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 Sujet du message: Re: Gone Girl
MessagePosté: Mar 3 Fév 2015 09:09 
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C'était surtout une précaution oratoire pour éviter ce type de débat, mais apparemment c'est raté, tant pis.

Alors il y a deux sujets très différents là dedans: d'abord la question de la lecture du film - le voir comme misogyne ou pas - ensuite la question du regard critique en général au cinéma - à savoir dissocier critique politique et critique esthétique. Et sur les deux questions, à vue de nez, effectivement on risque d'être en désaccord!

J'ai bien lu vos critiques plus haut et effectivement, de manière détachée, elle paraissent justes. Vous pointez des éléments du film qui correspondent à des archétypes misogynes. OK. Mais ça me semble quand même un peu à côté de la plaque en termes de lecture du film pour tout un tas de raisons que je livre en vrac (faudrait que j'y réfléchisse plus avant pour mieux élaborer, mais pas certains d'avoir le temps):

- Amy ne me paraît pas représenter toutes les femmes. Elle est au contraire montrée comme unique, à part, exceptionnelle. Elle fait l'objet d'un tel travail d'approfondissement individuel et j'ai du mal à la voir en tant que porteuse d'un discours généralisant. Elle ne relève d'aucune norme.
- Je ne l'ai pas vu comme un portrait de la Femme mais comme un exemple de perversion
- Amy ne représente pas une essence féminine mais est montrée comme le produit d'une éducation, et partant de là d'une société problématiques. Si on veut aller vers un discours autour des valeurs dans ce film, il me semble que c'est plutôt par là qu'il faut creuser, que Fincher dit quelque chose
- Ce portrait de femme est contrebalancé par d'autres portraits de femmes loin d'être anecdotiques.
- Les hommes ne sont pas à la fête: impossible pour moi de m'identifier au héros et le petit ami de jeunesse est lui aussi un effroyable malade (pour ceux qui veulent un gone boy, j'ai un peu l'impression qu'il est là suggéré).
- Pour moi c'est un formidable personnage de méchant, de pervers fascinant, comme Hannibal Lecter par exemple. C'est d'abord ça. Et je ne me pose pas la question de la misandrie que véhiculerait ce personnage par exemple (ce dernier argument est plus borderline, mais c'est pour forcer le trait).

Donc voilà, la lecture du film comme film misogyne ne me semble pas pertinente. Mais je comprends tout à fait qu'on puisse la défendre: c'est un lecture politique à laquelle il peut se prêter. Je ne la partage pas du tout, je la pense même erronée, mais je reconnais qu'elle est légitime dans son déploiement. Pour moi, c'est comme quand Godard (et tout le monde sait ici que j'adore Godard) dit que tel film est fasciste. Ça pousse une lecture politique, intéressante comme moment de réflexion, mais qui a ses limites aussi.

Après, et c'est le deuxième sujet de débat, je ne pense pas que sur ce type d'analyse critique on puisse tenir une position mitigée du type "je suis conscient des éléments de misogynie du film mais j'en apprécie aussi la maîtrise esthétique". Là, nous ne sommes pas en présence d'un trait anecdotique du film, mais dans son cœur même. Si on se sent atteint par le discours misogyne du film, je ne pense pas qu'on puisse l'apprécier véritablement. De ce point de vue, ce que semble en dire pif paf me paraît assez cohérent. Tenir les deux bouts, c'est me semble-t-il faire fi à la fois du sujet (la misogynie) et du cinéma (on élabore une critique, on déploie une analyse à partir d'un ressenti). J'ai l'impression que ça appelle un peu d'engagement plutôt qu'un traitement un peu tiède (ou alors le film est juste prétexte à parler de, mais c'est un autre exercice).

Ce qui m'intéresserait davantage en fin de compte, ce serait de regarder de plus près les représentations de femmes chez Fincher pour voir ce qui s'en dégage (archétypes, misogynes ou autre). Comme dit plus haut, spontanément, Gone Girl m'a évoqué Hitchock. Pour l'ambiance oppressante mais peut-être aussi pour ces portraits de femmes.

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 Sujet du message: Gone Girl
MessagePosté: Mar 3 Fév 2015 21:38 
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Si tu n'avais pas voulu en parler, tu n'aurais pas inséré une ligne sur les trois pour tacler ceux qui émettent des critiques sur le sexisme du film. Enfin, je crois.

Avec ta réponse, j'ai l'impression qu'on ne parle pas de la même chose - tout comme avec Boboul. Tu m'étonnes dans ces conditions qu'on est à côté de la plaque.
Je n'ai pas parlé de représentation des femmes, mais d'utilisation de mythes misogynes, tout en pointant que ces mythes qui ne font jamais l'objet d'une analyse critique. Bien au contraire : le personnage de Tyler Perry qui appuie le fait que ce trope soit "plus commun qu'on ne le pense" en étant un avocat redoutable spécialisé dans ces affaires. Je ne vois pas en quoi l'argument que le portrait de la Femme n'est pas porté par Amy uniquement invalide ce point.
Pour aller un peu plus loin, en dehors d'Amy, le portrait des femmes n'est pas non plus totalement vierge de tout reproche, en témoigne la voisine et la présentatrice télé qui sont présentées comme des hystériques ayant soif de sang d'un homme innocent, aka l'activation du mythe misogyne de la misandrie aveugle et bornée.

Bien évidemment que le cas de Gone girl est complexe. Certainement que David Fincher a l'air de s'être posé la question qui fait l'objet du débat, tellement il a arrondi les angles du discours (on agrippe plus difficilement au cœur du problème, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas). Comme tout mythe, ceux ici ne peuvent pas être simplement isolés de toute la construction sociale qui existe autour d'eux. Si la société n'était pas sexiste, on n'aurait effectivement pas de problèmes avec ce genre de représentations. A l'heure actuelle, savoir conserver son esprit critique à cet égard ne me parait pas déconnant. Je revendique le droit d'aimer Gone gurl tout en me questionnant à son sujet.

Maintenant il faudrait revenir également sur mon premier post : oui, il y a des nuances apportées dans le film, mais non, cette critique est bien pertinente.
(on va bientôt retourner aux débats sempiternels sur les chapitres de OP : est-ce qu'on a le droit de critiquer. Avec un cadre différent - œuvre finie et complète - mais ça peut tourner en rond)

J'essaie de résumer ta position sur la question, afin que tu puisses recadrer ou valider ce que j'en ai compris (vu que tu es très vague sur le sujet, je préfère qu'on dégrossisse la possibilité de mésententes) : si l'on critique Gone girl, on devient hypocrite de dire que l'on a aimé et on fait le jeu de la misogynie par le biais de la banalisation des critiques féministes à des éléments "à côté de la plaque".
Par rapport à cela, je m'explique : apprécier une œuvre tout en admettant ses caractéristiques misogynes, ce n'est pas forcément faire un double jeu tiède du "oui mais", c'est également reconnaitre que la société a un fond sexiste pour s'attribuer un mécanisme de défense : au lieu de bondir à chaque élément sexiste ou misogynes et à n'exiger que des œuvres "safe" (soit pas grand chose de la production actuelle), on se permet ainsi d'ouvrir un panel d’œuvres dont certaines sont limites mais qu'on sait en tant que telle et qu'on parvient à apprécier malgré tout. C'est une question de choix. Certaines personnes pourront ne faire aucun compromis devant les œuvres, d'autres - dont moi - sont prêtes à jouer la concession pour éviter de se limiter à une part "safe" aux proportions faméliques et dont rien ne garantit la qualité par ailleurs. Garder son esprit critique dans ces conditions est moins un consensus mou qu'une manière de continuer la lutte sans s'épuiser. Sinon, je ne dis pas comment j'aurais détesté également Whiplash et Nightcrawlers, deux autres films que j'ai particulièrement apprécié et qui ne sont pas safe.

