(Bande annonce) (VO)

Lorsqu'à seize ans, Precious apprend à lire et à écrire dans une école alternative, un monde nouveau s'ouvre à elle. Un monde où elle peut enfin parler, raconter ce qui l'étouffe. Un monde où toutes les filles peuvent devenir belles, fortes, indépendantes. Comme Precious ...




Bénéficiant d'un très bon bouche à oreille, j'avais tout naturellement entendu parler de ce film en bien. Je suis donc parti sans préjugés, ni s'en trop savoir ce à quoi j'allais m'attendre, même si je savais un chouilla ce dont le film allait parler (mais pas totalement non plus). Et dès le début, on est plongé ...

Claireece Precious Jones, 16 ans, n'attend plus grand chose de la vie. Elle voudrait danser et chanter; mais au lieu de cela, elle est obèse et illettrée. Elle vit à Harlem, enceinte pour la seconde fois d'un père absent et s'efforçant tant bien que mal de survivre sans broncher auprès d'une mère violente et tortionnaire qui n'arrête pas de la dénigrer et de la rabaisser. Bon ok, j'avoue que le tableau que j'ai dépeint est assez extrême. D'ailleurs, certaines scènes sont d'une rare violence tant dans l'aspect physique, que morale. Cependant, Lee Daniels arrive à éviter l'écueil du trop "larmoyant" et du trop "images chocs" en insufflant à ce récit des petites bouffées d'air frais. Ce sont de véritables respirations poétiques pendant lesquelles Precious se laisse transporter par son imaginaire (cf album de photo, carrière de chanteuse ...). Un échappatoire grâce à laquelle la jeune fille s'acharne à contrarier un destin qui semble pourtant déjà tout tracé.

Privée de son corps, Precious est également privée de sa voix (on prendra les exemples de la classe de mathématiques ou encore lorsqu'elle prépare à manger pour sa mère) jusqu'à ce qu'elle apprenne à 16 ans à la fois à lire et à écrire. On aurait d'ailleurs pu croire - comme c'est le cas bien souvent - que les viols et les sévices qu'elle a subi par ses parents auaient pu la faire taire à jamais et à la rendre encore plus invisible (on en parlera plus tard de cela) aux yeux de tous, mais il n'en est rien ! Fort heureusement c'était sans compter cette rage de vaincre qui l'anime, sa détermination à vouloir reprendre le contrôle de sa vie (via les études et sur sa vie privée) par le passage de l'oralité (se trouver devant la classe et parler) et de l'écriture (cahier). J'ai trouvé que l'apprentissage de la lecture était bien décrit et juste. Car la première fois que l'institutrice l'a fait lire, Precious dit que tous les mots se ressemblent. C'est exactement ce que ressentent les personnes illettrées, ils emploient ce même terme de "ressemblance". Ils ne voient aucune différence entre tous les mots. Pour eux, ils ont la même signification.
Cependant, si Precious - en souffrance constante entend s'élever seule au-dessus de sa condition, elle doit sa libération de la prison (illettrisme et situation familiale) dans laquelle elle est enfermée, à l'institutrice dévouée - Mrs Rain, qui enseigne dans une école alternative (Each One, Teach One). Cette école est une sorte de classe-relais où l'on donne une nouvelle chance à de jeunes femmes noires et latines, brisées elles-aussi par la brutalité des hommes et de l'indifférence du reste du monde à leur sort. Grâce à cette école, Precious voit ainsi sa vie basculer et évoluer positivement : elle va avoir une véritable éducation et cela lui donne la force de (sur)vivre.
D'ailleurs, je rajouterais le fait que l'on voit très bien la situation de Precious s'inverser à partir du moment où elle entre dans cette école par rapport au début du film. Avant, elle ne disait rien en classe, elle se trouvait tout derrière et se laissait pousser et chahuter dans la rue sans broncher. Alors qu'à partir du moment où elle entre dans cette école alternative, elle se retrouve devant, se met à parler et se défend (là fois où elle frappe une fille qui s'est moquée de son physique). [1]. En plus de cette "seconde" chance éducative, il faut ajouter que Precious renaît aussi grâce à l'amour qu'elle porte à ses enfants.

Mais ce film ne fait pas que nous montrer le parcours hors du commun de Precious, le film fait état de plusieurs faits qu'il est important de parler pour mieux comprendre la face cachée du film ^^. En effet, Lee Daniels par ce film, tend à démontrer l'échec complet des services publics américains :

• de la directrice d'école, qui ne voit qu'une seule solution en apprenant que Precious est enceinte, c'est de la renvoyer;
• des professeurs qui ne soucient pas plus d'elle et ne devinent même pas son illettrisme;
• de l'hôpital qui l'a met à la rue avec son nourrisson;
• jusqu'à l'assistante sociale hypocrite, qui l'écoute mais qui en fait ne s'intéresse pas au fait que l'adolescente veuille apprendre à lire et écrire
• ainsi que l'ensemble des services sociaux qui n'ont pas su protéger comme il aurait fallu et comme ils devaient Precious pendant toutes les années de son martyre.

