Et si les héros de notre enfance étaient, contre toutes attentes, des héros nietzschéens ?
En lisant récemment des articles d'universitaires américains en sciences humaines, j'ai pu redécouvrir à quel point il était potentiellement aisé de retrouver des héros nietzschéens un peu partout dans les univers de fiction, des plus évidents aux plus inattendus. Mais qu'est-ce qu'un héros nietzschéen ? Selon Mark T. Conard (tout un programme, désolé...), un héros nietzschéen est « un esprit libre, quelqu'un qui rejette la morale et les vertus traditionnelles, celui qui adhère au chaos du monde, et donne du style à son caractère ». À partir de là, un exemple m'est venu à l'esprit histoire de faire couler un peu d'encre numérique sur le sujet...
L'heureux élu du jour pour passer sur le grill, c'est lui !
Vos yeux ne vous trompent pas, je bien vous entretenir quelque peu de la relation entre la principale création de l'auteur britannique Enid Blyton (1934) et les principes de Friedrich Nietzsche. Comme chacun le sait, ce bad-boy qui ne dit pas son nom vit à Miniville, d'où il tire ses revenus en faisant chauffeur de taxi. À partir de là, les plus cinéphiles d'entre vous peuvent déjà affirmer que je peux m'arrêter là dans ma démonstration car la relation entre mauvais garçon et chauffeur de taxi est des plus évidentes : en effet, comment ne pourrait t-on pas penser que ce personnage a influencé Martin Scorcese et son long métrage
Taxi Driver où le personnage principal Travis Bickle est un chauffeur de taxi assez dérangé qui, par sa violence, permet finalement de mettre un peu de bleu dans le ciel d'une très jeune prostituée ?
Notre chauffeur de taxi de Miniville n'a toutefois pas besoin d'un autre pour exister par procuration et remettre en question l'ordre établi : même si l'action de ses aventures se passe dans un monde saturé de jouets, comment ne peut-on pas voir dans le fait qu'un enfant conduise une voiture une remise en question démentielle de l'ordre établi ? La voiture, objet de fantasme et de consommation ultime des adultes, est quelque chose d'inaccessible selon l'ordre des choses pour les enfants. Mais là, notre héros la conduit avec une dextérité folle, à un tel point qu'il est le meilleur pilote de son coin. Et si ce gamin ne nous montrait carrément pas qu'en bousculant l'ordre établi, un enfant pouvait facilement défaire les compétences pathétiques des adultes ?
Quoi qu'on en dise, c'est que le gamin est aussi une sorte de précurseur aux
Vigilantes contemporains et autres encapuchonnés comme Batman : en faisant fi des lois des hommes, il s'arme de son courage et de sa force pour mettre de fréquentes roustes aux vilains Sournois et Finaud alors que l'autorité policière du coin peine à faire régner quoi que ce soit. Anarchiste avant l'heure, ce héros des temps modernes montre que les hommes peuvent bien se gérer tout seuls et ce sans règles.
Et puis, comment ne pas revenir sur son éternel acquiescement de la tête ? En bon héros nietzschéen, ce n'est pas « Oui » qu'il vous indique, mais « Non » ! Comme en Inde, la signification de ce langage corporel est contraire au notre. En gros, il a été le premier à dire « Non ! » et à montrer aux autres qu'ils devraient se bouger si ils voulaient arriver à leur fin, ce faisant il en appelle carrément à l'émergence du surhomme dans la société !
Sérieux ou pas, j'espère que cet intermède dans la vie de la Bibliothèque vous aura permis de vous remémorez que les héros de votre enfance n'étaient pas si innocents que cela et qu'ils vous appelaient déjà à devenir des êtres uniques qui envoient paitre la simpliste apparence d'un monde dont l'on nous propose de considérer uniquement que sa représentation.