Je viens de voir hier soir la création d'un spectacle que j'ai trouvé vraiment très bon: Mars, d'apres Fritz Zorn, mis en scène par Mathieu Boisliveau et interprété par Thibault Perrenoud. Tous deux de la Compagnie Kobal't.
Le spectacle n'est que 3 jours au Théâtre de Vanves, ce soir étant le dernier! Il y a donc urgence pour le découvrir (et je pense particulièrement à mes intellos parisiens du forum, férus de culture, qui pourraient ainsi varier leur habituelles sorties du samedi soir, voire se faire un
before de qualité puisque le spectacle, débutant à 20h30, dure à peine plus d'une heure).
Le spectacle sera ensuite présenter à Montélimar et aura une autre date à Paris dans quelques mois. Une création, pour ce type de petit spectacle, c'est l'occasion de le montrer pour qu'un plus gros théâtre l'achète pour la saison prochaine.
Le spectacle à présent!
Ce qui m'a d'abord plu, c'est le texte, particulièrement puissant. Si j'avais déjà entendu parlé du "phénomène", notamment parce qu'il s'agit du texte fétiche de Jean-Quentin Chatelain, un des plus grands comédiens de notre époque, je ne l'avais jamais entendu ou lu. Et sa découverte m'a scotché.
Mars est considéré comme un essai autobiographique mais si la réflexion est présente, on est plus proche de la poésie et du cri de révolte. Fritz Zorn, de son vrai nom Fritz Angst (de l'angoisse à la colère donc), se meurt d'un cancer, la trentaine à peine entamée. Pour lui, une évidence s'impose: son cancer est psychosomatique et le fruit de son éducation privilégiée, mais tellement fondée sur les bonnes manières que rien n'y put être vécu, ressenti. Dépouillé de toute émotion, bouffi de frustration, incapable d'aimer, de se lier à qui que ce soit, Fritz se voit comme rongé de l'intérieur par le cancer. Il a, comme il le dit lui-même, "été éduqué à mort"!
La lucidité et la finesse du propos sont tout bonnement sidérantes. Et loin se de complaire dans la seule souffrance d'un cas isolé, la manière de raconter, de présenter les choses, confèrent à cette histoire une part d'universalité. C'est simple, plusieurs fois durant le spectacle, s'est imposée cette pensée qui pour moi est un des signes des grandes œuvres, en tout cas de celles qui me touchent particulièrement: "c'est l'histoire de ma vie". Et après le spectacle, alors que nous étions encore sur le plateau, j'ai entendu plusieurs spectateurs tenir des propos similaires.
J'ai dit sur le plateau parce que la mise en scène nous y situe: c'est cela aussi que j'ai adoré et c'est pourquoi je recommande à ceux qui le peuvent d'y aller dès ce soir. Tous les spectateurs sont sur le plateau. Au centre une grande table basse. Une chaise, celle du comédien, d'un côté. Sur les trois autres deux rangées de chaises, quelques gradins au fond. On s'installe donc autour de la table (j'étais au premier rang, juste en face du comédien: si vous y allez, il faut absolument se mettre à ce premier rang). La table se garnit: cubis de vin rouge et blanc, chips, légumes crus et sauce mayo, plus tard des bonbons.
Fritz nous convie pour nous dire qu'il va mourir. Il arrive, nous accueille, nous invite à nous servir, à nous mettre à l'aise. À fumer même: des cendriers sont là, Fritz lui-même allumera cigarette sur cigarette, les volutes de fumée suscitant cette image commune de la mort qui hante notre imaginaire. On mange, boit et fume donc avec Fritz pendant qu'il nous raconte l'histoire de sa vie. Et c'est formidable. Bien évidemment, la mise en scène évolue et je ne voudrais pas déflorer ce qui s'y produit. J'étais pour ma part complètement dedans et j'ai passé un excellent moment. Cela faisait un moment au théâtre.
Foncez-y.