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Par delà le bien et le mal : l'antimanichéisme de One Piece
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Auteur:  xoup [ Sam 21 Déc 2013 12:07 ]
Sujet du message:  Par delà le bien et le mal : l'antimanichéisme de One Piece

Par delà le bien et le mal : l'antimanichéisme de One Piece

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Ca faisait longtemps que je voulais parler de ce sujet qui, je pense, contribue largement au succès de la série : l'anti-manichéïsme de One Piece.

Si vous dites à des gens dans le diner de l'ambassadeur, que vous lisez One Piece et leur faites un résumé rapide vous direz probablement : "One Piece est un manga qui raconte l'histoire d'un garçon, Monkey D. Luffy, qui va parcourir le monde avec ses compagnons afin de devenir le seigneur des pirates".
Mouais pas très accrocheur pour qui ne flirte pas avec le monde des mangas, ou bien a passé l'âge de rêver, ou encore de jouer aux pirates.

Pourtant derrière ce synopsis simpliste se cache un univers d'une richesse immense qui s'est élargi au fil des années et dont la complexité pourrait faire pâlir bien des oeuvres littéraires et qu'on ne peut réduire à "c'est une bande de pirates gentils qui se battent contre des méchants" !
Et dans cette complexité le fait que One Piece est anti-manichéen, et le distingue d'autres shonen à gros tirage, est pour beaucoup ...



Romance Down : où Oda s'attaque aux idées préconçues du lecteur
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Le manga qui commence par l'exécution du seigneur des Pirates s'intéresse dans son chapitre premier à l'équipage de Shanks le Roux. C'est donc lui dont Oda va se servir comme repère de l'image du Pirate pour le lecteur dans un premier temps.
Et quelle-est elle cette première image du Pirate ?
Celle d'un joyeux groupe qui ripaille, rigole et boit beaucoup, portant aux nues la liberté et se moque du petit bout de choux qui rêve de partir à l'aventure.
Jusqu'à la page 16, rien d'anormal, cela colle à l'idée que ce fait à peu près n'importe qui d'un pirate.
Pourtant l'arrivée des brigands et le refus de combattre change la donne. Des Pirates qui refusent le combat et qui rigole de voir leur capitaine "bafoué" ??? Diantre, le lecteur en a pour ses idées reçues, et Oda fait même réagir le petit Luffy à la place du lecteur.
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Qu'est-ce donc que ce manga où les Pirates sont des lâches ?
La page 34 remet les pendules à l'heure avec Lucky Roo qui descend un brigand et Ben Beckamn qui pose la question : "vous croyez qu'on est des anges ?"
Mais pourtant l'action "mauvaise" (la mort de ce pauvre brigand) est faite pour le "bien" (sauver le pauvre petit garçon). Et donc dès le premier chapitre Oda détourne les codes et met le lecteur devant ce choix : et vous quel camp auriez-vous choisi entre les pirates et les brigands ?
Mais, mais ... n'y a-t-il pas une autre voie pour le bien aurait-on pu répliquer ?
Mais bien entendu va nous répondre Oda, d'ailleurs il l'a murmurée : "Les Marines". Et ceux-ci seront très bientôt introduits ...



Roronoa Zoro VS la Marine : ou le renversement de position
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... Hélas là aussi la voie alternative, le bien officiel va en prendre pour son grade dès la première confrontation au lecteur.
Et pour pousser la dérision au maximum, Oda va se servir du futur second de l'équipage Zoro.
Du chapitre 2 je retiendrais donc la phrase d'Abida à propos de Zoro : "the notoriously evil Roronoa Zoro" complété par la description très flatteuse du chasseur de pirates par Coby.
Nous commençons donc le chapitre 3 avec un très très gros a priori sur le futur second de l'équipage.
A priori qui est conforté par la peur que le nom de Zoro suscite chez les habitants de la Base Marine.
Pourtant le gag répété de la panique au seul nom évoqué du colonel Morgan va introduire la relativité du Bien que représente la Marine. Voire même renverser les rôles du bon et du méchant, le colonel cristallisant la révulsion du lecteur et Zoro la sympathie.
Cependant la victoire de Luffy et Zoro se soldera par la libération des soldats de la base de la tyrannie de Morgan et l'intégration du juste Kobby au sein de l'armée. Et ces deux points viendront contrebalancer l'inversion bien/mal en nuançant justement le mauvais côté de la Marine, montrant que le sens de l'Honneur et de la Justice peut se trouver dans les 2 camps.
Ainsi se constitue l'équipage des Mugiwara : le "mal officiel" qui va aider le "bien officiel", un peu à la manière d'un Zorro (avec 2 R ! ) aidant le sergent Garcia, ou bien d'un Batman traqué s'entendant avec Gordon en douce (si je commets des erreurs sur Zorro et Batman, que les zorrophiles et les batmanophiles me corrigent).
Et en sept chapitres, le lecteur, qui sent bien que le Juste se situera dans les actions des Mugiwaras, doit faire une croix sur les repères habituels de Justice sur les futurs protagonistes de l'histoire.
- D'ailleurs cette perte de repères n'est-elle pas représentée par le fait que le capitaine et vice capitaine des Mugiwaras n'ont aucun sens de l'orientation et suivent leur seul instinct ? -


