Je réponds un peu en cascade de quote! Désolé du procédé par très élégant, mais comme il y avait pas mal de points de discussion intéressants, je me permets de faire ainsi!!
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Si aujourd'hui Viz Media Europe se lance dans cette action c'est probablement (d'après mon expérience personnelle sur Ippo) par pression du groupe japonais, c.a.d. Shueisha
En fait, tout ça c'est en gros la même entité. Je ne l'ai peut-être pas bien expliqué, mais tout ça relève peu ou prou du même groupe, dans une perspective assumé de s'implanter en Europe et de contrôler directement ses droits par la Shueisha. Donc pas pression, mais bien directives d'une maison-mère à des filiales mandatées voire acquises clairement dans cette finalité.
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Cependant, il ne faut pas s'y tromper : jamais le Japon n'a eu d'égard pour l'extérieur, niveau manga.
Les éditeurs sont pourtant depuis un moment déjà (plus de 20 ans) extrêmement soucieux de l'exportation et de la gestion des droits. Le scantrad, c'est encore autre chose, et ça a induit des prises de position particulières récentes. Mais pour l'édition au sens premier du terme, c'est un cliché sur le Japon, perçu comme replié sur lui-même, que de penser que d'un point de vue commercial les éditeurs n'appréhendaient pas le marché extérieur.
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Jamais un mangaka n'écrira pour un public international
La simple globalisation de la culture me ferait dire que de toute façon le public s'internationalise naturellement, et que l'écriture des mangas s'inscrit justement aujourd'hui dans une culture "trans-nationale". Mais c'est difficile à établir. Cependant, techniquement, on a des contre-exemple clairs de cette affirmation, ne serait-ce qu'en France avec la revue Akiba qui présente des oeuvres de mangaka, débutants ou confirmés, à destination du public français. Et j'ai récemment appris qu'il y a avait eu déjà des tentatives concernant des productions spécifiques pour d'autres marchés il y a une dizaine d'années.
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Le scantrad exploite-t-il vraiment l'œuvre ? Ma réponse est non. Pour l'exploiter, il faut en tirer profit
Bon, là je ne suis pas d'accord, mais on ne va pas refaire tout le sujet. A chacun de se faire sa religion effectivement sur cette épineuse question.
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Car la qualité générale des teams de scantrad françaises est excellente. Tant et si bien qu'elle fait souvent du meilleur boulot que les professionnels
Ca, c'est quand même super limite comme argument je trouve. Pour moi, c'est le jour et la nuit, et heureusement qu'il y a encore les éditeurs officiels. D'autant que les sites qui suscitent le plus de fréquentation sont ceux qui sortent le plus vite, et qui ont souvent des gros soucis de qualité. Je peste 100 fois plus devant des scans que devant un volume officiel. Après, on peut exiger de l'éditeur que son boulot soit irréprochable, puisqu'on le paie, ce qui n'est pas le cas du scantrad. Et je suis le premier à pester devant certains travaux effectués par dessus la jambe par certains éditeurs français. Mais dire que le boulot est meilleur en général dans le scantrad, c'est en pas être regardant sur l'orthographe, la langue, la traduction, etc, et ne pas bien connaître le marché du manga en France. Très souvent, dans les grosses équipes, je constate que certaines phrases ne veulent rien dire, ou sont mal-construites. Heureusement cela n'arrive que très rarement chez un vrai éditeur. Les erreurs sont ailleurs (typo, inversion, etc.) qui souligne l'absence de relecture aux épreuves très souvent, mais au moins on a un objet correct. L'avantage du scantrad, c'est qu'on a un objet disponible. Certains travaux sont de qualité, mais ils sont minoritaires au moins en termes de trafic. Et il faut se méfier de la critique des éditeurs officiels: lorsque tout se sera cassé la figure, parce qu'on est dans des économies précaires, on aura de quoi franchement regretter.
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Certains ont pris le parti d'améliorer la qualité de leurs services
Là, entièrement d'accord. C'est d'ailleurs un des points que je défends, et ai défendu lorsque j'ai eu à en parler avec des éditeurs: ceux qui décident de donner une plus-value à leur volume ont une réaction réellement intelligente. Sans parler des éditions et rééditions plus luxueuses (des gouffres financiers à ce que j'ai cru comprendre en fait...), Kurokawa et ses suppléments pour Lost Canvas par exemple, les notes qui se généralisent, je trouve que ça va dans le bon sens. Après, pas évident que ce soit lié à la pression du scantrad: le public français est aussi de plus en plus connaisseur et exigeant en général (grâce au scantrad en partie? peut-être effectivement...)
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Demandons directement l'avis du mangaka concerné
Ca se fait actuellement, etglobalement les auteurs semblent défendre farouchement le droit de leurs oeuvres, et on les comprends aisément. Je ne me souviens plus si Oda n'avait pas fait une allusion à tout cela, mais on avait au moins eu le retour via Kubo. Et actuellement, si le développement de l'oeuvre en ligne bloque aussi au Japon, c'est parce que les auteurs ne veulent rien céder, et que beaucoup préférerait garder les droits de ce type de diffusion, afin d'avoir le maximum de recettes. Certains ont tenté de faire leurs sites pour diffuser leurs oeuvres (on en a déjà parlé), librement pour des oeuvres anciennes, payantes pour les récentes, par intérêt ou par goût d'un autre rapport à leur public. Bide complet au dernières nouvelles, et pas possible d'en vivre. Donc les éditeurs attendent que les auteurs se plantent, pour pouvoir mettre en place de réelles structures. Mais croire que les auteurs sont prêts à laisser leurs oeuvres libres de droits, hors du Japon ou pas, ce n'est pas se bercer d'illusions, c'est fantasmer pour se donner bonne conscience. Les auteurs sont pillés autant que les éditeurs dès qu'il y a diffusion illégale (traduite ou non), et clairement ils doivent le ressentir de manière beaucoup plus douloureuse que l'éditeur, ne serait-ce que parce que c'est de leur oeuvre qu'il s'agit.
