NIGHTMARE 4 :
Bienvenu chers accros d'hémoglobine! Comme vous le voyez, aujourd'hui je porte juste un slip, une zolie cape et un beau masque avec des flammes dessus. Que pensez-vous de mon nouveau look? En fait aujourd'hui est une soirée un peu spéciale pour moi car j'abandonne la présentation de cette émission pour suivre mon meilleur cauchemar. Je deviens catcheur... Désormais je ne suis plus le Cryptkeeper mais "El esqueleto magnifico" UAK UAK UAK !! La lucha libre, avec ça a moi les fractures et tout le toutim ! UAK UAK UAK !! Le pied ! Bon je vais y aller, mon premier match va bientôt commencer. Et j'adore la compétition. Tout comme le héros de notre histoire d'ailleurs. Mais Lui, il ne se sali pas les mains. Cette histoire s'intitule :
"LE MEILLEUR AMI DE L'HOMME"
(Original Story by Shadow Gate)
Stan Forlane décrocha son téléphone de bureau en regardant sa montre d’un air distrait. C’était un homme d’une trentaine d’année à l’air sec et au visage sérieux. Il portait une paire de lunette rectangulaire et ses cheveux noirs étaient parfaitement brossé, ce qui, combiné à son élégante allure vestimentaire, indiquait un homme de bon goût, propre sur lui. Il mâchonnait encore le bâtonnet de bois d’une crème glacée qu’il avait mangé comme dessert au restaurant d’entreprise, ce midi. Il était cinq heures, et il ne lui fallu pas attendre plus de deux sonneries pour que Debby, son épouse, décroche le combiné à l’autre bout de la ligne.
-Allo, chérie ? Écoute j’ai un peu de travail en retard alors je me suis dis que j’allais rester un peu plus tard au boulot histoire de rattraper tout ça ?
-Encore ? Mais… Stan, c’est déjà la quatrième fois en deux semaines.
Stan haussa les sourcils face au ton de méfiance qu’il perçut dans la voix de sa femme. Il décida de tourner en ironie ses inquiétudes.
-Allons, ne va pas t’imaginer que je te trompe. Si je prends suffisamment d’avance, j’aurai peut être mon Vendredi pour une fois.
-Bon, très bien… si c’est important pour toi, lui répondit-elle dans un souffle de déception. A quelle heure seras-tu à la maison ?
-Pour vingt heures au plus tard, je te le promets !
-Bien… alors je t’attends. Je t’embrasse mon amour.
-Oui, oui, je t’embrasse aussi.
Stan raccrocha le combiné avec une expression de soulagement et se redressa immédiatement en saisissant sa veste au portemanteau mural situé derrière lui. Un sourire imprimé sur le visage, il se dirigea d’un pas guilleret vers le poste de pointage, adressant au passage quelques salutations à ses collègues, encore afférés à leurs ordinateurs pour la plupart, d’autres plongés dans de grandes conversations téléphoniques. Stan se saisit de sa carte et la passa au dans la machine. Un « clic » magnétique se fit entendre et au même instant un homme trapus, plus petit que Stan d’au moins une tête, mal rasé et portant de grosses lunettes surgit sur son côté en le saluant gaiement, manquant de peu de faire subir une crise cardiaque à son interlocuteur.
-Bon sang Ted ! Rétorqua Stan en portant sa main sur son cœur. Tu m’as foutu une peur bleue.
-Désolé, mon vieux. J’ai entendu ta conversation avec Debby.
-Encore des oreilles baladeuses ? Lui demanda Stan en ricanant.
-Bah, mon poste est juste derrière le tiens, j’ai pas à me forcer. Mais j’ai cru comprendre que tu allais y retourner ce soir ?
Stan jeta un regard de droite à gauche pour vérifier que personne n’écoutait la conversation, tout en faisant signe à Ted de baisser d’un ton.
-Parle moins fort… oui, j’y vais ce soir. Je t’attends ?
-Euh… si tu veux, oui. Ça me plairait bien d’y aller ce soir. Je finis dans vingt minutes.