Pour en revenir à des considérations cinématographiques, je ne suis pas sûr que Fincher soit le genre d'auteurs sur lesquels on peut facilement dégager une tendance à travers l'analyse de sa filmographie. Ce serait oublier que Fincher travaille avec des scénaristes radicalement différents, sur des adaptations d’œuvres qui n'ont en général que le dénominateur commun d'être des thrillers et qu'il préfère laisser l'écriture à d'autres pour se concentrer sur la mise en scène : entre un Aaron Sorkin bidouillant sur les réseaux sociaux, un Jim Uls qui casse son matériau de base - un anar fou par Palahniuk - et un Steve Zaillian qui modèle un screenplay fidèle à un bouquin dénonçant les racines fascistes de sociétés sociales-libérales progressistes, il n'y a pas de grand rapport.
A ma connaissance, le seul gros changement qu'il a opéré dans ses scripts, c'était sur Seven, où le final devait se dérouler dans un église et qu'il a déplacé dans le désert (un changement qui affecte moins l'histoire que la mise en scène). Mais en général, son travail avec les scénaristes se concentre moins sur la trame générale que sur ce qui est de l'ordre du détail - d'où ma supposition lorsque j'évoquais l'arrondissement des angles. On va pouvoir dégager une vision d'auteur là-dedans, mais pas dans le gros des histoires ; autrement dit, il y a autant de voix dans ses films qu'il y a de scénaristes. Pas sûr qu'on arrive à quelque chose de très concluant.

seleniel a écrit:
Pour moi, c'est comme quand Godard (et tout le monde sait ici que j'adore Godard) dit que tel film est fasciste. Ça pousse une lecture politique, intéressante comme moment de réflexion, mais qui a ses limites aussi.

Merci pour le point Godwin. Et je parle pas du fascisme, mais bien de la référence à Godard :p Plus sérieusement, Godard est un troll qui essaye de tout faire pour continuer à exister aux yeux du monde, quand bien même ses œuvres n'intéressent plus que les critiques depuis très longtemps et qu'il n'a strictement rien à dire. Lui accorder du crédit c'est perdre son temps.


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 Sujet du message: Re: Gone Girl
MessagePosté: Mar 3 Fév 2015 23:30 
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Citation:
Si tu n'avais pas voulu en parler, tu n'aurais pas inséré une ligne sur les trois pour tacler ceux qui émettent des critiques sur le sexisme du film. Enfin, je crois.
Ben non, c'était vraiment une précaution oratoire: j'ai un peu découvert la polémique en parcourant les messages en détails et je me suis senti obligé de dire un mot dessus. En fait, ce n'est qu'aujourd'hui que j'ai été voir divers articles sur le sujet et je dois dire que ça m'a scotché. Mais bon.

Citation:
Je n'ai pas parlé de représentation des femmes, mais d'utilisation de mythes misogynes, tout en pointant que ces mythes qui ne font jamais l'objet d'une analyse critique.
J'avais en gros compris. Et si je vois bien ce qui est pointé, je pense quand même que c'est un mauvais procès qui conduit à passer en partie à côté du film. Aussi parce qu'il y a une différence entre des éléments qui participent de l'histoire et le discours qui s'en dégage. Et si on pointe la misogynie dans une œuvre, c'est qu'on lui prête un discours allant dans ce sens. Sur Gone Girl, la question de la misogynie est quand même directement liée aux figures féminines, à son héroïne. C'est pourquoi ça a suscité de telles réactions. Et pour ma part je persiste à ne pas la voir sous l'angle de la misogynie (de ses mythes ou archétypes) mais plutôt sous celui de la perversion. C'est une lecture différente.

Citation:
si l'on critique Gone girl, on devient hypocrite de dire que l'on a aimé et on fait le jeu de la misogynie par le biais de la banalisation des critiques féministes à des éléments "à côté de la plaque".
Pas compris: j'ai vraiment pas dû être clair... Je ne parle pas de faire le jeu de la misogynie (je n'en sais rien et n'ai aucune opinion sur ce sujet-là). Je dis juste que si on adopte une lecture critique politique d'un tel film, qui s'y prête d'une certaine façon, ça peut difficilement être tiède. Il ne s'agit pas ici de relever les mythes misogynes communs, dans leur banalité, comme on peut le faire dans n'importe quelle œuvre. Ou d'évoquer des éléments de détail, misogynes, au sein d'un ensemble plus "acceptable". Mais bien d'une œuvre qui suscite une réaction forte sur ce sujet précis en le sollicitant tout du long. Du coup, la situation me semble appeler un positionnement plutôt tranché, politique ou esthétique (parce que dans un tel cas chacune des deux lectures dénie l'autre).

Citation:
Pour en revenir à des considérations cinématographiques, je ne suis pas sûr que Fincher soit le genre d'auteurs sur lesquels on peut facilement dégager une tendance à travers l'analyse de sa filmographie. Ce serait oublier que Fincher travaille avec des scénaristes radicalement différents, sur des adaptations d’œuvres qui n'ont en général que le dénominateur commun d'être des thrillers et qu'il préfère laisser l'écriture à d'autres pour se concentrer sur la mise en scène
Heu... Hitchcock ou Howard Hawks, soit "la politique des auteurs", travaillaient avec des scénaristes différents selon les films. Et je pense qu'on ne compte plus les travaux, journalistiques ou universitaires, sur la représentation des relations hommes-femmes, ou des figures masculines ou féminines, dans leur cinéma. Pourquoi cela serait-il différent avec Fincher? Bien sûr qu'on peut commencer à parler de ces sujets concernant le cinéma de Fincher. Et ça doit déjà regorger d'études là-dessus, avec des optiques critiques diverses d'ailleurs. C'est étonnant de tenir un tel propos quand on veut déployer des critiques sur des réalisateurs, sur leurs discours et leurs esthétiques.

Citation:
Merci pour le point Godwin. Et je parle pas du fascisme, mais bien de la référence à Godard :p Plus sérieusement, Godard est un troll qui essaye de tout faire pour continuer à exister aux yeux du monde, quand bien même ses œuvres n'intéressent plus que les critiques depuis très longtemps et qu'il n'a strictement rien à dire. Lui accorder du crédit c'est perdre son temps.
Ce n'était pas un point Godwin, je le dis sérieusement (que ce n'en était pas un, dois-je préciser pour que mon propos soit bien clair!). Bon ben manifestement tu ne connais pas l’œuvre de Godard, et tu ne resitues pas non plus le contexte dans lequel son propos auquel je me réfère se situe (soit du premier Godard jusqu'à la lettre de rupture avec Truffaut). Pas grave non plus. Mais attention: le crédit que je te prête dans le domaine cinématographique fond dramatiquement!

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 Sujet du message: Re: Gone Girl
MessagePosté: Mer 4 Fév 2015 00:35 
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seleniel a écrit:
Et pour ma part je persiste à ne pas la voir sous l'angle de la misogynie (de ses mythes ou archétypes) mais plutôt sous celui de la perversion. C'est une lecture différente.

Entre avoir une lecture différente et considérer une lecture alternative comme inappropriée, il y a là un choix délicat dans les mots qui influe la direction de la conversation. Je ne me permets pas d'asticoter les gens qui pensent différemment de moi, ceux qui considère que je me trompe de voie en revanche.. :D

Citation:
Heu... Hitchcock ou Howard Hawks, soit "la politique des auteurs", travaillaient avec des scénaristes différents selon les films. Et je pense qu'on ne compte plus les travaux, journalistiques ou universitaires, sur la représentation des relations hommes-femmes, ou des figures masculines ou féminines, dans leur cinéma. Pourquoi cela serait-il différent avec Fincher? Bien sûr qu'on peut commencer à parler de ces sujets concernant le cinéma de Fincher. Et ça doit déjà regorger d'études là-dessus, avec des optiques critiques diverses d'ailleurs. C'est étonnant de tenir un tel propos quand on veut déployer des discours sur des réalisateurs, sur leurs discours et leurs esthétiques.

Je n'ai pas dit que ça ne devait pas être fait, j'ai dit que ce serait difficile. Mais si tu as un corpus d'analyses sur la place de la femme chez Fincher, je suis tout ouïe.