Usopp et Nami : mensonge, vol et trahison au service du bien ???
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Oda défait avec Nami et Usopp une morale que la société nous aurait inculquer sur certaines "valeurs".
D'ailleurs l'image ci-dessus est extraordinaire si l'on se remémorre le dicton "la vérité sort de la bouche des enfants" ! Même Luffy est surpris de la répartie de l'équipage du Grand Capitaine Usopp.
Les mensonges d'Usopp sont bons, ils sont même source d'apaisement pour la douce Kaya qui lutte contre la maladie.
Quant aux vols et aux pseudo-trahisons de Nami, nous en connaissons le but : délivrer son village du joug d'Arlong tout en préservant ses amis d'une telle tâche.
Telle une Robin des Bois, elle dérobe au Mal pour se défaire du Mal. Là encore Oda s'inscrit dans l'anti-manichéisme probablement nourri par la légende de Robert de Loxley ...


Le passage du Baratie : mal traiter le Mal est-ce bien ?
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Le passage sur le restaurant de Zef nous pose la question du traitement du "Mal" par la société.
D'un côté, un Marine propre fortuné et propre sur lui, de l'autre Gin, pirate affamé en haillons. Le contraste est frappant et Oda va s'en servir pour mettre en exergue la question que sous-tend l'arc : a-t-on le droit de laisser mourir de faim un individu aussi condamnable soit-il ?
Bien entendu, le choix honorable de Sanji, et à travers lui de Luffy et des Mugiwaras, va impliquer des complications, mais ce choix est celui de l'être civilisé qui a connu la faim et qui sait qu'il n'est pas acceptable de faire le choix contraire alors même que les clients du Baratie applaudissent Patty.
Citons donc :
Citation:
"On juge du degré de civilisation d'une société à la façon dont elle traite ses prisonniers."
Dostoïevski



Tashigi et Smoker : l'intégrité de la Marine ?
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Jusqu'ici les Marines rencontrés par les Pirates sont de vils et infâmes personnages, et c est aux portes de Grand Line, dans la cité du début et de la fin, Loguetown qu'Oda va faire apparaître l'honneur intact de la Marine - Et Coby direz-vous ? hé bien considérons Coby comme une nouvelle génération et donc un espoir de "salut" pour le bras armé du GM -.
Après 96 chapitres, le lecteur est quelque peu habitué à voir des officier officiels sans scrupules, et les premiers mots qui évoquent Smoker sont, à la manière de ceux employés pour la première description de Zoro, peu flatteurs : "le monstre".
On pourrait donc s'attendre au pire ...
Et les premières images du capitaine ne sont guère plus rassurantes : première apparition de son visage de face, plutôt effrayant dans l'ombre et ses hommes qui sont pétris de peur face à lui.
Mais une fois encore Oda prend son lecteur à contrepied avec la scène de la glace qui montre toute la bonté du chasseur blanc, qui renverse toutes les idées que nous pouvions nous faire sur le personnage.
L'épisode de Tashigi (au delà de créer un lien avec Zoro) qui la décrit comme une personne soucieuse du respect du Bien, permet aussi à Oda de défendre envers et contre tous (brigands ou commerçants) Smoker par la voix de son bras droit.
A la fin de la chasse aux pirates, Smoker et Tashigi montrent quelques signes de non conformisme aux valeurs d'ordre de l'armée - non conformisme que l'on retrouvera à Alabasta -
Ainsi Oda lance-t-il après les Mugiwaras deux justiciers qui semblent "alternatifs" et dont on peut sentir le sens de l'honneur plus présent que celui du devoir envers l'uniforme.
Pour résumer grossièrement l'histoire à ce point : d'un côté des Pirates gentils, de l'autre des Marines méchants mais aussi des Pirates méchants et des Marines Gentils ... hmm hmm.
Nous entrons donc sur Grand Line exactement comme la boussole : déboussolés par les repères habituels de Bien et de Mal, la frontière dans le monde de One Piece n'étant clairement pas définie et semblant varier au fil de l'eau ...





J'espère avoir introduit correctement le sujet avec ce que j'en ai pu voir jusqu'à l'arrivée sur Grand Line.
Il reste plein de points à évoquer, que ce soit les autres membres d'équipage recrutés, ou bien les "méchants" qui font semblant d'être "gentils" (Crocodile, le CP9, etc... ), l'intéressant Donquixote Doflamingo qui actuellement occupe tous les esprits, ou encore le duo Akainu-Aokiji, sans oublier bien sûr le cas Barbe Noire ...
En espérant lancer le débat ...