-Ok, je vais prendre un café en t’attendant, répondit Stan en regardant une nouvelle fois sa montre.
Ted se détourna de lui en lui faisant un clin d’œil et retourna d’un pas un peu gauche en direction de son bureau. Stan reposa sa carte de pointage sur l’étal et se dirigea vers l’espace détente à deux couloirs de là. La nuit commençait déjà à tomber derrière les fenêtres embués de l’entreprise, l’hiver arrivait, faisant décroître le jour ainsi que la température. Le chauffage carburait déjà à plein régime et Stan avait un peu chaud. L’espace détente était désert, il posa donc sa veste et sa mallette sur une banquette avant de se diriger vers la machine à café. Une pièce dans le collecteur et il sélectionna un macchiato, semblant apprécier avec délectation le bruit brut et caractéristique que produisait la machine au moment de la conception. Mais soudain, quelque chose d’anormal se produisit, la machine se mit à vrombir violemment et à produire une éructation des plus surprenante. Stan eut un mouvement de recul en entendant jaillir des entrailles de l’appareil ce qui ressemblait réellement à un furieux grognement animal. Soudain tout s’arrêta. Stan se secoua la tête, persuadé qu’il avait halluciné.
-Je dors pas assez ces derniers temps moi.
Il s’avança vers la machine d’un air détaché, mais ses gestes étaient craintifs, comme s’il s’attendant tout de même à ce qu’il se passe quelque chose d’anormal. Rien ne se produisit, et il récupéra son gobelet fumant sans soucis. Un sourire ironique aux lèvres, il se moqua intérieurement de son imagination débordante et porta le gobelet à ses lèvres. Le liquide qui envahit alors sa bouche n’avait rien d’un bon café mousseux. Épais, gluant, avec un arrière goût rance et poissonneux, ce breuvage ne resta pas longtemps à l’intérieur car il le recracha avec un air de dégoût affligé.
-Eh ben ? Ça se voit que c’est pas toi qui nettoie !
Ted venait d’arriver dans l’espace détente, une épaisse veste brune sous le bras et avait assisté à cette scène des plus surprenantes. Stan se redressa, l’air confus, et balança le gobelet encore plein dans la poubelle en s’essuyant la bouche, une expression de profond dégoût toujours imprimée sur le visage.
-Faudra faire un mot à l’administration, la machine déconne. Elle a fait un bruit d’enfer et en plus le café est absolument abject. On dirait limite de la bave ou j’sais pas quoi.
-T’es sûr ? J’ai été prendre un café tout à l’heure et il était très bon…
-Je sais ce que je dis, Ted ! Rétorqua Stan, visiblement blessé que son collègue ne se montre pas plus impliqué dans son petit malheur.
-D’accord, d’accord. Bon alors je vais prendre un café à mon tour et on va voir ça.
Ted porta une pièce à la machine et appuya à son tour sur le bouton macchiato. La machine se mit à vrombir doucement en produisant ses sons habituels qui firent sourire le débonnaire collègue de Stan. Quelques secondes plus tard le café était prêt et Ted retira le gobelet de la machine et le porta à sa bouche sans montre une once d’hésitation. Deux gorgées plus tard, il le rabaissait en affichant un sourire de réconfort à l’intention de son ami.
-Tu as sans doute eu une fausse impression, il est très bon.
Stan ne su quoi répondre. Il plaqua ses doigts contre ses yeux et frotta ses paupières un instant. Il repensa à ce qui venait de se produire et un vague sentiment de culpabilité, qu’il ne pouvait expliquer, se mit à l’envahir. A bien y réfléchir, ce qu’il avait ingurgité ne lui avait laissé qu’un goût de café en bouche… au moment de commander son café et de le boire, il était en train de penser à autre chose… à une chose qui l’avait sans doute perturbé et avait confondu ses sens. Il avait pensé à ses activités nocturnes, celles auxquelles il allait encore s’adonner ce soir.
-J’en ai perdu tellement ces derniers temps…
-De quoi ? demanda Ted d’un air distrait en finissant son café. L’argent des paris ? Tu es dans le rouge ?
