Ah ça y est, on a une vue d'ensemble bien que schématique des sanctions pénales de Wa. On retrouve à peu près les
sanctions de l'ère d'Edo : peine de mort, prison et exil, travaux forcés, confiscation de propriété, châtiment corporel.
Ainsi ce sont des prisonniers politiques qui sont à la prison d'Udon pour du travail forcé à vie. Les meurtres quand à eux sont punis directement de morts. Et pour le reste des crimes, les habitants sont à priori exilés en dehors de la capitale si ce n'est mis en prison au sein de celle-ci (quid du rang ? de la corruption ?). Ce dernier cas, l'exil donc, est une triple-peine : les criminels sont déclassés socialement n'habitant plus parmi les gens de leur condition et devant côtoyer ceux de classes inférieures, ils voient leur réputation entachée comme on le voit à ce chapitre avec les forfaits du trio tout en étant reconnu comme des exilés et des criminels (des stigmates), et enfin, les voilà devant habiter un environnement hostile (pollué, stérile, où la faim et la maladie font rages) où ils sont promis à la pauvreté et ses conséquences. La peine s'applique ici à des criminels, toutefois c'est le lot de toute la population. Est-ce dire alors que tout le reste de la population est en exil ? On serait dans quelque chose de différent des Shandias, de différents aussi des Donquixote, de la politique de BM ou même de l'histoire des HP. Les habitants n'ont pas quitté leurs terres, et pourtant les voilà devant (sur)vivre à l'écart des villes dans ce qui fut jadis leur pays mais qui s'est mû en contrée inhospitalière. Leur environnement a changé en même temps qu'ils ont été dépossédé de leur foyer, de leur mémoire, de leur dignité. A le dire autrement, Wa no kuni serait à l'image d'un hors-lieu. Il y a la capitale, les villes réinvesties par les officiels, et puis il y a le reste. Les restes — Okobore town. Du fait de la ségrégation sociale à l'oeuvre. La population y est divisée en deux catégories : les femmes, enfants et vieillards et les hommes adultes. Si ces derniers arrivent à trouver une place en vendant leur
force de
travail pour survivre, et même si on peut relativiser les paroles de Tsuru du fait qu'elle parle en tant que femme (au nom de qui parle-t-elle ?), il semblerait que ce soit l’entièreté de la population qui soit inscrite dans une
fonction inutilitaire vouée à disparaître. Comme la promesse renouvelée de faire de Wa un no man's land. Cette mise hors-demeure est plus particulièrement retranscrite avec le voyage dans le temps de la suite des Kozuki, où encore une fois l'exil est moins spatial que temporel (voir
ici et
là). Et on comprendra alors la dimension particulière de la rébellion. Il n'est pas seulement question de dynastie, de renverser un régime répressif, de pouvoir manger à sa faim ou de gouvernance. S'y exprime aussi à mon sens le désir de revenir à une époque passée, avant que tout ne change. Il y a quelque chose flirtant avec le
sehnsucht ou la solastalgie* qui se dégage et dont les
propos de Tsuru peuvent se faire l'écho : l'idée d'un paradis perdu affectant l'environnement et les conditions de vie suite au changement politique d'il y a vingt ans. Ce serait donc une aspiration à retrouver cet âge d'or, et en même temps pourrait-on y ajouter une douleur. Qui pourrait se présenter selon la palette suivante : la douleur pourtant de ne pouvoir revenir en arrière, la douleur d'avoir été abandonné, la douleur liée à la perte. S'étonne-t-on avec cette lunette d'analyse de la
réaction de Shutenmaru ou
celle plus récente de Shinobu ? Et du regain d'espoir autant que des attentes générées par les mugis ? Il y a volonté de changement, porté par l'héritage d'Oden d'un côté et celui de retrouver les fastes d'antan de l'autre. Sauf qu'à l'instar du pouvoir de Toki, il est impossible de voyager vers le passé, la seule direction possible étant le futur.
* En gros, un mal du pays, unedétresse psychique ou existentielle mais sans partir de sa terre. Comme en revenant de la guerre, suite à un projet minier altérant l'environnement, une catastrophe naturelle... Plus récemment face à la perspective d'effondrement.
SolastalgiaPour en revenir aux sanctions pénales, on comprend alors pourquoi la rébellion dispose d'un traitement particulier. Ne pouvant les relâcher dans la nature même en dehors des frontières intérieures, il faut garder un œil sur eux. Et donc les emprisonner dans une prison elle-même située en dehors des lieux importants. Une autre solution serait l’exécution, toutefois Oroshi et Kaido n'ont pas opté pour cela. Par peur de voir les morts revenir à la vie ? Par crainte de faire des martyrs ou de susciter une contestation parmi les habitants de la capitale ? Au regard de leur honneur ou pour en faire un châtiment exemplaire, l'esclavage étant une plus terrible punition que la mort ? Pour leur trouver une utilité à tout prix par l'exploitation ?
On notera que Caribou est un prisonnier politique, ayant été confondu dans un premier temps avec le commandant Gaburu et ayant pris la tête d'une révolte débouchant sur l'absorption de l'usine d'armement (soit dit en passant, sa capacité de stockage est bien utile. L'a-t-il encore ? Qui sait ce qu'il peut abriter dans son corps...).
Je ne boude pas mon plaisir de voir Law dégagé et de se prendre un comportement type pragmatique. Je suis d'avis qu'il aurait pondu une phrase du genre si les rôles avaient été inversés avec Shinobu. C'est bien fait pour lui. Le voilà maintenant à devoir tenir compte de personnes qui comptent vraiment pour lui. Et puis ça le fait devenir davantage indépendant du groupe, ça le détache. Donc ce n'est pas plus mal.
Skiourocs a écrit:
Sinon, on appelle plus ça une prison, mais un QG déguisé.
Ahah ^^