Les lettres entre Godard et Truffaut étaient un spectacle drôle et culte mais dans l'ensemble assez puérile, sorte de batailles de gosses à couteau tiré où la bonne formule claquait et les insultes planaient. C'est devenu un classique du cinéma français parce que ça tâche, c'est du réglage de comptes devant une audience châârmée, du people pour intellectuels, l'équivalent suranné des billets de blogs. C'était déjà une bonne prémisse à l'image que donne Godard à l'heure actuelle : un vieux con qui veut faire parler de lui en déblatérant n'importe quoi qui émoustille la plume des journalistes. Donc je maintiens que Godard n'est pas le genre de personnes à qui il faut vraiment accorder du crédit dans ses propos. Il a eu ses fulgurances créatives mais de là à lui reluire sa statue en le prenant comme exemple jusque dans ses notes d'humeur, non je ne pense pas cela pertinent.

edit : quoique, je n'arrive pas à retrouver où ont été d'abord publiées ces lettres. En privé ou en public. Cela invaliderait fortement mes bons mots :Godard style:, sans réfuter le caractère non pertinent de ce genre de réflexion de la part du cinéaste.

edit : je ne pensais pas devoir montrer patte blanche sur mes connaissances de la Nouvelle Vague pour expliquer tes propos et avoir un avis sur JLG.

donc à partir du moment où il n'y a pas d'intentions, l'analyse est alors erronées et les critiques s'absolvent. Moui. Ça permet d'évacuer une bonne part de la responsabilité d'un auteur.


edit 2 : Ma réflexion était à la base une remarque légère (je pensais que c'était compréhensible de par l'emploi grossier du point Godwin mais bon..), pas un contre-argument contre ton utilisation de la citation en elle-même. Dès lors, tu m'as sommé d'étaler une culture sur la Nouvelle Vague que je n'ai pas à te donner, parce que c'est hors de mon propos. Si tu as envie de replacer dans le contexte ta citation, fais-le, mais ne demande pas aux autres de le faire à ta place pour gagner un débat dans lequel tu es seul avec toi-même.

Tout ceci appelle un entracte panda roux, afin de respirer un grand coup.


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 Sujet du message: Re: Gone Girl
MessagePosté: Mer 4 Fév 2015 01:00 
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Ce n'est pas ainsi que j'ai introduit ni utilisé Godard dans la discussion me semble-t-il. Et son usage du terme fasciste pour la production cinématographique ne se cantonne pas aux échanges avec Truffaut, justement. La vision que tu as de Godard montre surtout que tu connais mal les enjeux des débats au sein de la nouvelle vague, la façon dont s'est restructuré le discours critique sur le cinéma en France dans les années 50, 60 et 70. C'est très loin de ce que tu dépeins.


Et sinon oui, je pose l'idée d'une lecture à la fois différente et contradictoire. C'est un peu la base du débat. Je pense que la lecture du film comme misogyne est erronée parce que lui prêtant des intentions qui ne sont pas les siennes (pour le redire autrement et plus vite). Mais encore une fois je conçois que cette critique émerge. Je ne la partage pas et lui objecte contradiction, mais ça me semble assez naturel et c'est ce qui rend le débat riche. C'est la position médiane, que je qualifiais de tiède, que je saisis moins: pour moi elle ne se place nulle part et ça pose un problème critique (au fond, qu'est-ce que ça dit du film).


EDIT:
Je n'avais pas vu l'edit!

Tu t'avances à balancer des critiques de Godard assez définitives. Tu n'étais pas obligé d'adopter cette position mais tu t'y engages fermement. Il faut assurer derrière, c'est tout. Mais ce n'est manifestement pas le cas, et ce n'est pas un drame. C'est juste que pour moi ça m'apparait comme vain.

L'analyse qui fait de Gone Girl un film misogyne me semble erronée parce qu'elle prête au film des intentions qui ne sont pas celles que j'y lis, effectivement: c'est quand même assez logique... ("intentions" entendu au sens fort de discours, projet, propos, tout ce que j'ai pu déjà développer plus haut)

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 Sujet du message: Re: Gone Girl
MessagePosté: Mer 4 Fév 2015 03:54 
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seleniel a écrit:
Citation:
Je n'ai pas parlé de représentation des femmes, mais d'utilisation de mythes misogynes, tout en pointant que ces mythes qui ne font jamais l'objet d'une analyse critique.
J'avais en gros compris. Et si je vois bien ce qui est pointé, je pense quand même que c'est un mauvais procès qui conduit à passer en partie à côté du film.
Tu vas rire, mais à chaud Leto avait peu ou prou la même lecture que toi.


Rapidement quelque remarques :
seleniel a écrit:
Aussi parce qu'il y a une différence entre des éléments qui participent de l'histoire et le discours qui s'en dégage. Et si on pointe la misogynie dans une œuvre, c'est qu'on lui prête un discours allant dans ce sens. Sur Gone Girl, la question de la misogynie est quand même directement liée aux figures féminines, à son héroïne. C'est pourquoi ça a suscité de telles réactions. Et pour ma part je persiste à ne pas la voir sous l'angle de la misogynie (de ses mythes ou archétypes) mais plutôt sous celui de la perversion. C'est une lecture différente.
J'appelle ça occulter le problème personnellement. On peut parler de perversion et être misogyne, c'est loin d'être incompatible. Au contraire même, les deux lectures vont souvent ensembles. (Doit-on rappeler que dans la bible la femme est la perversion par essence ? Que le film est placé dans un contexte chrétien avec toute l'imagerie qui va autour ?)
Dans les fait gone girl c'est juste une réactualisation du mythe de la succube, qui n'a et ne sera jamais bienveillant envers les femmes. La femme qui utilise son vagin pour arriver à ses fins au dépend des hommes, c'est du vu et du revu.



Peut-être qu'en répondant à chacun de tes points évoqués rapidement ce sera plus clair :
seleniel a écrit:
Et je ne me pose pas la question de la misandrie que véhiculerait ce personnage par exemple (ce dernier argument est plus borderline, mais c'est pour forcer le trait).
Non mais là tu ne l'as pas forcé, il est carrément recouvert avec un rouleau de peinture indélébile !_!

seleniel a écrit:
- Amy ne me paraît pas représenter toutes les femmes. Elle est au contraire montrée comme unique, à part, exceptionnelle. Elle fait l'objet d'un tel travail d'approfondissement individuel et j'ai du mal à la voir en tant que porteuse d'un discours généralisant. Elle ne relève d'aucune norme.
- Pour moi c'est un formidable personnage de méchant, de pervers fascinant, comme Hannibal Lecter par exemple. C'est d'abord ça.
C'est certainement l'argument qui revient le plus souvent : le personnage hors-norme qui ne véhicule pas d'idées générales sur les femmes, le psychopathe qui ne peut rien représenter (en gros).

C'est assez caduque comme façon de voir les choses, ça tient plus de la confusion entre identification et représentation. Si on prend Hercule et son mythe par exemple : tout en étant hors-norme, il véhicule un message viriliste assez basique et représente une certaine forme d'idéal masculin (viril en l'occurence).

En plus, le truc c'est que contrairement à de vrais psychopathes comme Lecter, caractérisés par leur intellect, le principal trait de caractère d'Amy c'est d'être une femme et d'abuser de son statut. Statut qui est franchement particulier dans le film d'ailleurs : les femmes sont quand même présentées comme dominantes, par leur main mise sur les médias et la justice, qui est montré comme allant systématiquement dans leur sens...

Je ne vais pas partir dans des délires métaphysique sur l'allégorie du féminisme qu'est le film pour moi, mais vu les rapports de forces présentés, on se croirait vraiment dans une dystopie.

seleniel a écrit:
- Je ne l'ai pas vu comme un portrait de la Femme mais comme un exemple de perversion
Comme c'est dommage que la perversion soit justement porté et attribué aux femmes dans notre société... (cf. ce que je dis un chouille plus haut.)

seleniel a écrit:
- Amy ne représente pas une essence féminine mais est montrée comme le produit d'une éducation
Une éducation féminine, comme toutes les autres femmes.

seleniel a écrit:
- Ce portrait de femme est contrebalancé par d'autres portraits de femmes loin d'être anecdotiques.
Si tu considères qu'il suffit d'avoir des personnages importants pour qu'un film ait une bonne représentation des femmes (ou tout autre classe de la population sous-représenté), tu places ton critère bien bas :/
Avoir un minimum de personnages féminins bien écrit c'est quand même le minimum syndical... Et ça n'empêche pas d'être super malveillant envers les femmes. (En vrac, on pourrait citer certains films d'Ozon.)

Mais pour répondre de manière plus ciblée sur gone girl, tu penses à quels personnages ? La journaliste et l'amie enceinte ? Ou la sœur et l'enquêtrice amoureuse ? Note quand même l'aliénation de tous les personnages féminins annexes (que ce soit à Amy ou à Nick), il n'y en a pas une qui est présentée comme réellement indépendante. (Contrairement aux hommes avec l'avocat par exemple.)

seleniel a écrit:
- Les hommes ne sont pas à la fête : impossible pour moi de m'identifier au héros et le petit ami de jeunesse est lui aussi un effroyable malade (pour ceux qui veulent un gone boy, j'ai un peu l'impression qu'il est là suggéré).
Bien. En quoi ça va à l'encontre du reste au juste ? Le message est négatif dans les deux sens et donc cela "contrebalance" leur négativité ? Je dois avouer ne pas comprendre, la logique de tout ça m'échappe.