-Non, non… je parle de mes combattants…
-Ah, c’est ça qui te perturbe ? Bah c’est un milieu dans lequel il faut s’attendre à laisser quelques plumes. On ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs.
-Tu dois avoir raison… je m’en fais trop pour pas grand-chose.
-Ouais, et on ferait mieux d’y aller si tu dois être rentré pour huit heures. On n’aura pas le temps d’en profiter sinon.
Stan hocha la tête et alla récupérer ses affaires sur la banquette. Il rejoignit ensuite Ted qui l’attendait déjà prêt de l’ascenseur.
-Tu as beaucoup à miser ce soir ? lui demanda discrètement ce dernier.
-Pas plus de trois cent dollars. Mais j’ai acquis une nouvelle bête avant-hier… une valeur sûre, paraît-il.
-Ah ? J’ai hâte de la voir en action alors… je vais tout mettre dessus.
-C’est gentil à toi de me faire confiance. Mais t’es pas forcé.
-Boarf, rétorqua Ted en haussant les épaules, affichant un sourire confiant, de toute façon ça reste toujours aléatoire, alors autant que j’suive mon instinct.
L’ascenseur s’ouvrit et ils pénétrèrent dedans en continuant à papoter, la conversation déviant sur des banalités de leur vie de bureaucrates et gratte-papiers.
Une trentaine de minutes plus tard, Stan stationnait sa voiture dans une ruelle déserte un peu à l’écart du centre ville. Dénué d’éclairage, humide et sale, ce coin ne semblait pas des plus fréquentable. Les poubelles étaient renversées, déversant des ordures ça et là, les murs étaient de brique rouge, décrépis, c’était une zone délaissée et insalubre. Stan et Ted quittèrent le véhicule et s’avancèrent dans la ruelle sans montrer le moindre signe d’inquiétude, se dirigeant de manière naturelle droit vers un bâtiment large et à moitié en ruines où quelques lueurs émanaient par les fenêtres teintées de noir à la bombe de peinture. Stan poussa la porte et fit face à un type grand et chauve, au visage recouvert de piercings. L’air dur qu’il affichait ne semblait être qu’une façade, car au premier sourire que lui offrit Stan, il éclata d’un rire gras et lui serra vigoureusement la main.
-Ah bon sang, Stan, content de te voir ce soir ! Y a du lourd.
-Salut Boris. Du lourd ? Takahine est là ?
-Bingo. C’est le bon soir si tu veux prendre ta revanche.
Stan lui offrit un clin d’œil et le contourna d’un air enjoué tandis que Ted lui serrait à son tour la main et commençait à parler de tout et de rien avec lui. Semblant connaître les lieux comme sa poche, Stan emprunta une des nombreuses portes de fer qui agrémentait ce couloir délabré d’usine abandonnée. Il pénétra dans une pièce obscure, complètement plongé dans la pénombre et tâtonna sur le côté de la porte afin de trouver un vieil interrupteur de minuterie. Lorsqu’il l’activa, baignant la salle d’une faible lumière vacillante, il dû faire face à une marée d’aboiements paniqués et furieux, émanant de partout. La salle était remplie d’une vingtaine de cages basses dans lesquelles de gros chiens étaient enfermés, ayant à peine la place pour bouger. Remuant la queue ou montrant les dents, ils aboyaient d’un air furieux, ou jappaient de joie à la vue d’un visiteur. Visiblement, cela devait faire un moment qu’ils étaient là, enfermés dans ces ridicules cages. De nombreuses plaies lacéraient leurs membres, preuves de maltraitances diverses et variées, et leurs corps étaient extrêmement amaigris, même si particulièrement musclés. Stan sembla chercher un animal en particulier et lorsqu’il le repéra, il s’avança directement vers lui d’un air confiant. La bête était si imposant qu’elle ne pouvait tenir debout dans sa cage. C’était un magnifique Rottweiler croisé Doberman à la mâchoire proéminente et au beau pelage noir. Une énorme cicatrice partait de son oreille droite jusqu’à sa bajoue, passant par sur son œil clôt à jamais.
