferdy Mayne; quelques-uns de ces comédiens qui ont fait les beaux jours du cinéma populaire des années 60 et 70.
N'oublions pas non plus les dialogues qui ont été particulièrement adaptés et soignés et qui sont génialement mis en relief par Blier, Galabru et Gensac. Certains passages sont même tordants d'absurdité comme cette réplique de Brisebard à sa femme alors qu'il veut se débarrasser d'elle: "
Va raccompagner Caroline... je viens de l'entendre tomber!". L'effet comique le plus plaisant est - en ce qui concerne notamment ce film et ce qui en fait une réussite - celui produit par une phrase anodine et stupide, prononcée avec le plus grand sérieux dans une situation incongrue.
→ Enfin, Raymond Lefèvre grâce à sa
superbe composition inscrit le film dans un genre plus dramatique.
► Notes : - [1] Cela n’a rien d’étonnant puisque Jo est l’adaptation de la pièce de théâtre The Gazebo créée par le britannique Alec Coppel. En réalité le film de Jean Girault est la deuxième transposition à l’écran de la pièce d’origine (après Un mort récalcitrant de George Marshall en 1959), adaptée en France par Claude Magnier, plus connu pour avoir écrit la pièce de théâtre Oscar … avec Louis de Funès en 1961.
- Le terme « burlesque » se dit aujourd'hui couramment pour désigner un comique exagéré, extravagant qui repose généralement sur un décalage entre la tonalité et le sujet traité dans un texte. Le burlesque s’appelle également « slapstick », littéralement « coup de bâton ». Dénué de logique psychologique, le gag repose sur un comique physique et violent. Il montre des chutes, des bagarres, des poursuites, des chocs... Les corps, comme les objets, sont brutalisés. Le ton général est celui de la provocation et de la caricature, « Keystone Kops » désignant la caricature de policiers stupides qui poursuivent le héros. (dixit wikipédia)
Grâce à cette désopilante histoire de mort récalcitrant et un casting parfaitement rôdé (l'alchimie de Funès / Gensac / Galabru / Blier fait merveille), « Jo » est une comédie burlesque et macabre tout à fait irrésistible, comme on aimerait en voir plus souvent. Sans aucun doute, selon moi un des meilleurs films de Louis de Funès.
→ Longtemps indisponible en dvd, il est enfin réédité depuis novembre dernier pour notre plus grand bonheur (dont le mien). Alors profitez en, franchement, vous ne le regretterez pas ! ^___^