Mais quand même, à la fin, qui perd ? Qui gagne ? Qui est présenté (l'identification importe peu) comme victime subissant la situation ?



seleniel a écrit:
Je dis juste que si on adopte une lecture critique politique d'un tel film, qui s'y prête d'une certaine façon, ça peut difficilement être tiède. Il ne s'agit pas ici de relever les mythes misogynes communs, dans leur banalité, comme on peut le faire dans n'importe quelle œuvre. Ou d'évoquer des éléments de détail, misogynes, au sein d'un ensemble plus "acceptable". Mais bien d'une œuvre qui suscite une réaction forte sur ce sujet précis en le sollicitant tout du long. Du coup, la situation me semble appeler un positionnement plutôt tranché, politique ou esthétique (parce que dans un tel cas chacune des deux lectures dénie l'autre).
Sauf qu'en fait si tu regardes dans le détail, plein d’œuvres culturelles renvoient un message autant voir plus violent (envers les femmes ou autre). Gone girl est loin d'être une exception. One Piece par exemple.

A un moment soit tu t'enfermes dans une grotte, soit tu acceptes ces travers et tu subis. Après libre à chacun d'être plus ou moins extrême dans ses positions. Personnellement j'ai eu envie de partir pendant la séance, mais ça ne regarde que moi. Et ça ne m'empêche pas de trouver que le film est très bon formellement.

Honnêtement, tu as l'impression que ce film déchaîne les chroniques ? Mais regarde le sujet. Regarde les critiques. Il n'y a pas de clivage. Tout le monde a apprécié – pour ne pas dire adoré. Même les féministes n'ont pas fait bloc contre le film. Le message est suffisamment inconscient pour que la plupart des gens passe au dessus.



seleniel a écrit:
Je pense que la lecture du film comme misogyne est erronée parce que lui prêtant des intentions qui ne sont pas les siennes (pour le redire autrement et plus vite).
Intention ou non, il y a un message de fond qui est véhiculé. Quand on parle de représentation, il est important de comprendre que ça touche beaucoup à l'inconscient. (Ce n'est pas pour rien que l'on parle de déconstruction.)
Après, une fois ces remarques faites sur la misogynie de l'oeuvre (seulement après), on peut commencer à se poser des questions sur le touducuillisme de l'auteur. Ici c'est pour moi un peu GROS pour venir uniquement du subconscient.

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 Sujet du message: Re: Gone Girl
MessagePosté: Mer 4 Fév 2015 16:37 
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Bon ben là, voilà, on voit nettement la ligne de partage ! Et évidemment on se retrouve en complet désaccord !

pif paf a écrit:
seleniel a écrit:
Leto a écrit:
Je n'ai pas parlé de représentation des femmes, mais d'utilisation de mythes misogynes, tout en pointant que ces mythes qui ne font jamais l'objet d'une analyse critique.
J'avais en gros compris. Et si je vois bien ce qui est pointé, je pense quand même que c'est un mauvais procès qui conduit à passer en partie à côté du film.
Tu vas rire, mais à chaud Leto avait peu ou prou la même lecture que toi.
Ben en fait je m’en doutais un peu. Je vais finalement mettre une réflexion que j’avais d’abord écrite dans l’un des précédents message, puis enlevée pour ne pas donner l’impression de psychologiser brutalement. La position de Leto m’avait donné l’impression de quelqu’un ayant été sensible et ayant adhéré à l’esthétique du film, et au discours qu’il véhiculait, mais s’étant fait « reprendre » par la suite, s’était senti obligé d’adopter une position critique. Sur cette question-là, de la misogynie, vous me donnez le sentiment de manifester une forme de surmoi, de mauvaise conscience (il ne faudrait surtout pas qu’on puisse vous soupçonner de misogynie !) qui altèrent vos jugements et conduit parfois à des contradictions (ce que j’ai éprouvé face à la position de Leto). Mais sur ces questions-là aussi on peut faire preuve d’exigence critique : ne résiste pas et rejoins le Côté Obscur Leto !

pif paf a écrit:
seleniel a écrit:
Aussi parce qu'il y a une différence entre des éléments qui participent de l'histoire et le discours qui s'en dégage. Et si on pointe la misogynie dans une œuvre, c'est qu'on lui prête un discours allant dans ce sens. Sur Gone Girl, la question de la misogynie est quand même directement liée aux figures féminines, à son héroïne. C'est pourquoi ça a suscité de telles réactions. Et pour ma part je persiste à ne pas la voir sous l'angle de la misogynie (de ses mythes ou archétypes) mais plutôt sous celui de la perversion. C'est une lecture différente.
J'appelle ça occulter le problème personnellement. On peut parler de perversion et être misogyne, c'est loin d'être incompatible. Au contraire même, les deux lectures vont souvent ensembles. (Doit-on rappeler que dans la bible la femme est la perversion par essence ? Que le film est placé dans un contexte chrétien avec toute l'imagerie qui va autour ?)
On a fait un petit bout de chemin depuis la Bible en termes d’approche de la perversion. Elle n’est pas uniquement féminine, on est même inondé de personnages pervers masculins au cinéma, dans les séries, les BD, les romans, les pièces de théâtre, etc.. Là, c’est du pervers narcissique dont il est précisément question, et c’est une femme qui l’incarne. Ca change un peu et ça fait sens justement dans le contexte précis choisi par Fincher, qui n’est pas le contexte chrétien (ça n’a pas d’impact réel ni dans l’histoire, ni dans la caractérisation des personnages), mais celui de la société du spectacle américaine (en gros une critique des médias et du culte de l’image, depuis les parents d’Amy et leur travail jusqu’aux émissions télés qui jalonnent le film : c’est quand même central dans la mise en scène ces cadres animés dans le cadre animé, et on n’en a pas parlé une seule fois sur ce fil !). On peut évoquer la perversion et la misogynie à la fois, mais je ne pense pas que ce soit le cas de ce film, parce que ce n’est pas son discours, ni son intention, encore une fois.

pif paf a écrit:
[Dans les fait gone girl c'est juste une réactualisation du mythe de la succube, qui n'a et ne sera jamais bienveillant envers les femmes. La femme qui utilise son vagin pour arriver à ses fins au dépend des hommes, c'est du vu et du revu.
Non, je ne suis pas d’accord avec cette lecture. Pour moi il n’y a pas assez d’éléments précis pour l’appuyer. C’est trop générique et il n’y a selon moi pas d’intention manifeste allant dans ce sens-là particulier dans le traitement de l’histoire et des personnages par Fincher ; alors qu’il y a un approfondissement dans de nombreuses autres directions (critique des médias, comme dit plus haut, par exemple).

pif paf a écrit:
Peut-être qu'en répondant à chacun de tes points évoqués rapidement ce sera plus clair :
seleniel a écrit:
Et je ne me pose pas la question de la misandrie que véhiculerait ce personnage par exemple (ce dernier argument est plus borderline, mais c'est pour forcer le trait).
Non mais là tu ne l'as pas forcé, il est carrément recouvert avec un rouleau de peinture indélébile !_!
C’est aussi pour attirer l’attention sur la dimension morale du discours : qu’a-t-on le droit de représenter au final dans cette optique sans craindre d’être taxé de misogynie ? Cela ne va-t-il pas conduire au contraire de ce qui est recherché, à savoir présenter des personnages féminins stéréotypés, mais d’une autre façon, aseptisée ? Cet angle me semble présenter, ainsi utilisé, d’énormes limites : je pourrais le reproduire à l’identique sur des œuvres classiques et ça en ferait ressortir une forme de ridicule : Qu’advient-il, à travers le prisme que tu défends, de Mme Bovary ou de la Princesse de Clèves ? Comment lire la Recherche dès lors qu’on regarde Gilberte, Odette ou Albertine, sans parler de Mme Verdurin ? Comment même appréhender la littérature féminine francophone du XXe siècle hors Beauvoir : que faire de l’absolue valorisation des hommes chez Yourcenar, de l’effacement du féminin au profit d’un masculin ayant valeur de neutre chez Sarraute ou de folle aliénation des héroïnes de Duras ? Ce type de critique, par son systématisme, me semble perdre de vue les œuvres, leur discours et leur intention. Ça revient peu ou prou à décrocher les phénomènes présents dans une œuvre du discours que celle-ci déploie, pour ne les observer que isolément. Je viens de voir Impossible M. Bébé avec mes élèves et je n'ose imaginer ce que ce film pourrait engendrer comme commentaires avec ce prisme de lecture (et pareil pour la mort aux trousses, pour rester sur Hitchcock et Hawks).

pif paf a écrit:
seleniel a écrit:
- Amy ne me paraît pas représenter toutes les femmes. Elle est au contraire montrée comme unique, à part, exceptionnelle. Elle fait l'objet d'un tel travail d'approfondissement individuel et j'ai du mal à la voir en tant que porteuse d'un discours généralisant. Elle ne relève d'aucune norme.
- Pour moi c'est un formidable personnage de méchant, de pervers fascinant, comme Hannibal Lecter par exemple. C'est d'abord ça.
C'est certainement l'argument qui revient le plus souvent : le personnage hors-norme qui ne véhicule pas d'idées générales sur les femmes, le psychopathe qui ne peut rien représenter (en gros).