-T’es un vétéran, toi… hein, Le Borgne ? Tu vas pas me claquer entre les pattes comme tous les autres ?
Le chien se contenta d’un grognement dédaigneux pour toute réponse, tentant pathétiquement de remuer dans sa cage trop petite pour lui. Dans un couinement de douleur, il se laissa retomber couché, ne pouvait tenir autrement.
-Ça oui, tu vas gagner pour moi. Tu vas massacrer le champion de Takahine, pas vrai ?
-Je serai toi, je ne conterai pas trop là-dessus, Forlane-san.
Stan se redressa immédiatement, surpris par cette voix à l’accent prononcé qui avait surgit de derrière lui. Il se retourna pour faire face à un petit homme maigre d’origine asiatique, engoncé dans un magnifique costar de chez Armani. Tout en lui montrait une opulente richesse et une grande fierté. Malgré sa petite taille, il faisait preuve d’une prestance et d’une classe qui replaçait immédiatement Stan en sa position d’être inférieur.
-Takahine. Tu es venu me souhaiter bonne chance ?
-Ne rêve pas trop, Forlane-san. Tu n’es qu’un petit joueur. Ça ne fait pas six mois que tu es entré en lice, et voilà déjà que tu te viens me provoquer avec tes bâtards de seconde zone. Reste à ta place.
-Moi aussi j’adore discuter avec toi, lui rétorqua Stan avec un air dédaigneux. C’est vrai que je ne pratique pas cette activité depuis aussi longtemps que toi, mais j’adore ça, ça me rend dingue. J’en suis furieusement accroc, mon café n’en a plus le même goût ! Et je n’abandonnerai jamais.
-Ça je le sais bien. Il n’y a qu’un drogué du jeu qui serait capable d’insister avec autant de hargne alors qu’il a déjà perdu six bêtes et plus de treize mille dollars.
Takahine regarda par-dessus l’épaule de son interlocuteur afin de contempler l’objet de sa si soudaine confiance. Ses yeux se posèrent sur Le Borgne et il manqua de peu d’éclater d’un rire moqueur.
-Laisse moi rire, c’est avec cette antiquité que tu compte battre un de mes molosses ?
-J’y compte bien. Je mets cinq cent sur sa tête, et Ted a déjà promis trois cent à son tour. Qui sait ? Peut être que la somme va induire d’autres paris. Cette fois j’ai confiance.
-Oh non, Forlane-san… tu crois qu’une si petite mise va induire beaucoup d’adhérents en erreur ? Ils savent que mes chiens sont les plus féroces et combatifs de toute la ville. Je te réserve Inugami, ma meilleure bête, histoire de te faire entrer une bonne fois pour toute dans le crâne qu’on ne joue pas dans la même catégorie.
Takahine mit un point final à la conversation en hochant la tête d’un air dédaigneux. Les mains jointes dans le dos, il se détourna de Stan et se dirigea vers la sortie du stock, croisant Ted sur son chemin. Ce dernier, l’air pataud, se dirigea vers Stan en masquant son inquiétude par un sourire maladroitement forcé.
-Takahine avait l’air en colère, pas vrai ?
-Peu importe… s’il est venu me voir directement, c’est que cette fois-ci il s’inquiète.
Ted hocha la tête, tentant de se rassurer lui-même en avalant les paroles de son ami comme de l’eau de source. Son regard se porta vers Le Borgne qui releva mollement la tête en sa direction.
-Alors voilà ton fameux champion… il a l’air costaud.
Ted plissa les paupières, fixant le molosse droit dans son unique oeil. Ce dernier ne broncha pas, le regard sombre, la bouche close, un long râle se transformant progressivement en grognement montant du plus profond de ses entrailles. Une étrange lueur traversa le regard du chien, happant d’autant plus l’attention de Ted, qui laissa mollement retombé sa mâchoire inférieure, comme hypnotisé. Stan sembla surpris de la pose fixe qu’opérait Ted fac à la cage. Un petit filet de bave se mit à couler de la bouche de ce dernier, ce qui acheva d’inquiéter le propriétaire du chien. Stan saisit son ami par les épaules et le redressa, tentant de lui faire retrouver ses esprits.