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car même si l'auteur était d'accord, la maison d'édition derrière lui ferait pression à mort pour qu'il change d'avis, et on sait tous le pouvoir que ces gens peuvent avoir sur un auteur, qu'il soit internationalement connu et demi-dieu en son pays ou débutant complet.
Faut pas trop se représenter le gentil auteur qui travaille pour le gloire et le méchant éditeur qui se fait de l'argent sur son dos! L'auteur est le premier à défendre son oeuvre et son exploitation! Auteurs et éditeurs sont des partenaires en contrat, et certains parviennent tout à fait à imposer leurs vues esthétique, alors commerciales, ça me semble évident aussi. Les CLAMP par exemple ont directement supervisé l'édition de Gate 7 par Kaze. L'éditeur m'a raconté comment ça s'était passé, plus les détails sur les changements d'éditeur au Japon des CLAMP. L'auteur a une place reconnue, aussi bien au niveau de la création qu'au niveau de la rémunération, même si le système de prépublication et des magazines avec des identités fortes est très contraignant au niveau créatif. Mais je pense qu'au niveau financier ça fonctionne assez sainement (mais je ne sais pas beaucoup plus que ce qu'on entend dans des interviews, ce qu'on voit romancé dans Bakuman et autres, ou ce que j'ai pu comprendre en discutant avec des gens du milieu bd et manga: pas de chiffres ni de détails réels).
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D'ailleurs, les mangaka sont-ils au courant de ce qui se passe outre-Pacifique? Les maisons d'éditions les tiennent-ils au jus des tenants et des aboutissants de ces histoires?
Les messages généraux des éditeurs l'an passé ont été publiés dans les magazines, et là encore il me semble qu'il y avait eu des échos (d'appui) de certains auteurs (mais je me trompe peut-être). Enfin les auteurs suivent leurs oeuvres, même à l'étranger. Souvenons-nous quand même d'Oda imposant à Glénat de reprendre le sens de lecture japonais pour ne pas inverser gauche et droite!
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La prépublication japonaise rend obsolète le concept même du tome par tome
Le Japon a quand même fêté en grande pompe les 200 millions d'exemplaires de One Piece, et il fait bien des volumes pour rattraper une publication ou découvrir des oeuvres anciennes. Je ne comprends vraiment pas ce que tu voulais dire, là.
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Soit on booste cet aspect, et on crée notre système de prépublication
C'est super tentant, et c'est un rêve pour moi aussi, mais je n'y crois plus, sur format papier du moins. Les dernières tentatives, à la française avec Shonen Mag, à la japonaise avec Akiba ne me semblent pas convaincantes. Et le Jump international, version papier, ça me paraît compliqué, quand on voit déjà la prépublication de comics. Je persiste à penser que le support internet est ce qui permettrait d'obtenir un mode de prépublication en Europe. Si, comme j'ai pu le comprendre, la shueisha serait prête à l'envisager sous sa supervision, la question du scantrad au moins en partie réglée, alors ça m'irait vraiment. Mais bon, là aussi, faut pas trop rêver non plus...
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Le scantrad doit rester un moyen de faire connaître l'énorme catalogue nippon au plus grand nombre, et ne pas devenir une machine à fric. Son rôle promotionnel est indéniable
Je suis assez d'accord avec ça, mais alors, comment justifier que des teams continuent à faire des séries licenciées? S'il ne s'agissait que de la découverte, elles arrêteraient de suite, une fois la licence acquise. Et de fait, c'est ce qui se passe concrètement pour plein de séries peu connues, en bonne entente, tacite ou via des échanges, entre team et éditeurs. Mais s'il y a encore des teams pour les grosses séries licenciées, c'est pour deux raisons, l'une pouvant servir de paravent à l'autre, selon le degré "d'intégrité" de la team:
1) le retard dans la publication (et quand on aura régler ça, la question de la PRE-publication)
2) parce que ça rapporte (aux grosses teams et agrégateurs, là encore, je vous fais l'économie des estimations de revenus des onemanga et autres mangastream)
Est-on là encore dans l'esprit de base de découverte du scantrad? Pas vraiment, et en même temps je serais le premier désolé si je n'avais pas mon chapitre hebdo de onepiece... Et si la chasse au scantrad des grosses licences tuait le scantrad en général ce serait dommage: qu'à cause de gros bourrins on perde tout ce qui fait la richesse du milieu (parce que les petites teams motivées seront les premières à céder, les gros agrégateurs les derniers à rester), ça me fait un peu peur...
Enfin, tout ceci est effectivement compliqué, mais il faut bien se dire qu'on porte préjudice aux auteurs, et qu'eux-même en sont de plus en plus conscients, qu'ils soient ou non bienveillants vis-à-vis de leur jeune lectorat ou partisan des nouvelles technologies. Il s'agit quand même de ce qui les fait vivre.