Tout le monde a, un jour ou un autre, plié machinalement une chute de papier ou un ticket de métro au gré de ses pensées, ou s'est amusé durant sa tendre enfance à divers jeux tels que le lancer d'avions à travers la salle de classe ou la prédiction de la salière de papier. Et je plains les rares qui n'ont jamais connu ces petits moments. Mais il n'est pas trop tard, ce topic est là pour rattraper cette injustice.
Je vais vous parler d'un art noble, simple, amusant et à la portée de tous: l'origami.

Au chapitre de cette première partie, je vous enseignerai son histoire, du Japon au reste du monde (oui, il faut bien un historique au début; je sais que cela peut paraitre rébarbatif mais ne vous inquiétez pas), puis j'indiquerai les règles basiques du pliage et un résumé du schéma décrivant chaque modèle. Enfin, pour voir si vous avez bien tout suivi, vous pourrez vous entrainer avec une réalisation tout ce qu'il y a de plus simple, pour commencer en douceur.





Le pliage de papier est une branche à part entière du Deuxième Art, la Sculpure. Son origine est le Japon traditionnel d'il y a deux millénaires, qui lui a donné son nom de baptème: Origami. En japonais, ori signifie "plier"; quant à kami, il peut être traduit par "papier", ou par "Dieu". Car avant de devenir un jeu d'enfant, le pliage était un art religieux, une prière à part entière.Un légende raconte que celui qui a sculpté de ses doigts mille grues de papier se verra exaucer son voeu le plus cher; les mariages se fêtaient sous des guirlandes de grues entrelacées; et les femmes des pêcheurs leur offraient une grenouille en papier afin de leur porter chance lors des longs voyages en mer. L'origami est encore aujourd'hui l'un des grands constituants de l'identité culturelle japonaise, et même les flacons de saké sont scellés par un papillon traditionnel.

Bien que le papier soit une invention chinoise datant d'avant notre ère, on estime que les premiers pliages sont japonais et qu'ils étaient déjà intégrés à la vie de tous les jours dès le VIe siècle. Les marchands y conservaient leurs médecines ou leurs aromates, et les moines shintoïstes en faisaient (et en font) de longs serpentins, suspendus dans leurs temples.

Les modèles dits "traditionnels" apparaissent vers l'An mille; on y retrouve bien sûr la Grue, le Papillon, mais aussi la Grenouille, le Crabe, la Carpe... Ils montrent non seulement une intégration de l'origami en tant que loisir et qu'art, mais aussi une maîtrise poussée des techniques de pliage pour l'époque. A cette époque apparaissent également des modèles chinois. Lors du XVe et du XVIe siècle, ce sont à nouveau les emballages qui sont privilégiés.
En 1797 et 1845 sortiront les trois premiers recueils de pliages: le Senbazuru-origata, un traité sur les Grues; le Chushingura-origata, spécialisé dans les personnages; et le Kan-no-mado, une encyclopédie sur la culture japonaise, dont deux tomes sont dédiés à l'origami. Par la suite, l'engouement pour le pliage devient tel qu'il apparait dans la plupart des programmes scolaires nippons.

Et dans le reste du monde, me direz-vous? Et bien, il se trouve qu'en Europe, le pliage faisait aussi son bout de chemin... sous une autre forme: le pliage de serviettes. Henri IV et Marie de Médicis en savent quelque chose, eux qui ont eu droit à des chez-d'oeuvre pour leurs noces!
Le papier était aussi étudié. Certains modèles intriguait les savants, comme l' Accordéon ou l' Eventail magique. Et ce sont les Maures d'Espagne qui inventèrent la fameuse Cocotte.
Par la suite, là encore, le pliage finit par être enseigné à l'école, cette fois-ci pour des études mathématiques. Le Bateau, la Salière, le Moulin à vent étaient enseignés aux jeunes élèves en 1882. Le pliage de papier devient un loisir relativement courant.

C'est dans les années 1950 que le pliage et l'origami se rencontrent. En 1954, le grand maître de l'origami Akira Yoshizawa écrit un manuel où il définit un modèle unique de représentation du pliage, et qui connait un succès planétaire. L'an suivant, l'Américain Gershon Legman expose à Cagnes-sur-mer 300 modèles d'origami traditionnels japonais. C'est l'achèvement d'une démocratisation mondiale de l'origami.

Enfin, l'apparition de nombreuses associations d'origami un peu partout dans le monde a assis la notoriété de cette activité. Citons parmi d'autres: le MFPP en France, le CDO en Italie, OrigamiUSA, la BOS au Royaume-Uni, la NOA et la JOAS au Japon...





Voilà, pas trop fatigués? ^^

Passons à la théorie.






Pour résumer, et comme cela a déjà été évoqué, l'origami est fortement lié aux mathématiques, notamment à la géométrie. Des manipulations simples et peu variées peuvent amener à l'élaboration d'une quasi-infinité de modèles différents. Un autre avantage est la possibilité de dessiner des schémas pour chaque sculpture.
Le système de notation que nous utiliserons s'appelle le système Yoshizawa-Randlett, et c'est d'ailleurs celui qui est utilisé par à peu près tout le monde.