-Hey, Ted !! Ça va pas ?
Ted secoua sa tête de droite à gauche, ses yeux reprenant leur mobilité. D’un geste maladroit, il s’essuya le menton, semblant aussi surpris que son ami de ce qui venait de se passer. L’air encore ahuri, il rassura Stan d’un geste de la main et reprit son souffle.
-Excuse moi, je ne sais pas ce qui s’est passé, déclara-t-il en déglutissant, le teint encore pâle. Ce chien… il a un regard qui vient tout droit de l’enfer.
Stan parut surpris et reporta ses yeux sur son molosse qui tourna une tête surprise vers lui, baissant ses oreilles en arrière d’un air d’incompréhension. Même dans ces moments passifs, il subsistait sur sa gueule une trace de malice et d’agressivité, accentué par cette improbable cicatrice qui lui avait donné son nom.
-Il porte en lui tous mes espoirs…
-C’est comme-ci... je sais pas. Dans son regard, on dirait qu’il porte la mémoire de tous tes anciens chiens.
-C’est pas le genre de choses qui me prêtent à sourire, Ted. Je perds des chiens et je perds de l’argent… si Le Borgne n’assure pas mes arrières, cette fois je suis foutu.
Le Borgne releva la tête vers Stan. On pouvait lire sur sa face meurtrie une sorte d’amour incompréhensible pour ce maître insensible. Il se montrait d’une gentillesse et d’une fidélité sans faille avec lui, malgré les mauvais traitements qu’il recevait en retour. Stan, à force d’avoir travaillé avec ce chien, avait fini par le comprendre et n’hésitait jamais à abuser de cette confiance. Il avait ressenti ça avec tous ses chiens, et même s’il avait fini par tous les mener à leur perte, il ne l’avait jamais ressenti aussi fort qu’avec Le Borgne.
Une demi-heure plus tard, Stan et Ted avaient rejoints la salle de combat dans le hall principal du bâtiment. Une arène circulaire était aménagée en contrebat d’une ancienne cuve à fonte, restes figés dans le temps des ruines d’une usine de métallurgie à l’abandon. Des fils barbelés encadraient les bords de la cuve, sensés empêcher les chiens trop excités d’atteindre le public. Une quarantaine de personnes se trouvait autour. Ce public hétéroclite braillait et discutait à tout va, souvent dans des cris et de grands mouvements des bras. L’argent passait par liasses de mains en mains jusqu’à atterrir sur la table du gérant des paris. Un combat faisait déjà rage au fond de la cuve : deux énormes chiens noirs aboyaient et grognaient, flanquant coups de pattes et morsures à leur adversaire. De nombreuses blessures étaient apparentes sur leur pelage et il en suintait de grosses volutes de sang. Bien vite l’un des deux molosses prit l’avantage, traînant l’autre à terre. Le maître de ce dernier cria l’abandon de son poulain, mais hélas pour lui son chien était déjà mort. Stan alla déposer ses paris et ceux de Ted et se dirigea sur le bord de l’arène. Face à lui, de l’autre côté, Takahine le dévorait d’un regard arrogant empli de haine. Le gérant des paris se redressa et attendit que l’arène soit évacuée avant d’attirer l’attention en levant les bras.
-Bien ! Prochain affrontement et évènement majeur de cette soirée : Le Borgne de Stanley Forlane contre Inugami de Tetsuho Takahine.
De grandes exclamations résonnèrent dans l’assemblée tandis que les cages des deux animaux qui allaient s’affronter étaient acheminées dans l’arène. Inugami était un immense Pitbull de couleur crème. Sa férocité se marquait sur chacun de ses traits, ses aboiements étaient puissants, ses muscles tendus à l’extrême. On sentait toute l’agressivité que le maître avait insufflé à sa bête par un entraînement à base de maltraitances, d’affamement et de mises à l’épreuve constantes. Face à lui, Le Borgne avait l’air plus usé et bien plus calme, même s’il se dégageait de lui une inquiétante impression de méchanceté et de hargne. Tandis que les cages étaient placés face à face au fond de la cuve, Ted se pencha en avant, les yeux exorbités, suant à grosses gouttes.