C'est assez caduque comme façon de voir les choses, ça tient plus de la confusion entre identification et représentation. Si on prend Hercule et son mythe par exemple : tout en étant hors-norme, il véhicule un message viriliste assez basique et représente une certaine forme d'idéal masculin (viril en l'occurence).
Non, ça n’a rien à voir. Tu ne peux mettre sur le même plan un mythe, qui est archétypal par définition, et qui sert de véhicule à des valeurs sur lesquelles on peut aisément avoir une lecture explicite, et un personnage travaillé justement autour d’une ambivalence. Tu veux faire d’Amy un archétype, pour faire coïncider cela à ta lecture du film comme misogyne, mais je ne suis pas d’accord avec cette façon de faire justement, très réductrice à mes yeux.

pif paf a écrit:
En plus, le truc c'est que contrairement à de vrais psychopathes comme Lecter, caractérisés par leur intellect, le principal trait de caractère d'Amy c'est d'être une femme et d'abuser de son statut. Statut qui est franchement particulier dans le film d'ailleurs : les femmes sont quand même présentées comme dominantes, par leur main mise sur les médias et la justice, qui est montré comme allant systématiquement dans leur sens...
Là encore, je ne suis absolument pas d’accord avec ta vision des choses. Amy est aussi caractérisée par son intelligence : elle planifie, organise, anticipe, s’adapte, etc. Elle joue aussi de son statut social, bien sûr, mais pas que. Et hormis lors de son "évasion", le sexe est assez peu mis en avant dans sa caractérisation. En tout cas beaucoup moins que son intelligence justement. Là encore, je pense que c’est une erreur de réduire ainsi le personnage et que ça ne rend pas justice au travail opéré par Fincher sur elle.

pif paf a écrit:
Je ne vais pas partir dans des délires métaphysique sur l'allégorie du féminisme qu'est le film pour moi, mais vu les rapports de forces présentés, on se croirait vraiment dans une dystopie.
Je ne comprends pas mais à vue de nez j’ai la crainte que ce film soit pour toi un support à projection de fantasmes.

pif paf a écrit:
seleniel a écrit:
- Je ne l'ai pas vu comme un portrait de la Femme mais comme un exemple de perversion
Comme c'est dommage que la perversion soit justement porté et attribué aux femmes dans notre société... (cf. ce que je dis un chouille plus haut.)
C’est de mauvaise foi à mes yeux, mais bon.

pif paf a écrit:
seleniel a écrit:
- Amy ne représente pas une essence féminine mais est montrée comme le produit d'une éducation
Une éducation féminine, comme toutes les autres femmes.
Pas compris. Parce que si tu veux aller du côté du personnage qui se rebelle contre une injonction sociale faite aux femmes de rester à leur place, ben on pourrait proposer une lecture féministe du film (je la penserais erronée également, mais ça serait tout aussi tenable à mon avis)

pif paf a écrit:
seleniel a écrit:
- Ce portrait de femme est contrebalancé par d'autres portraits de femmes loin d'être anecdotiques.
Si tu considères qu'il suffit d'avoir des personnages importants pour qu'un film ait une bonne représentation des femmes (ou tout autre classe de la population sous-représenté), tu places ton critère bien bas :/
Avoir un minimum de personnages féminins bien écrit c'est quand même le minimum syndical... Et ça n'empêche pas d'être super malveillant envers les femmes. (En vrac, on pourrait citer certains films d'Ozon.)
Je ne sais pas ce que tu attends d’un film du coup. Le film ne prétend pas être un documentaire sociologique sur les femmes en général : de quoi parles-tu exactement, là ? J’ai le sentiment que tu es dans une sorte de pétition de principe assez éloigné du cinéma en fin de compte. En termes d’écriture, dans ce film, on a un personnage très pesant qui, même si travaillé du côté de l’ambivalence, entraine nécessairement une polarisation des enjeux autour de sa personne. Du coup, je trouve plutôt intelligent d’avoir conféré des rôles importants, positifs et négatifs, à d’autres personnages de femmes. Tu peux partir en guerre contre ça aussi, mais on s’éloigne quand même fortement de l’objet de la discussion à mes yeux.

pif paf a écrit:
Mais pour répondre de manière plus ciblée sur gone girl, tu penses à quels personnages ? La journaliste et l'amie enceinte ? Ou la sœur et l'enquêtrice amoureuse ? Note quand même l'aliénation de tous les personnages féminins annexes (que ce soit à Amy ou à Nick), il n'y en a pas une qui est présentée comme réellement indépendante. (Contrairement aux hommes avec l'avocat par exemple.)
Pas d’accord encore une fois. En quoi les personnages féminins seraient-ils montrés comme plus aliénés que les hommes dans le film ? Concernant les journalistes, on en a deux justement, pour nuancer et ne pas demeurer monolithique. Je ne vois pas en quoi on peut considérer l’inspectrice comme aliénée, hormis par sa hiérarchie à la fin. Celle qui vole Amy ne me semble pas un modèle d’aliénation non plus. Margo, oui, mais à un autre niveau. Pour moi c’est un double d’Amy et pas seulement de Nick : c’est l’enfant oublié/négligé au profit de l’idéal. Elle reste et ne monte pas à New-York, elle gère les affaires domestiques, demeure dans l’ombre et prend pour les bêtises de son frère. Et là, justement, il y un truc assez fin sur l’idéal dans la société américaine, la valorisation du garçon (Nick) ou d’un modèle de fille (la Amy des livres). Et je passe sur le fait que l’idéal du moi est au cœur du narcissisme qui me semble le vrai cœur du film, mis en lumière à travers la critique de la place des médias dans notre vie et dans la construction de nos représentations.

pif paf a écrit:
seleniel a écrit:
- Les hommes ne sont pas à la fête : impossible pour moi de m'identifier au héros et le petit ami de jeunesse est lui aussi un effroyable malade (pour ceux qui veulent un gone boy, j'ai un peu l'impression qu'il est là suggéré).
Bien. En quoi ça va à l'encontre du reste au juste ? Le message est négatif dans les deux sens et donc cela "contrebalance" leur négativité ? Je dois avouer ne pas comprendre, la logique de tout ça m'échappe.
Ben… comment définis-tu un discours misogyne alors ? Le mépris des femmes ne suppose-t-il pas une justification de la domination masculine ? Du coup, ce n’est peut-être pas le sujet, le discours du film, cette critique des femmes…

pif paf a écrit:
Mais quand même, à la fin, qui perd ? Qui gagne ? Qui est présenté (l'identification importe peu) comme victime subissant la situation ?
Mais si l’identification est centrale pour essayer de comprendre le discours d’une œuvre. Comment la penser sinon ? Et à vue de nez je ne suis pas d’accord avec ta lecture de la fin du film. Si Amy triomphe, oui, je ne vois pas un seul instant Nick comme victime. On passe du « il l’a bien cherché » au « il l’a bien voulu ». La fin est terrible parce qu’elle souligne l’hypocrisie du personnage. Il choisit de rester, parce qu’il y trouve son compte. C’est dit très clairement, affirmée par Amy au moment même où il se montre violent justement. Et indirectement dans le désespoir de Margo. Lui aussi apparaît comme pervers narcissique au final, ce qui était en filigrane depuis le début en fait (prétention à être écrivain, l’étudiante dans le lit, le rapport aux parents, à sa sœur, etc.), mais ne se révèle clairement qu’à la toute fin : c’est ça l’accouchement qui a lieu, dans la dernière interview, le dernier écran dans l’écran. Et tout ça se comprend parce qu’on n’a pas pu s’identifier à Nick tandis que tout au long du film on éprouve une véritable fascination pour Amy. C’est là que le film se montre subtil et intelligent : c’est dommage de passer à côté.