1 ) Les plis élémentaires

Petite indication: il est souvent préférable de bien marquer les plis, en les pinçant ou en les écrasant de l'ongle.

Un pli classique peut s'effectuer de deux manières différentes:

_ _ _ _ _ Ce trait indique un pli appelé "vallée", qui consiste à rabattre une partie de la feuille par devant.

_ . _ . _ . Ce trait-ci indique un pli "montagne", pour lequel la feuille est rabattue par derrière.

A partir de ces deux composants, on peut réaliser la plupart des plis complexes.


2 ) Divers autres signes du "solfège":
(Cette partie sera complétée plus tard, pour le moment elle n'est pas utile)


3 ) Dernières recommandations:

-vérifiez que les angles et les bords soient bien réalisés, cohérents, et soigneusement marqués;
-prenez votre temps, votre grue n'a pas encore des ailes pour voler, et elle n'est probablement pas notée coefficient 5, alors relax;
-privilégiez les papiers souples, résistants, mais pas trop épais;
-songez à récupérer vos chutes et vos brouillons, pour épargner les forêts;
-si on vous demande d'utiliser une feuille carrée, assurez-vous qu'elle soit bien carrée;
-commencez par des modèles simples;
-même si vous bloquez, ne vous découragez pas: il y a toujours des blocages lorsqu'on apprend une nouvelle technique, c'est tout à fait normal, ça passera avec l'expérience et l'entrainement.




Et maintenant que vous savez l'essentiel, pourquoi ne pas éprouver ces nouvelles connaissances avec un modèle tout simple?
Celui que je vous présente est une oeuvre de l'Américain Paul Jackson, et a la particularité de ne nécessiter que des plis vallée et montagne pour voir le jour, soit le minimum syndical. Mieux, il n'est pas nécessaire d'être précis dans la réalisation des plis, à l'exception du premier. Et non seulement l'approximation est possible, mais elle est exceptionnellement encouragée, afin d'obtenir des versions variées!




(Cliquez pour être redirigé. Merci à ma soeur pour avoir hébergé la fiche)


Cette première partie est désormais terminée. J'ajouterai un nouveau message environ une fois par mois, pour approfondir le sujet, rapporter d'autres anecdotes, et présenter d'autres pliages. Si vous avez des remarques, des compliments, des précisions à apporter, ou si vous souhaitez montrer vos créations ou me demander des modèles en particulier, n'hésitez pas à laisser un post.

Le mois prochain, je vous évoquerai les différentes formes de l'origami, les "bases" classiques du pliage, et livrerai un autre modèle tout simple, qui demandera un peu plus de concentration.

Bravo, ton topic est très bien présenté et tu m'a permis d'en apprendre plus sur l'origine de l'Origami (une fois, ma tante m'a appris à faire une grue et m'a vaguement expliquer le fait d'en faire 1000 pour exaucer un voeu, mais je n'est pas tout compris, et ma grue n'était vraiment pas terrible (au début elle ressemblait à un pingouin), alors je me suis très vite découragé à en faire 1000 ^^)

Petite question comment les mots "Ori" et "Kami" ont ils pu former le mot "Origami" ? D'où vient le "G" est ce une déformation du mot, ou alors il existe vraiment le mot "Gami" ?

Sinon, pour le visage j'ai réussi !! Le site ainsi que le schéma sont très réussi, même moi le pas doué en arts plastiques j'ai tout compris XD

Bon, ok, le rendu sur un petit bout de papier à carreaux n'est pas le même que le tient, mais l'idée est là...
Par contre j'ai eu du mal avec les yeux...
Je sais que c'est la dernière étape mais j'ai eu un peu de mal à m'imaginer comment des petits triangles blancs sur fond blanc pouvaient donner des yeux sur un visage. J'ai tenté le tout pour le tout et au final mon visage est plutot correct.

Vivement la suite dans les prochains mois !!


P.S. Tu nous apprendra à faire un Yoda en papier ?

Yay, enfin une réponse sérieuse o/

Pour répondre à ta question, oui, l'utilisation de "-gami" est correcte ici. Je ne suis pas expert en japonais, mais il me semble que c'est juste une question d'accord entre les deux mots (oru + kami).

Alors, effectivement, le problème du visage est qu'il nécessite d'utiliser un papier bicolore pour être cohérent au final. Mais bon, ce n'est pas gravissime comme obstacle: sur le modèle en photo, j'ai tout bêtement découpé un carré de papier blanc et colorié une face au feutre. Easy.
Le prochain modèle pourra très bien se contenter d'un papier de couleur uni. D'ailleurs, la présentation est déjà prête, mais je ne peux malheureusement pas pour l'instant me lancer dans la deuxième partie, biscotte les cours sont un poil intense en ce moment. Patience donc (une semaine, au pire deux).

PS: le Yoda que tu as vu est un modèle de maître, qui requiert un niveau très élevé dans l'art du pliage. Si tu veux te lancer, pourquoi pas, mais je te souhaite bien du plaisir.
(Par contre, je crois me souvenir d'un modèle de la tête de Yoda seule. A voir ;) )