-Si tu gagne ce soir, ta renommée est faite, Stan.
-Oui… si je gagne.
Alors qu’il lâchait ses mots, on fit ouvrir les cages. Les deux molosses bondirent or de leur prison avec une violence inouïe, Inugami l’envoyant carrément voler en arrière sous la puissance de son impulsion. Les deux corps se rencontrèrent avec une férocité sans égale, les chiens ne perdant pas une minute pour se mordre avec force dans l’unique but de tuer. Le Borgne perdit presque immédiatement une oreille, ce qui fit d’autant plus croître sa hargne. Les morsures du Pitbull étaient plus nombreuses, mais celles du Borgne semblaient avoir plus d’impact. Le pelage noir du chien de Stan ne laissait pas transparaître de la gravité de ses blessures, mais bien vite la robe crème d’Inagumi était presque entièrement tintée de rouge. Takahine n’avait pas l’air très satisfait des prestations de son combattant car la situation tournait à son désavantage. Le Borgne, recouvert de morsures et saignant de toutes parts, refusait de tomber à terre et de mourir, faisant preuve d’une résistance aussi incroyable qu’inquiétante. Finalement, dans un râle grossier, Inagumi rendit son dernier souffle, les crocs de son adversaire plantée en travers de la gorge. Des cris véhéments jaillirent de toutes parts dans le public tandis que Takahine hurlait en japonais des injures et secouait les bras avec véhémence. Ted hurla de joie et Stan ne pouvait s’empêcher d’admirer son combattant qui, le souffle court, le sang ruisselant de son corps, ne semblait pas voir sa soif de violence s’apaiser.
Sans que personne n’ai le temps de réagir, Le Borgne gravissait en deux bonds la pente de la cuve et s’emplafonnait dans les barbelés, droit devant Takahine, qui fit un bond en arrière. S’arrachant littéralement des morceaux de peau et de chair, semblant ignorer la douleur, le chien aboyait et vociférait en tout sens, finissant par détacher le barbelé dans son effort. Le molosse fondit sur Takahine et le mordit directement à la gorge. Les hurlements de joie et de surprise du public se transformèrent immédiatement en cri d’horreur tandis que des volutes ensanglantées jaillissaient de toutes parts. Il était impossible que Le Borgne puisse encore tenir debout, son corps tout entier n’était qu’une plaie ensanglantée, et pourtant il entraînait le japonais dans la mort avec lui, arrachant la gorge de ce dernier d’un coup de dents à la puissance inouïe. Les mains sur la bouche, Ted resta interdit, tandis que Stan faisait le tour en courant, se frayant un passage dans la foule affolée pour atteindre Takahine. Il avait bien l’intention de venir en aide à son rival, mais il était trop tard. Takahine gisait dans son sang, dans un état de délabrement proche de celui d’Inagumi, qui reposait au fond de la cuve.
Le Borgne se retourna d’un air satisfait vers son maître, un regard empli de confiance rencontrant un regard horrifié. Stan ne su comment réagir. Face à lui se tenait ce chien, tellement mutilé que sa survie était tout simplement aberrante, ce chien meurtrier qui venait de massacrer un homme, et ce chien lui offrait un regard doux et confiant, un regard de chienchien à sa mémère. Il n’y avait pas d’autre moyen pour Stan : se saisissant d’un bâton électrifié destiné à contrôler ce genre de situation, il approcha d’un pas calme de son animal qui le regardait venir sans broncher, remuant gentiment de la queue. Dans l’œil unique du Borgne se refléta l’acte traître et criminel de son maître à qui il avait offert plus que sa fidélité. Le bâton se planta violemment dans le flanc de la bête et y déchargea une importante quantité d’électricité. Le Borgne fut projeté en arrière, convulsant son le choc et couinant de peur et de désespoir, témoignant pour la première fois la douleur qui lui parcourait tout le corps. L’animal, bien trop faible, n’eut pas besoin d’une seconde décharge pour rendre l’âme.