Auteur:  anto [ Ven 23 Mai 2014 12:04 ]
Sujet du message:  Re: Par delà le bien et le mal : l'antimanichéisme de One Pi

Ce qui passionne dans ce débat c'est que chaque personnage semble porter sa propre justice, et qu'aucune ne semble prendre le pas sur celle des autre, ce qui donne un univers d'une richesse incroyable.

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La suite du discours : "Whoever wins this war becomes justice"


Autrement dit, le bien et le mal n'existent pas, l'anti-manichéisme est total. Je sais pas si la vision de Doflamingo peut vraiment s'étendre à tout le manga, mais en tout cas on est bien obligés d'admettre qu'aucune justice ne prévaut sur celles des autres puisqu'au "top" justement il y a plusieurs puissances et plusieurs justices : le monde est gouverné par la marine, les pirates et par les révolutionnaires.

Sur la caractérisation, Oda s'est essayé au western et ça se voit. Beaucoup de personnages sont des variations du Lone Ranger , allant d'îles en îles et agissant selon leurs convictions sans prendre en compte de la loi en place : Aokiji qui laisse Robin s'enfuir, et qui laisse vivre Luffy, ou à l'inverse Akainu qui massacre la population d'Ohara malgré les consignes. On peut trouver d'autres exemples : Smoker, Mihawk, etc, etc...

C'est avant tout une question de force : la justice peut-elle se passer de la force ? Dans les faits non, et dans One Piece non plus, combiné au lone ranger et à l'univers insulaire cela donne une équation simple : la justice des plus forts sur le plus faible. Seul celui qui est tout en possède vraiment la justice, comme l'a dit Doflamingo. Et aussi seul celui qui est tout en haut est "libéré" de la justice des autres :
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Le roi des Pirates est l'homme le plus libre au monde
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Luffy deviendra le Roi des Pirates donc Luffy pourra théoriquement imposer sa justice aux autres, mais maintenant en a-t'il les moyens ? Luffy me fait penser à Gon, il est complètement transparent, ça semble irréconciliable avec une justice (même si il peut agir en faveur de celle-ci). Selon moi la réponse à tout ce débat est ailleurs, hors des notions de justice : elle naîtra de la capacité qu'à Luffy à se faire des amis.

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La capacité la plus dangereuse de l'Océan


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xoup a écrit:
Pourtant le gag répété de la panique au seul nom évoqué du colonel Morgan va introduire la relativité du Bien que représente la Marine. Voire même renverser les rôles du bon et du méchant, le colonel cristallisant la révulsion du lecteur et Zoro la sympathie.

Pour Zorro je trouve ça plus nuancé encore, comme pour chaque mugi, il dit aussi au même moment :
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Voilà, je sais que j'ai rien dit de vraiment transcendant mais j'espère avoir lancé le débat pour de bon, il y a plein de chose intéressantes à dire !

@xoup pile au moment où tu avais posté ton sujet je voulais faire à peu près la même chose, sur le coup tu m'avais complètement grillé la politesse ^^

Auteur:  Edgar kent [ Mar 1 Juil 2014 17:32 ]
Sujet du message:  Re: Par delà le bien et le mal : l'antimanichéisme de One Pi

Excellent article. Cet aspect de One Piece et de son univers est pour moi l'un des plus intéressants, et ce qui fait de cette série quelque chose de bien plus 'profond' qu'un simple shonen à la Naruto.

Auteur:  Vishnou [ Lun 24 Aoû 2015 06:23 ]
Sujet du message:  Re: Par delà le bien et le mal : l'antimanichéisme de One Pi

Edgar kent a écrit:
Excellent article. Cet aspect de One Piece et de son univers est pour moi l'un des plus intéressants, et ce qui fait de cette série quelque chose de bien plus 'profond' qu'un simple shonen à la Naruto.


Bien au contraire, il n'y a pas vraiment de manichéisme dans Naruto.
Le vécu et l'expérience des personnages sont la raison de leur agissement.
Par exemple, le désespoir qu'a vécu Nagato Uzumaki étant jeune, le pousse à vouloir imposer une paix fondé sur la peur en utilisant les bijuu comme des moyens de dissuasions, comme le système d'arme nucléaire de nos jours.
Quant à Danzo Shimura, un ninja devrait être dépourvu d'émotions afin de mieux servir le village, pour l’intérêt général car selon lui succomber à ses émotions c'est beaucoup de regret par la suite.
Certes il agit de façon immorale mais ce n'est pas par pure méchanceté.
La perte des êtres chers de Sasuke le fait sombrer petit à petit dans une haine envers ceux qui sont la source de son malheur etc...
Au niveau de cela, le manga Naruto est assez profond.

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