Ensuite, deux choses ressortent à travers ce film :

• La question raciale [2]
  
  
• La question sociale :
  
  Precious incarne la grande contradiction des pauvres tel que nos sociétés actuelles se les représentent : le pauvre est difforme (Gabby Sidibe âgé de 24 ans à l'époque,possède un physique imposant) et cependant, il est invisible. (L'exemple le plus flagrant dans le film est celui de la classe de math où Precious est assise au fond de la classe et ne dit pas un mot, personne ne l'a fait attention à elle, pas même le professeur).
  D'ailleurs, on peut même constater qu'à travers son film, Lee Daniels dénonce ainsi ce monde qui persiste à s'imaginer "beau", au détriment d'une minorité invisible vouée à disparaître. Même si Precious en est le contre-exemple, puisqu'elle ne veut pas (et fait tout pour ne pas) disparaître (comme le reste).

Des "Precious Jones", il en existe dans la réalité. Non seulement parmi les 4/5 des jeunes femmes noires touchées par l'obésité, mais également parmi des figures célèbres de l'industrie culturelle noire américaine qui ont entendu (tel Jeanne d'Arc) dans ce film un triste écho de leur propre existence.

Alors qu’il n’était qu’un petit film indépendant, il a ainsi reçu le parrainage « miraculeux » des deux personnalités noires les plus « puissantes » dans le monde culturel : Oprah Winfrey et Tyler Perry, deux enfants violés.
On retrouve aussi les chanteuses Mary J Blige (qui a composé le générique du film) ou Queen Latifah (dont Precious est une fan) qui, elle aussi ont été sexuellement abusées lorsqu'elles étaient enfants. Enfin, l'actrice Mo'Nique (pour rappel, c'est elle qui joue la mère de Precious) a révélé avoir elle aussi été violée à l'âge de 7 ans par son frère.




~ En plus ... ~


► Acteurs :

La chanteuse Mariah Carey, qui joue le rôle de Mrs Weiss, l'assistante sociale est totalement méconnaissable et bluffante dans le film (et je ne pense pas que ce soit le fait qu'elle n'était pas maquilllée qui me fait dire ça !). pour preuve, c'est qu'elle a reçu le prix de la révélation de l'année du Festival international du film de Palm Springs. Bon, il n'y a pas grand monde qui connaisse ce festival, mais cela devrait tout de même lui apporter une toute nouvelle crédibilité (je pense à Glitter ^^').
Et il faut ajouter les brèves apparitions du chanteur (décidément beaucoup de chanteurs ^^) Lenny Kravitz qui jouait le rôle de John, un infirmier un peu "rédempteur", très touché par les malheurs de Precious.


► Récompenses :

Precious a aussi reçu trois nominations aux Golden Globes (meilleur film, meilleure actrice, meilleur second rôle féminin) ainsi que six nominations aux oscars (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur montage, meilleure adaptation, meilleure actrice, meilleur second rôle féminin) dont deux récompenses : meilleur second rôle féminin pour l'actrice Mo'Nique (qui a remporté pas moins de 24 récompenses pour son rôle dans Precious) et meilleur scénario pour le scénariste Geoffrey Fletcher dans la catégorie adaptation.


► Notes diverses :

• [1] A noter que le réalisateur a voulu que la tape que Precious donne soit vrai, afin de filmer la vrai réaction de ses camarades qui n'était pas au courant. Les visages qu'ils ont pendant ce moment et donc, leurs réactions sont donc complètement naturelles ^^.
  
  
• [2] Question raciale :
  
  Il y a eu un débat passionné autour du film par lequel les plus véhéments membres de l'intelligentsia afro-américaine (tel que l'écrivain Ishmael Reed et l’essayiste Armond White) se disent « révulsés par un tel spectacle de haine de soi, destinés à vendre du stéréotype racial à la classe moyenne blanche qui irait au cinéma se rincer l’œil. Assez de honte pour les Noirs … ».

~ Bon, on conclue ? ^^ ~ :

A travers ce projet intimiste et bouleversant sur l’exclusion, le film de Lee Daniels met en avant de réels problèmes souvent occultés, dans une société qui rejette les plus faibles et ceux qui affichent une différence. Et même si l'on peut relever quelques défauts, Precious n'en est pas moins une oeuvre dérangeante, éprouvante et révoltante. On en ressort oppressé, meurtri et indigné. Bref, pour ma part un très beau film très poignant.