Stan tomba à genou, les larmes aux yeux, tandis qu’autour de lui tout le monde se lançait des regards empli d’incompréhension.
Il fallu plusieurs jours à Stan pour commencer à se remettre de l’expérience traumatisante qu’il avait vécu. Pour faciliter sa remise en forme, il avait prit une semaine de congé, prétextant à sa femme qu’il avait trop travaillé ces derniers temps et qu’il avait besoin de passer des instants privilégiés avec elle. Le vendredi soir qui suivit, Stan était en train de couper des tomates dans sa cuisine lorsque le téléphone sonna. Il décrocha le combiné et reconnu la voix de Ted.
-Salut Stan. Alors, tu te remets ?
-Bah… j’essaye du moins, je me repose… répondit Stan de la voix la plus convaincante qu’il pouvait invoquer, j’essaye de ne plus y penser, mais quelque part, ça me reste.
-Je comprends, moi aussi ça me travaille. Pas seulement pour Takahine, mais surtout pour Le Borgne.
-Sans vouloir t’offenser, Ted, j’aimerai ne pas parler de ça.
-Écoute, tu pourrais passer au bureau ce soir ? J’ai besoin que tu me rapporte le dossier Wilson, c’est toi qui l’as gardé.
-Quoi ? Ce soir ? Rétorqua Stan d’un air râleur en jetant un coup d’œil rapide à sa montre. Mais il est presque dix neuf heure trente ! Qu’est ce que tu fais encore au bureau ?
-J’avais du travail en retard… du travail à rattraper.
-Ok, je vais passer…
-Je t’attends à l’espace détente.
Ted raccrocha sans ajouter un mot. Stan fut surpris de la froideur avec laquelle son ami lui avait parlé, mais il supposa qu’il devait être fatigué. Il prévint sa femme et récupéra le dossier Wilson dans ses affaires avant de se rendre au bureau. Il arriva sur place aux environs de vingt heures et fut surpris de voir qu’il n’y avait aucune lumière allumée dans les bureaux.
-Ted ? Tu es là ?
Il n’y eut aucune réponse. Tout était calme et plongé dans la plus parfaite pénombre. La porte était pourtant ouverte, preuve que quelqu’un était bel et bien présent. Stan haussa les épaules et se décida à se rendre à l’espace détente, s’attendant à y trouver Ted. Cette zone aussi était plongée dans le noir, mais Stan s’avança d’instinct, connaissant parfaitement les lieux. Soudainement, il trébucha sur quelque chose et s’étala de tout son long dans un cri de surprise.
-Bordel, c’est quoi ça encore ?
Stan se redressa et chercha l’interrupteur de la main, en prenant appui sur la banquette. Il s’était fait mal à la cheville en retombant. Il fit pression sur l’interrupteur et la lumière lui fit découvrir avec horreur ce sur quoi il avait trébuché. Ted était allongé par terre, la bouche entrouverte, les yeux fixés au plafond dans une expression de terreur. De nombreuses marques de morsures recouvraient ses bras, et sa gorge était déchiquetée, laissant s’écouler au sol une vaste flaque de sang dont la moquette s’était imprégnée. Stan se jeta en arrière en poussant un cri d’horreur, tentant de s’éloigner du cadavre en des gestes paniqués et incohérents.
Il n’avait plus les idées claires, mais il remarqua tout de même l’odeur qui imprégnait l’atmosphère. Une odeur de vieille pourriture, de charogne, lui piqua les narines, manquant de peu de le faire vomir. Un grognement attira alors son attention sur le côté droit de la pièce. Devant la machine à café se tenait une créature ignoble, qu’il reconnu néanmoins au premier coup d’œil : c’était Le Borgne. Sa cicatrice était toujours présente, même si son autre œil pendant à présent hors de son crâne à travers son nerf optique. Tout son corps n’était qu’une charogne brinquebalante recouverte ça et là de quelques touffes de poils crépus et sales. Tout le reste n’était que chair et muscles à vif, rongés par les vers. Ses os étaient visibles par endroits et de sa gueule s’écoulait une quantité impressionnante de bave mêlée de sang. Un nuage de mouches lui tournait autour, produisant un son bourdonnant et inquiétant.