Si je devais donner une victime, ce serait le futur enfant, le futur produit de cette société viciée qui construit un écart entre idéal et réalité, et représenté dans le film, comme dit plus haut, par Amy et Margo : victime qui se révolte, victime qui subit.

pif paf a écrit:
seleniel a écrit:
Je dis juste que si on adopte une lecture critique politique d'un tel film, qui s'y prête d'une certaine façon, ça peut difficilement être tiède. Il ne s'agit pas ici de relever les mythes misogynes communs, dans leur banalité, comme on peut le faire dans n'importe quelle œuvre. Ou d'évoquer des éléments de détail, misogynes, au sein d'un ensemble plus "acceptable". Mais bien d'une œuvre qui suscite une réaction forte sur ce sujet précis en le sollicitant tout du long. Du coup, la situation me semble appeler un positionnement plutôt tranché, politique ou esthétique (parce que dans un tel cas chacune des deux lectures dénie l'autre).
Sauf qu'en fait si tu regardes dans le détail, plein d’œuvres culturelles renvoient un message autant voir plus violent (envers les femmes ou autre). Gone girl est loin d'être une exception. One Piece par exemple.
Oui, mais c’est de Gone Girl dont il est là question. Pas d’une thèse générale sur les schèmes misogynes dans les œuvres culturelles. Il faut poser l’objet dont on parle. Et si on pose les choses, on voit bien la différence entre Gone Girl et One Piece sur cette question-là : traitement frontal et prolongé d’un personnage féminin ambivalent d’un côté, récurrence d’un motif schématique pour le traitement générique de plusieurs personnages devenus périphériques de l’autre côté. Ça n’a pas grand-chose de similaire et si tu nivelles tout, ton discours risque de perdre toute assise et de se décrédibiliser lui-même. (C’est peut-être ça finalement que pointait Leto et que je n’avais pas mesuré/compris : cette conséquence de ma critique d’une lecture misogyne du film).

pif paf a écrit:
A un moment soit tu t'enfermes dans une grotte, soit tu acceptes ces travers et tu subis. Après libre à chacun d'être plus ou moins extrême dans ses positions. Personnellement j'ai eu envie de partir pendant la séance, mais ça ne regarde que moi. Et ça ne m'empêche pas de trouver que le film est très bon formellement.
J’ai des doutes. De ce que tu décris, j’ai l’impression que tu vas voir un film pour confronter ton code de valeurs à celui que tu crois observer dans le film regardé ; pas que tu t’y rends pour une expérience cinématographique. Mais après tout il n’y a pas un usage privilégié du cinéma.

pif paf a écrit:
Honnêtement, tu as l'impression que ce film déchaîne les chroniques ? Mais regarde le sujet. Regarde les critiques. Il n'y a pas de clivage. Tout le monde a apprécié – pour ne pas dire adoré. Même les féministes n'ont pas fait bloc contre le film. Le message est suffisamment inconscient pour que la plupart des gens passe au-dessus.
Ou alors c’est que la lecture misogyne est plaquée et ne parvient pas à convaincre même ceux habituellement sensibles à ce type de lecture ou d’argumentaire. Et il y a bien clivage : tous les échanges sur ce fil le montrent. Et en dehors, après ces échanges, quand j’ai rapidement cherché, je suis tombé sur plusieurs papiers qui font le tour de la question (le cinéma est politique, osez le féminisme et madmoizelle. D’ailleurs j’ai été agréablement surpris de me retrouver très globalement dans le dernier). Oui les éléments pointés peuvent donner lieu à une lecture à charge et problématique. Mais non, à mon sens, ça ne rend pas compte du discours du film mais ça le déforme complètement.

pif paf a écrit:
seleniel a écrit:
Je pense que la lecture du film comme misogyne est erronée parce que lui prêtant des intentions qui ne sont pas les siennes (pour le redire autrement et plus vite).
Intention ou non, il y a un message de fond qui est véhiculé. Quand on parle de représentation, il est important de comprendre que ça touche beaucoup à l'inconscient. (Ce n'est pas pour rien que l'on parle de déconstruction.)
Tu affirmes qu’il y a un message de fond mais je ne partage pas ton point de vue. Tu pars de phénomènes observés et tu leur donnes une signification qu’on peut contester. On en revient aux points de divergences déjà énumérés : je ne leur donne pas la signification que tu leur accordes.

pif paf a écrit:
Après, une fois ces remarques faites sur la misogynie de l'œuvre (seulement après), on peut commencer à se poser des questions sur le touducuillisme de l'auteur. Ici c'est pour moi un peu GROS pour venir uniquement du subconscient.
Il n’y a je pense en effet rien d’inconscient, sur ce sujet-là, dans ce film. Le travail sur Amy, Nick, leur relation, leur perversion et celle de la société dans laquelle ils se meuvent constituent le cœur du film et tout ce qui y est dit est volontaire et pensé, cinématographiquement, par Fincher. Pour moi c’est une évidence. Mais, si on se rejoint sur ce constat, ne donnant absolument pas la même signification à ce qui nous est montré, nous ne lui accordons pas la même valeur et ne portons donc pas le même jugement sur le réalisateur !

Ouf! Au bout!

Sur tout ça, je pense avoir fait le tour et j’espère avoir été assez clair. En tout cas, si je devais synthétiser ce qui me semble vraiment faire l'objet du film, ce ne serait donc pas la misogynie, mais bien d'une part la question de la perversion, et du pervers narcissique en particulier, diffracté à travers plusieurs personnages, et son corollaire sociétal, à savoir la société des médias, de l'image, contre laquelle le film porte une vraie critique, avec en filigranes, pour lier ces deux dimensions, la question de l'idéal du moi.

Sinon, dans un registre très différent, entre le début et la fin de la rédaction de cette réponse (soit pendant que j'étais au parc avec les enfants), j'ai lu la dernière chronique de l'odieux connard. Et je dois bien dire que, mesquinement, étant donné l'objet de notre débat, cette chronique m'a bien fait rire.

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 Sujet du message: Re: Gone Girl
MessagePosté: Mer 4 Fév 2015 22:43 
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seleniel a écrit:
qui n’est pas le contexte chrétien (ça n’a pas d’impact réel ni dans l’histoire, ni dans la caractérisation des personnages), mais celui de la société du spectacle américaine (en gros une critique des médias et du culte de l’image, depuis les parents d’Amy et leur travail jusqu’aux émissions télés qui jalonnent le film : c’est quand même central dans la mise en scène ces cadres animés dans le cadre animé, et on n’en a pas parlé une seule fois sur ce fil !).
Puritain te semble peut-être plus adapté alors ? C'est quand même la toile de fond du film, l'opposition entre Amy l'enfant, pure et gentille, et Amy l'adulte, perverse comme tu le dis.

seleniel a écrit:
C’est aussi pour attirer l’attention sur la dimension morale du discours : qu’a-t-on le droit de représenter au final dans cette optique sans craindre d’être taxé de misogynie ? Cela ne va-t-il pas conduire au contraire de ce qui est recherché, à savoir présenter des personnages féminins stéréotypés, mais d’une autre façon, aseptisée ?
seleniel a écrit:
Je ne sais pas ce que tu attends d’un film du coup. Le film ne prétend pas être un documentaire sociologique sur les femmes en général : de quoi parles-tu exactement, là ?
Si une des lectures possible du film entretient des mythes misogynes ou sexistes, ce n'est pas très engageant pour être qualifiable de "non sexiste".

On me chuchote à l'oreillette que je suis trop allusif : si on écrit un personnage, son passé, ses envies, ses lubies, ses passions, son caractère, etc. et si ensuite on décide que ce sera un homme ou une femme (sans rien changer au reste), est-ce que tu penses que c'est possible d'arriver à un personnage comme Amy ? Comme les présentatrices ou l'amie enceinte ? Est-ce que tu penses vraiment que c'est perdre en qualité ?

