A working class hero is something to be…

Entre 2002 et 2006, le réalisateur et scénariste Yôji Yamada nous offre une trilogie qui a pour sujet le statut mais surtout le métier de Samouraï.


Tasogare Seibei (The Twilight Samurai).




Ce film raconte la vie de Seibei Iguchi, un samouraï, fonctionnaire d’un rang assez bas et ayant perdu sa femme, il se retrouve avec la responsabilité d’éduquer et de prendre en charge ses deux filles ainsi que sa très vieille mère, laquelle n’a plus toute sa raison. Seibei travaille dur, du levé au couché du soleil (d’où le titre) pour ne pas attirer les foudres de ses supérieurs et afin de gagner le peu d’argent que lui permet son salaire, il se sacrifie volontiers du moment que sa famille n’est pas amenée à la famine. Seibei fera une rencontre qui illuminera sa sombre routine, cependant…




Kakushi ken oni no tsume (The Hidden Blade).




Le règne Tokugawa se débat contre l’évidence et le shogunat traite sans pitié ceux qui osent s’opposer au gouvernement, les fidèles de l’empereur se font décimés les uns après les autres dès leur capture. Dès qu’on doute d’une personne, on l’enferme tout bonnement…

Dans une petite province du Japon, la transition : tradition modernité, se fait tant bien que mal. Les farouches et ardents défenseurs du Katana voient d’un mauvais œil les nouvelles armes qui débarquent dans leur pays et déplorent la lâcheté de ceux qui les utilisent, d’un autre coté la jeune génération -plus éclairée par les exigences de la nouvelle ère et moins aveuglée par leur fierté- reconnait que le salut de leur ile passe par la maitrise et le perfectionnement de ce nouvel outil de guerre.

C’est dans ce climat perturbé que Munezo Katagiri aspire juste à avoir une vie tranquille…



Bushi no ichibun (Love and Honor)




Un des métiers de l’époque féodale était celui de goutteur, un travail de samouraï à haut risque qu’est celui de Takuya Kimura qui vit paisiblement avec sa femme et son serviteur, jusqu’au jour où…

Ce film est une torture, beaucoup plus intimiste, la tristesse et la fourberie atteignent le fond et creusent…




Il s'agit là de trois films traitant avec beaucoup de sérieux et non pas moins de romantisme les difficultés de la vie de samouraï vers la fin du règne Tokugawa et tout ce que cela impliquait comme pauvreté extrême, salaires misérables, maîtres indignes, instabilité, trahisons et son lot de hara-kiri à tout bout de champs…
On est vraiment loin du stéréotype du Samurai tuant tout ce qui bouge, n'ayant pas de grand dilemme à différencier le bien du mal, toujours droit, ne doutant jamais de ses choix, insensible à tout désir, ne ressentant aucune peur ou crainte pour sa vie. Ces films nous offre de touchantes histoires, on casse les faux mythes et les idées préconçues. La sensibilité des personnages se dresse au premier plan, on a droit à de simples fonctionnaires essayant de vivre leur vie de tous les jours tant bien que mal et gagnant durement leur croûte de pain par un statut Ô combien envié par les malheureux paysans qui, on a du mal à le croire, vivent une pauvreté d’autant plus accrue, ces paysans envient un statut loin d’être aussi confortable qu’on le pense. Tout est relatif comme on dit.

Le romantisme prend une grande part dans cette trilogie, on y rencontre un amour sincère, des fois impossible ou inavouable (différences de classes, ou complexes par exemple) des fois brisé et recollé, donnant à l'histoire un rebond voire même un espoir de happy end dans un monde sans pitié. Les relations y sont développées de manières très subtiles sans tomber dans l'excès guimauve, ce sont des situations très matures, très réalistes où des choix difficiles doivent être pris au prix de chambouler l'ordre établie, les coutumes, et les mœurs de l'époque. On en vient à être triste ou heureux en fonction des situations tellement elles sont simples mais en même temps profondes et criantes. Et je dois dire, -et je le dis maintenant car je trouve que c'est le moment le plus approprié- la musique joue un grand rôle dans la transmission de tous les sentiments que le réalisateur, le scénariste ou les acteurs voulaient transmettre aux spectateurs !

Les décors pour leur part sont soignés, on a droit à un Japon médiéval plus vrai que nature…, magasins, citoyens, administrations, écoles, ruelles, marchands ambulants… bref tous les petits détails qui permettent de créer la bonne ambiance de la bonne époque et sans que ce soit trop théâtral pour une production cinématographique. Les détails ont été respectés et le rendu est tout simplement excellent, on accepte ce qu'on visualise sans même se demander si à l'époque les gens porter de telles chaussures, se couvraient de tels habits ou vivaient de la sorte, on a l'impression de la savoir d'instinct, ce qui n'est pas évident. C'est si soigné que l'on a une confiance aveugle en l'équipe de tournage qui a fait un travail impeccable.

Autre point important dans ces films, ce sont bien sûr les duels, qui ne se bousculent pas mais qui sont assez réussis à mon goût et qui jouent eux aussi la carte du réalisme.
Pas de place à l’extravagance, on sent bien que la vie des deux duellistes est en jeu et que la peur de la mort obscurci leurs jugements, on passe des moments forts, ou les combattants ne cessent de parler (en général un monologue) pour se donner du courage ou essayer de trouver une issue non violente au conflit. L'échange de coups est en un mot : Efficace ! Et on a même droit à certaines bottes secrètes intéressantes et étonnantes par leur facilité.

En résumé, ces films traitent de beaucoup de points importants : respect de la parole donné, fidélité, sincérité, acuité des jugements, épreuves à surmonter et l’éternel conflit de générations et de transitions entre tradition et modernité…
On pourrait dire que toute cette histoire de bushido a été revue en mettant cette fois de coté l'héroïsme de la chose et en valorisant le coté humain et toute son ambiguïté face aux durs réalités de la vie et aux choix que l’on est amené à faire.

Enfin, je vous conseille de voir ces 3 films qui renferment des moments de bonheurs, de tristesses mais aussi de réflexion et où on y réapprend toute l'importance de la modestie et les valeurs qui valent réellement de l'importance.