Stan avait la gorge sèche, n’en revenant pas de ce qu’il avait sous les yeux, ne pouvant y croire. Il recula tant bien que mal jusqu’à se retrouver acculé contre le mur. Le Borgne tourna la tête vers lui et émit tout d’abord un couinement dans lequel Stan cru entendre avec certitude l’expression d’une profonde et inaltérable tristesse. Stan ne savait pas comment réagir, il restait interdit, coincé entre l’effroi le plus total et les regrets qui le hantaient depuis trop longtemps.
-Je suis désolé, mon chien… vraiment désolé… j’avais en moi tous ces regrets depuis longtemps, ils avaient envahis mon quotidien… dans chacun de mes gestes, dans tout ce qui m’entourait… je voyais les signes de ma faute. Mais je ne pouvais pas m’arrêter, la fièvre du jeu et…
De multiples grognements parvinrent aux oreilles de Stan, provenant d’autres points de la salle. De derrière la banquette, de la salle des photocopieuses, du couloir d’accès au bureau. D’autres cadavres putréfiés de chiens firent leur apparition, certains dans un état de délabrement tel qu’ils ne ressemblaient plus qu’à des squelettes moribonds auxquels pendaient misérablement quelques morceaux de peau putride. Malgré leur décomposition avancée, Stan reconnu chacun d’entre eux : c’étaient tous les anciens chiens qu’il avait eu avant Le Borgne, tous ceux qu’il avait employé pour lutter contre Takahine, renverser ce rival invincible qui l’empêchait de devenir le numéro un des deathmatch, et qui avaient tous donné leur vie pour réaliser ce souhait. Il avait investi ce rêve de gloire, cette folie insensée, dans chacun de ses chiens et ils l’avaient tous servis avec loyauté et force… jusqu’au Borgne, qui avait été au bout du souhait réel de Stan : voir disparaître Takahine et prendre sa place.
Stan déglutit bruyamment. L’odeur qui se dégageait de ces créatures était absolument insoutenable. Le Borgne commença à s’avancer vers Stan, doucement, continuant à couiner de manière triste, puis il s’arrêta à deux mètres de lui environ. Les autres cadavres de chien contemplaient la scène en grognant et en bavant. Le Borgne baissa doucement la tête et poussa un nouveau râle. Les couinements produits par la créature putréfiée changèrent alors pour laisser place à un grognement des plus menaçants. La bête se redressa sur ses pattes et bondit, tous crocs dehors, droit vers son ancien maître, camouflant sous des aboiements dégénérés ses cris d’horreur.
____________________________________
UAK aïe UAK UAK aïe ! Ahlala Stan, encore une étoile filante de la célébrité. Finalement, il ne sera pas resté numéro 1 très longtemps. Son chien, il aurait mieux fait de le gaver au susucre qu'au sansang !! UAK UAK AÏE !! Shadow Gate ! Je t'ai déjà dit que t'était pas assez brusque, j'ai a peine ressenti la douleur... Qui c'est? C'est mon soigneur attitré, ancien bourreau à Sing Sing et auteur de l'histoire que je viens de vous conter. Ah et je dois vous dire que j'abandonne mon cauchemar de Lucha Libre. Je me suis pris la pâté par "El pequeno Mosquito". Encore une étoile fauchée en pleine gloire. Bof tant pis, au moins j'ai le doux malheur de mettre fait plié en quatre pour de vrai !!! -En cinq plutôt, première fois que je vois quelqu'un avec la tête et les genoux touchant le cul... -Quand je vous le disait que je m'était bien marré ! UAK UAK UAK !!! Aller, a la prochaine si on arrive à me décoincer !!!
PS : Un grand merci à l'auteur, le premier qui a été publié dans ce projet ^^
_________________ C’est en creusant sa tombe que KDZ est tombé sur les règles du forum et une horde de zombies assoiffés de cervelles .
|