Prends ce film et prends n'importe quel tome de Sandman. Est-ce que tu vois, oui ou non, une différence de représentation ? Laquelle te semble être la plus "bienveillante" ? Où se trouvent les personnages les moins archétypaux ?

seleniel a écrit:
Qu’advient-il, à travers le prisme que tu défends, de Mme Bovary ou de la Princesse de Clèves ? Comment lire la Recherche dès lors qu’on regarde Gilberte, Odette ou Albertine, sans parler de Mme Verdurin ? Comment même appréhender la littérature féminine francophone du XXe siècle hors Beauvoir : que faire de l’absolue valorisation des hommes chez Yourcenar, de l’effacement du féminin au profit d’un masculin ayant valeur de neutre chez Sarraute ou de folle aliénation des héroïnes de Duras ?
Je passe sur le name-dropping inutile. Mais il manque une information : on est au XXIe siècle. Les œuvres sont écrites aujourd'hui, par des gens cultivés qui connaissent les luttes féministes.
Il ne me semble pas avoir dit que je comptais brûler les livres d'antan. Juste que de nos jours on est en droit d'attendre mieux qu'il y a un demi-siècle ou plus, non ? Ça s'appelle faire la part des choses et ne pas décrocher les œuvres du contexte dans lequel elles se déploient.

C'est un peu étrange ce refus catégorique que l'on puisse faire une critique de l'oeuvre, que ce soit "politique" ou "esthétique" – qui sont loin d'être deux choses antinomiques –, tout en appréciant d'autres aspects de celle-ci.

seleniel a écrit:
Amy est aussi caractérisée par son intelligence : elle planifie, organise, anticipe, s’adapte, etc.
Note quand même que tous ses plans tombent à l'eau à la moindre anicroche. Et pour l'adaptation, elle ne fait que courir se réfugier auprès d'un homme. Finalement le seul stratagème qui marche, c'est ses fausses accusation de viol. Tu ne vas quand même pas le nier ?

Je ne parles même pas du fait que 95% des personnes violées sont des femmes et que le viol est un crime très largement impunis dans notre société, en plus d'être rarement dénoncé. Curieux de voir que les fausses accusations de viol deviendrait presque un trope récurrent au cinéma, alors que cela représente moins de 1% des cas effectifs.

(Rien que pour ça, cela me semble aberrant de pouvoir penser que le film n'est pas misogyne... Et on pourrait se faire la même réflexion par rapport à la violence conjugale.. Rien que le fait qu'on en parle comme ça "à l'aise blaise" c'est super violent.)

seleniel a écrit:
Tu peux partir en guerre contre ça aussi
Je dois bien avouer que c'est mon petit péché mignon, le matin je me lève en me disant "chouette, encore les mêmes discussions, comme c'est rafraîchissant" (sérieusement ?)

seleniel a écrit:
Ben… comment définis-tu un discours misogyne alors ? Le mépris des femmes ne suppose-t-il pas une justification de la domination masculine ? Du coup, ce n’est peut-être pas le sujet, le discours du film, cette critique des femmes…
Ce n'est pas très étonnant que l'on ne tombe pas d'accords en fait.

Parler de « critique des femmes » quand on parle de misogynie c'est assez symptomatique. Etre misogyne, c'est utiliser ou créer une représentation de la femme en sa défaveur (à la femme), en utilisant des traits de caractères archétypaux ancré par l'imaginaire collectif (média, culture au sens large, parents...). Les femmes sont manipulatrices/menteuses et autre connerie du genre par exemple.
A quel moment il y a une critique ? Expliques moi simplement, j'aimerais comprendre. Vraiment.

Ensuite explique moi le lien entre la """misandrie""" du film et le fait que cela ne puisse pas """justifier""" une domination masculine. J'ai là aussi un problème de connectique neuronale, il y a quelque chose que je ne comprends pas.
A te lire on dirait qu'on joue à un jeu où les hommes et les femmes se battent pour devenir dominant. Sauf qu'en fait les femmes sont sur le côté en train de regarder...
Je suis désolé, mais présenter comme équivalent la représentation dans un film d'une vision des hommes et la représentation archétypale des femmes dedans – alors que tous les films renvoient au mieux une image neutre des femmes –, c'est se voiler la face.

Surtout que cela emprunte beaucoup au nice guy ici « on a été toujours été gentil avec les filles et elles nous le rendent en étant des perverses manipulatrices qui nous déchirent émotionnellement ». Qui est peu ou prou la position de Ben Affleck dans le film.

seleniel a écrit:
on voit bien la différence entre Gone Girl et One Piece sur cette question-là : traitement frontal et prolongé d’un personnage féminin ambivalent d’un côté, récurrence d’un motif schématique pour le traitement générique de plusieurs personnages devenus périphériques de l’autre côté. Ça n’a pas grand-chose de similaire et si tu nivelles tout, ton discours risque de perdre toute assise et de se décrédibiliser lui-même.
Tu confonds fond et forme. La forme est effectivement différente mais le fond reste le même. Si tu préfères, je peux parler de la façon dont elles sont mise en avant et de la façon dont elles sont caractérisées et représentées.

Ensuite je n'ai jamais dit que c'était la même chose... Juste que c'était similaire, dans le sens où les personnages féminins ne sont pas à la fête.

seleniel a écrit:
De ce que tu décris, j’ai l’impression que tu vas voir un film pour confronter ton code de valeurs à celui que tu crois observer dans le film regardé ; pas que tu t’y rends pour une expérience cinématographique.
Sauf que je suis allé voir le film sans savoir de quoi il parlait, en fait. Si pendant la séance un message que l'on me crache à la gueule me rebute, je n'y peux pas grand chose.

seleniel a écrit:
Sinon, dans un registre très différent, entre le début et la fin de la rédaction de cette réponse, j'ai lu la dernière chronique de l'odieux connard.
Je juste lu la fin. En gros il pleure parce qu'on ne lui donne pas des cookies alors qu'il est trop engagé dans la lutte féministe. J'en avais la larme à l’œil.
(On notera quand même que sa position "d'odieux connard" est celle de monsieur tout le monde en fait.)

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 Sujet du message: Re: Gone Girl
MessagePosté: Mer 4 Fév 2015 23:56 
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Je m’immisce un peu dans votre débat, mais il y a un point que l'on retrouve dans ton argumentaire , pif paf, ainsi que dans celui du site « Le cinéma est politique », qui ne peut que ne pas me laisser de marbre. C’est celui -ci:

pif paf a écrit:
Je ne parles même pas du fait que 95% des personnes violées sont des femmes et que le viol est un crime très largement impunis dans notre société, en plus d'être rarement dénoncé. Curieux de voir que les fausses accusations de viol deviendrait presque un trope récurrent au cinéma, alors que cela représente moins de 1% des cas effectifs.

(Rien que pour ça, cela me semble aberrant de pouvoir penser que le film n'est pas misogyne... Et on pourrait se faire la même réflexion par rapport à la violence conjugale.. Rien que le fait qu'on en parle comme ça "à l'aise blaise" c'est super violent.)


A noter qu’on est bel et bien en train de critiquer Gone girl individuellement, et non pas le cinéma moderne dans son ensemble . Dire que la mise en scène de fausses accusations de viols est beaucoup trop courante au cinéma , c’est une chose. Imputer à Gone girl, et à Gone girl seul , une intention misogyne parce qu’il parle de fausse accusation de viol en est une autre. Or tu dis bien qu’il te semble aberrant de considérer le film comme non misogyne….du simple fait qu’il évoque ce point !!

C’est quand même un tout petit peu insensé, je trouve. Admettons que les faux témoignages concernant les violences conjugales ne représentent qu’1% des plaintes(je ne dis pas que c’est une fausse statistique, mais comme je n’ai aucune donnée sur le sujet personnellement, je préfère ne pas m’avancer). Cela signifie qu’un film ne peut pas se permettre de mettre en scène ce cas rare, autrement, il serait qualifié de misogyne. A partir du moment ou on choisit de traiter une situation ou une femme apparait comme manipulatrice, on est nécessairement misogyne.

Le problème, c’est qu’il faudrait démontrer que Fincher a ici l’intention d’être exhaustif , et de véritablement exprimer un message portant sur la Femme en général. Ce que personne n’arrive à faire. Si l’on s’attardait sur les autres personnages féminins du film , on pourrait débattre de leur dépendance aux hommes et autres (ce qui est aussi, selon moi , assez contestable) , mais rien n’indique que Fincher sous-entend que les femmes en général ont une grande propension à mentir concernant les violences dont elles sont victimes. Seulement que le personnage d'Amy est manipulateur et pervers.


