Je suis assez abasourdi, très impressionné par ce que je viens de lire! Au-delà de toutes les qualités de l’œuvre, c'est toujours le style graphique d'Oda, sa patte, sa direction artistique, son trait, appelez ça comme vous voulez, qui m'a le plus interpellé. Je garde un souvenir très fort de la toute première planche que j'ai aperçue, en feuilletant un tome au hasard: c'était une scène d'Aqua-Luffy VS Crocodile, et sans avoir besoin de regarder cette planche à nouveau, je sais que c'est bien le mélange des genres qui m'avait frappé à l"époque. Plus précisément, la liberté graphique permise par ce personnage en caoutchouc. Un combat nekketsu qui avait des touches d'absurde, un vrai comique de situation, des personnages immédiatement indentifiables et attachants, un trait qui exacerbait la grandeur des sentiments attachés à l'action, une logique propre à la série qui a fait sa grandeur et sa popularité.
Ce que je viens de lire me semble totalement découler de cette première impression et de tout ce que j'adore dans One Piece, d'autant plus que la forme rejoint le fond, et je vais essayer de préciser ma pensée: l'utilisation des codes du cartoon entraîne une dédramatisation du récit, d'autant plus que ces effets graphiques (les yeux par exemple) ne sont pas limités à Luffy. C'est même assez frappant justement: c'est sur Kaido qu'apparaît d'abord cette touche, et je prends ça comme une note d'intention de la part de l'auteur, c'est-à-dire que la dédramatisation apparente (et très déstabilisante à la première lecture) du récit soulignée par ces effets cartoonesques vient se confondre avec l'essence même du personnage principal et du sens profond de l’œuvre, et c'est toujours ce qui a été dépeint en premier lieu, la liberté absolue du héros, le rire comme élément-clef de l'interprétation du sens latent du récit et de la vie au sens le plus évident, le plus trivial du terme.
Ce chapitre fait donc profondément sens à mes yeux, d'autant que ce dont je viens de parler est seulement la première chose qui m'apparait mais on pourrait relever la très belle planche dédiée à Komurasaki dont la portée est sublimée par l'effet de contraste avec le combat de Luffy: mélange des genres encore, valeur ajoutée à l'intrication des styles. Nous sommes parvenus au point d'orgue du récit, par l'apparition de Joy Boy, les pleurs de Komurasaki sous son masque, la fin annoncée de Kaido et Orochi et cela est amené, et j'en suis vraiment béat d'admiration, avec cette subtilité propre à l'auteur de savoir à la fois surexpliquer ses enjeux, parfois à l'extrême, pour les résoudre par des trouvailles d'une efficacité émotionnelle remarquables. Et c'est cette dualité, je crois, qui font de One Piece une œuvre absolument populaire et intemporelle.
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