ange bleu a écrit:
Mais tu sais, Tristan a pour parents dans les légendes arthuriennes le Roi Meliodas et la Reine Elizabeth de Liones ^_^
Ah! eh bien j'ai appris quelque chose. Merci.
ange bleu a écrit:
Au début du manga j'ai souvent fait la comparaison avec One Piece, en disant que dans NNT c'était un peu comme si on suivait l'ancienne génération légendaire à la Roger/Barbe Blanche/etc., et non Luffy (dont le rôle est tenu par Arthur par analogie). Une inversion de valeur et de symbole qui reste sans doute l'un des aspects majeurs du projet artistique de Suzuki sur NNT.
C'est une analyse très intéressante, même si elle a quelques limites. Je m'explique.
Une analyse idéologique rapide de Nanatsu no Taizai et One Piece montrent que les deux oeuvres sont extrêmement similaires, toutes deux libérales jusqu'au bout des ongles, ce qui n'est pas étonnant, le libéralisme étant l'idéologie dominante dans le monde développé.
Par libéralisme, j'entends la philosophie morale, et non celle politique et économique. Bien qu'ayant plusieurs nuances, elle a toujours comme base l'individu; le Bien, c'est ce qui reconnait l'individu en tant que tel, et lui garanti la capacité de jouir de sa liberté tant qu'elle respecte celle des autres; le Mal, c'est ce qui refuse à l'individu sa reconnaissance et sa liberté, pour quelle que raison que ce soit, ou qui cherche à utiliser sa liberté afin de nier celle des autres.
Cette vision a reçu des critiques de partisans de plusieurs autres idéologies, de droite comme de gauche. Pour les conservateurs par exemple, le libéralisme est critiquable car il rejette un certain nombre de divisions considérées comme essentielles (au sens existentialiste du terme) par ces derniers, la première étant celle entre le Bien et le Mal. En effet, le libéralisme mettant l'accent sur la liberté de l'individu, il nie la nature fondamentale du Bien et du Mal: l'humain est libre de faire le mal ou de faire le bien, et peuvent changer de voie au cours de leur vie. De leur côté, pour des socialistes ou des communistes, l'obsession des libéraux pour l'individu les amènent à tout analyser à travers son seul prisme, faisant l'impasse totale sur une critique des systèmes, dont les individus ne sont que des rouages. C'est cette critique qui va m'aider à développer mon raisonnement.
En effet, la remise en cause des systèmes n'étant pas une préoccupation de la philosophie libérale, ce thème sera logiquement absent des oeuvres qui appartiennent à cette idéologie. Ainsi, pas de critique de la monarchie en soi dans One Piece: il y a les bons rois, libéraux, et les mauvais rois, illibéraux. Même les "Révolutionnaires" ne veulent pas mettre à bas le Gouvernement Mondial, mais simplement dégager les mauvais souverains et les Dragons Célestes. Dans Nanatsu no Taizai, si les Chevaliers Sacrés se comportent comme des salopards au début du manga, ce n'est parce que le système même des Chevaliers Sacrés est corrompu, mais parce que Hendrickson était un mauvais chef, et il n'était un mauvais chef que parce qu'il était manipulé par Fraudrin. Ainsi, les gens qui affamaient des gosses et butaient des grand-mères avaient bon fond, ils étaient juste mal guidés!
Pas de différences non plus dans la structure: One Piece et Nanatsu no Taizai mettent toutes deux en scène un groupe d'outsiders cherchant à affirmer leur liberté aux prises avec un statu quo cherchant à la nier. Toutefois, cet affrontement, bien que fondamentalement politique et idéologique, est passé à la moulinette de l'individualisme, rendu moins clair, moins complexe. Le statu quo n'est jamais incarné par un système, mais prend toujours la forme d'une volonté d'oppression individuelle: les antagonistes, usurpateurs de liberté, deviennent des incarnations de tout le Mal de l'intrigue, et leur défaite amène nécessairement sa résolution (Parenthèse avec un détail intéressant: dans One Piece, les méchants qui ne sont pas des usurpateurs ne sont pas vaincus. Ainsi, Big Mom, qui règne sur Totland en accordance avec la volonté de ses sujets, n'est pas renversée). Or, les incarnations suprêmes du statu quo en tant que volonté de domination oppressante dans les deux mangas sont Im et le Roi des Démons.
Et voilà la limite de la comparaison. Roger, dans One Piece n'a pas vaincu Im. Il a laissé à la génération suivante le soin d'aller au bout de la Volonté du D. Il n'a pas créé de véritable rupture de continuité du statu quo. Les Sins, en mettant fin à l'Ere des Dieux, ont créé cette rupture. Ils sont à 100% l'équivalent des Mugiwaras, simplement arrivés au bout de leur quête.
Ainsi, je prévois, dans la suite de Nanatsu no Taizai, une simple inversion de paradigme, avec un statu quo libéral assailli par des forces illibérales (c'est la forme que prennent la plupart des films de superhéros, par exemple). Puis, peut-être, dans un second temps, si Suzuki le veux bien, on devrait avoir un affrontement entre libéralisme et anarchie (ou du moins la vision que le libéralisme a de l'anarchie, comme le concept de liberté individuelle poussé trop loin, au point qu'elle laisse la place au chaos). Dans One Piece, ce conflit est déjà incarné dans la rivalité entre Luffy et Barbe Noire, et devrait être résolu sur Laugh Tale, dans un combat pour décider quelle vision de la piraterie, et de la liberté individuelle par extension, ira affronter Im.
Donc voilà. Cela fait beaucoup de texte. Mais tiens-toi bien, car, au prochain chapitre, tu auras droit à ma critique globale de Nanatsu no Taizai! Personnellement, j'ai hâte.