On arrive ainsi au résultat que tout film mettant en scène une femme manipulatrice a une prétention à l’exhaustivité , et qu’il véhicule donc un message concernant les femmes en général. Cette « pente savonneuse » repose quand même sur une grosse part de présomption. En partant de ce raisonnement, on peut aussi reprocher au film d’être misandre , car le personnage principal est un homme qui trompe et maltraite sa femme , ce qui serait tout aussi ridicule.

Inutile de me répondre que c'est différent, parce que concernant les femmes , ont est dans un problème bien plus récurrent. Je le répète, nous sommes en train de critiquer Gone girl , pris individuellement, non pas le cinéma en général. On ne peut pas accuser ce film de véhiculer un message qui tendrait à décrédibiliser de manière générale les accusations de viol , simplement parce qu'il met en scène un personnage qui ment à ce propos.


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 Sujet du message: Re: Gone Girl
MessagePosté: Jeu 5 Fév 2015 10:03 
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Ou comment surinterpréter et faire dire beaucoup plus à une oeuvre que son message principale, David Fyncher doit se retourner dans sa tombe (on me dit à l'oreillette qu'il n'est pas mort, au temps pour moi).

C'est fou car quand moi je parlais de misogynie, c'était par rapport au retournement du personnage d'Amy, passant de la victime au véritable antagoniste du film, au bad guy, au vértiable cerveau de cette mise en scène. Et c'est en ça que je trouvais cette misogynie bienvenue et rafraichissante (pour une fois que c'est pas un mec le salaud principal). Mais non, les gens s'attardent sur les moyens utilisés par Amy, et arrivent à y percevoir une énième carécature féminine (wtf!!!).

C'est con car c'est vraiment le seul truc que j'ai aimé dans ce film (avec le jeu des acteurs, soyons honnête).


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 Sujet du message: Re: Gone Girl
MessagePosté: Jeu 5 Fév 2015 14:49 
Ô-Totoro
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seleniel a écrit:
ne résiste pas et rejoins le Côté Obscur Leto !

J'imagine que c'était dit pour amorcer l'instant papouille où l'on rigole et on se détend un peu. J'ai essayé d'initier ça un peu plus tôt avec ce cher Jean-Luc, mais tu as pris la remarque au sérieux, donc je vais faire l'effort de rigoler pour passer à autre chose.
Mais sinon, oui, je continue à être le tiède de service qui aime le film tout en me préoccupant de l'image du viol qu'il perpétue.
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Intermède calin.

Cidolfus : ça parait raisonnable de prendre le film isolément en le détachant de tout contexte. Mais le sexisme étant un phénomène social, ce n'est pas une aberration intellectuelle de faire le lien avec la représentation en général du viol dans le cinéma (en quasi-duopole : soit projection fantasmée du viol dans un parking la nuit qui est un outil de "correction" de l'individu, soit une arme féminine pour accuser l'homme) pour voir que Gone gurl alimente l'un des deux aspects. On peut nuancer cette utilisation dans le film, dans le fait que ça définit un personnage par ailleurs totalement psychopathe et que d'autres personnages féminins sains jouent un rôle, mais cette représentation alimente tout de même le mythe, car sa critique et le marquage des limites de cette représentation n'est jamais clairement établie par le film (le personnage de Tyler Perry souligne cette récurrence de l'utilisation du viol par les misandres).

Froll a écrit:
Et c'est en ça que je trouvais cette misogynie bienvenue et rafraichissante

La phrase est bien maladroite..


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 Sujet du message: Re: Gone Girl
MessagePosté: Sam 7 Fév 2015 01:32 
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Leto : Il n'y a rien d'aberrant intellectuellement dans le fait de replacer Gone girl dans son contexte. Ce qui est en revanche, assez intellectuellement aberrant, c'est d'en tirer des conclusions sur l'intention du film.

Que Gone Girl ne s'éloigne pas particulièrement de la représentation récurrente au cinéma du viol utilisé comme arme de manipulation, soit. A noter par ailleurs que je n'ai moi même pas constaté de sur utilisation de ce motif au cinéma , mais bon, je me base sur les dires de pif paf. Tout ce que cela peut permettre de conclure , c'est que Gone girl n'est peut être au fond pas si original que cela ,ou qu'il ne s'agit pas là du film tant attendu qui libérera Hollywood des clichés sexistes.

En revanche, ça n'a aucun sens de considérer que le film part d'une intention misogyne de ce simple fait. Aucun message général sur les femmes et leur rapport à la violence conjugale n'est délivré, tout cela ne concerne qu'un seul personnage , qui plus est un personnage qui s'illustre tout au long du film par une personnalité dérangée

Selon toi, le problème est que cette représentation alimente le mythe. Cela signfie en somme qu'un réalisateur (ou un auteur, puisque le scénario comme le roman de base sont de l'auteure Gillian Flynn ) doit s'efforcer de prendre non seulement le contexte , mais aussi toute mauvaise interprétation ou sur-interprétation de son oeuvre. Fincher et Flynn doivent s'abstenir de mettre en scène un femme menteuse et manipulatrice, quand bien meme ils ne visent nullement à véhiculer un message ayant une portée genéral , tout simplement car certains risqueraient d'y voir malgré tout un message ayant valeur de maxime. Et en plus, ça fait déjà trop de femmes menteuses au cinéma .

Je suis désolé , mais je ne parviens pas à me faire à cette idée selon laquelle un artiste doit s'autocensurer pour éviter le risque que son message puisse être déformé par la suite. Si on raisonne comme ceci , on peut , comme je le disais à mon précédent poste, appliquer le même type de critique au personnage de Nick. Et je suis certains qu'il y'a des gens qui pourront développer tout un argumentaire selon lequel la représentation de l'homme dans Gone girl est quelque chose de trop courant au cinéma , et que cela ressort d'un phénomène de misandrie très répandu . Reste que dans les deux cas, il n'est absolument pas pertinent selon moi de reprocher à une oeuvre d’être misogyne ou misandre du simple fait qu'elle ne s'écarte pas assez d'une représentation classique au cinéma , ou du fait qu'elle pourrait être utilisée pour alimenter des mythes sexistes. Pour accuser une oeuvre d'une intention misogyne, il faut démontrer une intention misogyne de l'auteur.


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 Sujet du message: Re: Gone Girl
MessagePosté: Sam 7 Fév 2015 10:29 
Ô-Totoro
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Je ne comprends pas trop à qui tu t'adresses, dans la mesure où ni moi ni pif paf n'avons évoqué une quelconque intention misogyne.

Mais oui, un réalisateur peut ne pas prendre en compte un contexte, un système, une récurrence sociétale et mettre en scène ce qu'il veut. Cela ne lui donne pas une immunité contre les critiques sous prétexte que ce n'est pas son objectif.

Mettre en équivalence la misogynie et la misandrie, c'est se méprendre sur le déséquilibre sociétal complet entre les deux, comme si représenter des victimes de misandrie aussi régulièrement que des victimes de misogynies était une façon d'arriver à l'équité entre les genres..

Citation:
Tout ce que cela peut permettre de conclure , c'est que Gone girl n'est peut être au fond pas si original que cela ,ou qu'il ne s'agit pas là du film tant attendu qui libérera Hollywood des clichés sexistes.

C'est déjà chargé comme conclusion.


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 Sujet du message: Re: Gone Girl
MessagePosté: Ven 13 Fév 2015 22:06 
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Tiens! Pour ceux que ça intéresse il y a actuellement dans Plus Belle la Vie un personnage (Alice Ruiz) qui me semble assez directement inspiré par celui de Gone Girl. Je le sentais venir depuis un moment, mais là, c'est confirmé. Avec une variation intéressante d'ailleurs.

Je précise, sait-on jamais: Plus Belle la vie est une série plus subtile dans l'écriture que la caricature qu'on en fait habituellement. Et surtout elle est considérée comme une série "progressiste".

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 Sujet du message: Re: Gone Girl
MessagePosté: Lun 16 Fév 2015 18:22 
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Je tiens juste à préciser que j'abonde largement dans le sens de seleniel, même si je vois très clairement là ou vous voulez en venir leto et pif-paf (d'ailleurs vous expliquez bien les choses c'est plaisant).
Après c'est une lecture du film qui est faite, là où pif-paf voit une inspectrice amoureuse je vois plutôt une vraie détective secondée par un lourdaud qui ne voit pas le hic.
Bref, oui Amy est stéréotypée, mais il y a presque une caractérisation différente pour chaque personnage du film donc bon ...

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